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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2015.
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES,
sur l’activité de la délégation en 2014,
PAR
Mme Catherine COUTELLE,
Députée
——
(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.
La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-président-e-s ; Mme Édith Gueugneau ; Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Laurence Arribagé ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Huguette Bello ; Mme Brigitte Bourguignon ; Mme Marie-George Buffet ; Mme Pascale Crozon ; M. Sébastien Denaja ; Mme Sophie Dessus ; Mme Marianne Dubois ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Martine Faure ; M. Guy Geoffroy ; Mme Claude Greff ; Mme Françoise Guégot ; Mme Sonia Lagarde ; Mme Geneviève Levy ; Mme Véronique Massonneau ; Mme Sandrine Mazetier ; M. Jacques Moignard ; Mme Dominique Nachury ; Mme Maud Olivier ; Mme Bérengère Poletti ; Mme Josette Pons ; Mme Catherine Quéré ; Mme Barbara Romagnan ; M. Gwendal Rouillard ; Mme Maina Sage ; Mme Sylvie Tolmont ; M. Philippe Vitel.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
PREMIÈRE PARTIE : LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES 11
I. LES TEXTES DONT LA DÉLÉGATION A ÉTÉ SAISIE 11
A. LE PROJET DE LOI POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES 11
1. L’examen en première lecture (janvier 2014) 11
2. L’examen en seconde lecture (juin 2014) 13
B. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA FORMATION PROFESSIONNELLE, À L’EMPLOI ET À LA DÉMOCRATIE SOCIALE 14
1. Le rapport présenté par Mme Ségolène Neuville (janvier 2014) 14
2. Les principaux amendements adoptés 15
C. LA PROPOSITION DE LOI RELATIVE À L’AUTORITÉ PARENTALE ET À L’INTÉRÊT DE L’ENFANT 15
1. Le rapport présenté par Mme Marie-Noëlle Battistel (mai 2014) 15
2. Les principaux amendements adoptés 16
D. LE PROJET DE LOI RELATIF À L’ADAPTATION DE LA SOCIÉTÉ AU VIEILLISSEMENT 17
1. Le rapport présenté par M. Jacques Moignard (juillet 2014) 17
2. Les principaux amendements adoptés 18
E. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA RÉFORME DE L’ASILE 20
1. Le rapport présenté par Mme Maud Olivier (novembre 2014) 20
2. Les principaux amendements adoptés 21
F. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA SANTÉ : LE DÉBUT DES AUDITIONS EN DÉCEMBRE 2014 22
II. LES AUTRES TRAVAUX LÉGISLATIFS 23
A. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 23
1. L’audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » 23
2. Le dépôt d’un amendement concernant l’imposition des revenus au sein des couples suite au rapport de la délégation sur la fiscalité 23
B. LE PROJET DE LOI SUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES TRAVAUX MENÉS SUR « FEMMES ET PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE » 23
1. L’organisation de deux tables rondes avec des expert-e-s et des représentant-e-s d’associations (septembre 2014) 23
2. La communication présentée par Mme Barbara Romagnan sur les femmes et la précarité énergétique (septembre 2014) 24
C. LE PROJET DE LOI POUR LA CROISSANCE, L’ACTIVITÉ ET L’ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES 24
1. L’audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique (décembre 2014) 24
2. Les améliorations apportées lors de l’examen en commission et en séance au regard de la situation des femmes 24
DEUXIÈME PARTIE : LES TRAVAUX D’INFORMATION ET D’ÉVALUATION 25
I. LES RAPPORTS D’INFORMATION 25
A. LE RAPPORT D’INFORMATION SUR LES FEMMES ET LE SYSTÈME FISCAL (AVRIL 2014) 25
1. Les auditions de la délégation 25
2. Le questionnaire adressé au ministère du budget et les informations recueillies par la délégation sur l’imposition des couples dans plusieurs pays européens 26
3. Le rapport présenté par la présidente de la délégation 27
B. LE RAPPORT SUR LE BILAN DE L’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION EN 2012 ET EN 2013 (FÉVRIER 2014) 28
II. LES AUDITIONS ET AUTRES TRAVAUX THÉMATIQUES 29
A. LES AUDITIONS SUR LES ARMÉES ET SUR LE NUMÉRIQUE 29
1. La situation des femmes dans les armées : l’audition, commune avec la Commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense (avril 2014) 29
2. Les femmes et le numérique : l’audition de Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, rapporteures de la mission d’information sur l’économie numérique française (juin 2014) 29
B. LES AUTRES TRAVAUX THÉMATIQUES 30
1. Le colloque européen organisé sur l’égalité femmes-hommes et la loi : quel bilan après deux ans d’études d’impact ? (septembre 2014) 30
2. L’accueil d’élu-e-s de l’Assemblée de la Polynésie française 31
TROISIÈME PARTIE : LES ACTIVITÉS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES
I. LE COLLOQUE SUR LES VIOLS EN SITUATION DE CONFLITS ET LE PROJET LIBYEN SUR LES VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES 32
II. LES DÉPLACEMENTS À L’ÉTRANGER ET LES PARTICIPATIONS À DES ÉVÈNEMENTS INTERNATIONAUX ORGANISÉS À PARIS 33
A. LES DÉPLACEMENTS 33
1. La conférence organisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et la présentation des résultats d’une grande enquête sur les violences faites aux femmes (Bruxelles, mars 2014) 33
2. La réunion interparlementaire sur les violences faites aux femmes au Parlement européen, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes (Bruxelles, mars 2014) 35
3. La session annuelle de la Commission de la condition des femmes des Nations Unies (CSW à New York, mars 2014) 36
4. Autres déplacements 37
B. LES PARTICIPATIONS À DES ÉVÈNEMENTS INTERNATIONAUX AYANT EU LIEU EN FRANCE 38
1. Le Sommet mondial des femmes à Paris (juin 2014) 38
2. Le Congrès abolitionniste international à l’Assemblée nationale et l’appel de parlementaires contre la prostitution (novembre 2014) 38
III. L’ACCUEIL DE DÉLÉGATIONS ET PERSONNALITÉS ÉTRANGÈRES 41
A. LES MINISTRES ET LES PARLEMENTAIRES 41
1. Les entretiens avec trois ministres chargées des droits des femmes (Suède, Canada, Tunisie) 41
2. L’accueil de délégations parlementaires étrangères (Kirghizstan, Algérie, Tunisie, Bénin, Portugal) 41
B. LES REPRÉSENTANT-E-S DE LA SOCIÉTÉ CIVILE 42
1. Les femmes rencontrées dans le cadre du programme d’invitation des personnalités d’avenir (Chypre, Inde, Suisse) 42
2. Les autres délégations accueillies (Suède, Turkménistan) 43
TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 45
I. COMPTES RENDUS D’AUDITIONS AYANT EU LIEU EN 2014 ET NON PUBLIÉS DANS DE PRÉCÉDENTS RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION 45
Audition, commune avec la commission de la Défense nationale et des forces armées et ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur la situation des femmes dans les armées 46
Audition de Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, rapporteures de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique française, sur les femmes et le numérique 58
Audition, sous forme de table ronde, de représentant-e-s de la Croix-Rouge, du Secours catholique et de la Fondation Abbé Pierre, sur les femmes et la précarité énergétique 66
Audition de M. Bruno Maresca, responsable du département de l’évaluation des politiques publiques du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), et de Mme Isolde Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), sur les femmes et la précarité énergétique 73
Présentation de la communication de Mme Barbara Romagnan sur la vulnérabilité des femmes à la problématique de la précarité énergétique 82
Audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales, sur les crédits pour 2015 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » 88
Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, sur le projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) 97
II. EXAMEN DU RAPPORT D’ACTIVITÉ PAR LA DÉLÉGATION 107
ANNEXES 111
ANNEXE 1 : DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA LOI CONCERNANT LES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES AUX DROITS DES FEMMES 113
ANNEXE 2 : LISTE CHRONOLOGIQUE DES 37 RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION EN 2014 ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES 115
ANNEXE 3 : LISTE DES 64 RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION EN 2014 119
ANNEXE 4 : COMMUNICATION DE MME BARBARA ROMAGNAN SUR LES FEMMES ET LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE (SEPTEMBRE 2014) 129
Une Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été instituée, dans chacune des assemblées, par la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 (1) issue d’une initiative du groupe socialiste (2). Les délégations, dont chacune compte 36 parlementaires, sont chargées d’informer le Parlement de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, et assurent, en ce domaine, le suivi de l’application des lois. Elles peuvent également être saisies sur un projet ou une proposition de loi (cf. annexe n° 1 du présent rapport sur les dispositions prévues par la loi concernant les délégations parlementaires aux droits des femmes).
Aux termes de la loi, les délégations « établissent, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence (3)». Le présent rapport dresse ainsi le bilan de l’activité de la délégation de l’Assemblée nationale entre janvier et décembre 2014 et, cette année encore, de nombreux travaux ont été engagés sur des problématiques très variées, avec la volonté constante de défendre les droits des femmes dans le cadre d’une approche intégrée de l’égalité, donc nécessairement large et transversale.
L’activité de la Délégation aux droits des femmes (DDF) en 2014 en quelques chiffres
– 37 réunions et comptes rendus, pour une durée de 44 heures et 75 personnes auditionnées.
– 6 rapports et 64 recommandations adoptées en 2014 (7 rapports publiés en incluant le rapport sur le projet de loi pour l’égalité entre femmes et les hommes publié en janvier).
– 1 rapport d’information adopté tous les 2 mois en moyenne en 2014 (et depuis 2012) et plusieurs dizaines d’amendements déposés en commission et en séance.
– 1 communication présentée sur les femmes et la précarité énergétique.
– 2 colloques organisés sur les viols en situation de conflits, en présence notamment du président Claude Bartolone et de la ministre des Droits des femmes, et sur les études d’impact, en présence d’expert-e-s européen-ne-s et de la secrétaire d’État aux droits des femmes.
– 2 déplacements à New York et Bruxelles.
– Des dizaines de personnalités et délégations étrangères rencontrées (Algérie, Bénin, Burkina Faso, Canada, Chypre, Inde, Kirghizstan, Portugal, Suède, Tunisie, Turkménistan, etc.).
Dans ce sens, la délégation a souhaité investir des thématiques parfois moins traditionnelles, comme la fiscalité, le droit d’asile ou la précarité énergétique, afin de rendre visibles certains enjeux spécifiques et disparités de genre, pour contribuer à construire l’égalité réelle dans tous les domaines.
En 2014, la délégation a tenu trente-sept réunions, pour une durée de quarante-quatre heures, et a auditionné plus de soixante-dix personnes (cf. annexe n° 2 du présent rapport). Ces réunions ont fait l’objet de comptes rendus, publiés dans de précédents rapports de la délégation, à l’exception de sept auditions, du fait de leur objet qui ne se rattachait à aucun d’entre eux. C’est pourquoi les comptes rendus de ces sept auditions figurent infra, dans la section relative aux travaux de la délégation.
L’année dernière, trois ministres et secrétaire d’État ont été entendu-e-s par la délégation : M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la Famille, des personnes âgées et de l’autonomie, auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, et M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique.
La délégation a publié sept rapports d’information, en incluant le rapport sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes publié à la mi-janvier 2014 et qui avait été adopté en décembre de l’année précédente, et adopté 64 recommandations en 2014 (cf. annexe n° 3 du présent rapport). Plus de 70 % des rapports publiés en 2014 portaient sur des projets ou proposition de loi.
LES SEPT RAPPORTS D’INFORMATION PUBLIÉS PAR LA DDF EN 2014
Thèmes des rapports publiés |
Rapporteur-e-s et date d’adoption |
Rapport n° 1380 sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (paru mi-janvier 2014). |
Mmes Brigitte Bourguignon, Catherine Coutelle, Edith Gueugneau, Monique Orphé et Barbara Romagnan (3, 10 et 17 décembre 2013) |
Rapport n° 1753 sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. |
Mme Ségolène Neuville (29 janvier 2014) |
Rapport n° 1809 sur le bilan de l’activité de la délégation de juillet 2012 à décembre 2013. |
Mme Catherine Coutelle (19 février 2014) |
Rapport n°1875 sur la question des femmes et du système fiscal. |
Mme Catherine Coutelle (10 avril 2014) |
Rapport n° 1923 sur la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant. |
Mme Marie-Noëlle Battistel (6 mai 2014) |
Rapport n° 2111 sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. |
M. Jacques Moignard (9 juillet 2014) |
Rapport n° 2379 sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile. |
Mme Maud Olivier (19 novembre 2014) |
Par ailleurs, dans le contexte de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, en septembre 2014, une communication a été présentée à la délégation par Mme Barbara Romagnan sur les femmes et la précarité énergétique. Cette communication a été mise en ligne sur le portail de la délégation et figure également en annexe n° 4 du présent rapport. La délégation a par ailleurs suivi d’autres textes à travers essentiellement l’organisation d’auditions, voire le dépôt d’amendements (projet de loi de finances pour 2015 et projet de loi pour la croissance et l’activité).
La deuxième partie du présent rapport est consacrée aux différents travaux d’information et d’évaluation qui ont été menés en parallèle sur certains thèmes, en particulier la fiscalité (rapport d’information), les études d’impact des projets de loi et l’égalité femmes-hommes (colloque européen), la situation des femmes dans les armées et le numérique (auditions thématiques). Comme les années précédentes, la délégation a également engagé différentes activités européennes et internationales, qui sont présentées dans la troisième partie du présent rapport.
Enfin, de nouveaux membres ont été accueilli-e-s l’an dernier au sein de la délégation (4), dont la composition actuelle figure en deuxième page du présent rapport : Mme Sandrine Mazetier, M. Gwendal Rouillard et Mme Sylvie Tolmont (SRC), Mme Maina Sage (UDI) et Mme Laurence Arribagé (UMP).
*
À mi-législature, le bilan d’activité de la délégation apparaît ainsi déjà très substantiel : 104 réunions de la délégation depuis juillet 2012, plus de 400 personnes auditionnées, 16 rapports d’information publiés (soit 1 rapport tous les 2 mois en moyenne), outre 3 contributions ou communication thématiques (violences faites aux femmes petite enfance et précarité énergétique).
ÉVOLUTION DU NOMBRE MOYEN DE RAPPORTS D’INFORMATION PUBLIÉS PAR AN PAR LA DDF DEPUIS 2002
Outre l’augmentation régulière du nombre de rapports publiés (cf. graphique supra), qui constitue l’une des expressions du rôle croissant pris par la Délégation aux droits des femmes depuis sa création, il y a un peu plus de quinze ans, on observe également, quant à l’objet des rapports, une progression de la part de ceux portant sur des projets ou propositions de loi (par opposition aux rapports d’information thématiques) depuis la précédente législature, lesquels sont suivis d’amendements sur ces textes de loi, en commission et en séance.
ÉVOLUTION DE LA PROPORTION DE RAPPORTS DE LA DDF
SUR DES PROJETS OU PROPOSITIONS DE LOI DEPUIS 2007
Une progression des activités législatives de la délégation
2007-2012 |
Juillet 2012- Février 2015 | |
Nombre total de rapports publiés |
17 rapports |
16 rapports |
– dont nombre de rapports portant sur des projets ou proposition de loi |
7 rapports |
11 rapports |
– soit en proportion (%) par rapport à l’ensemble des rapports publiés |
41 % |
69 % |
PREMIÈRE PARTIE : LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES
En 2014, la délégation (5) a tout d’abord été mobilisée par sept projets ou proposition de loi dont elle a été saisie (I) et mené par ailleurs des travaux sur d’autres textes, à travers l’organisation d’auditions, la présentation d’une communication, voire le dépôt d’amendements sur certaines dispositions (II).
I. LES TEXTES DONT LA DÉLÉGATION A ÉTÉ SAISIE
A. LE PROJET DE LOI POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
1. L’examen en première lecture (janvier 2014)
Adopté par le Sénat en première lecture en septembre 2013, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes a été examiné en séance par l’Assemblée nationale en janvier 2014 puis, en seconde lecture, en juin 2014.
Le 18 juin et le 16 octobre 2013, la délégation a désigné corapporteures sur ce texte Mmes Brigitte Bourguignon, Edith Gueugneau, Monique Orphé, Barbara Romagnan ainsi que la présidente Catherine Coutelle. Leur rapport a été examiné en trois fois par la délégation, les 3, 10 et 17 décembre 2013, et 94 recommandations ont été adoptées. Ce rapport (6), intitulé « Femmes-hommes : et maintenant l’égalité réelle », a été publié et mis en ligne le 15 janvier 2014.
Plusieurs propositions de la délégation ont été prises en compte par le Gouvernement. Par exemple, concernant la question des petits temps partiels, la présidente a déposé un amendement visant à abaisser le seuil de perception des indemnités journalières à 150 heures, sur le modèle de ce qui a été fait dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites pour abaisser le seuil de validation des trimestres de retraite. Cet amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Cependant, lors de l’examen du projet de loi en séance, le 20 janvier 2014, la ministre des Droits des femmes a déclaré très clairement : « Il est vrai que des progrès sont encore nécessaires, notamment sur la question du droit d’accès des salariés à petit temps partiel aux arrêts maladie. Je m’adresse notamment à Catherine Coutelle, qui a déposé un amendement qui a été jugé irrecevable (…). Sachez, madame la présidente, que nous sommes en train de travailler très activement sur ce sujet de l’accès aux arrêts maladie, aux indemnités journalières pour les petits temps partiels qui en sont aujourd’hui exclus. Cela ne relève pas de la loi mais du décret ; sachez cependant qu’une mesure s’inspirant de votre proposition est à l’étude et sera annoncée très prochainement ».
Dans ce sens, un décret du 30 janvier 2015 (7) a permis d’assouplir les conditions ouvrant droit aux indemnités journalières en cas de maladie, de congé maternité ou invalidité. Ce décret, entré en vigueur au 1er février, abaisse à 150 heures par trimestre (au lieu de 200), le nombre d’heures travaillées nécessaires pour avoir droit aux indemnités journalières (IJ) de l’assurance maladie pendant les six premiers mois d’interruption de travail, aux allocations journalières de maternités et aux IJ de l’assurance maternité. De même, lorsque l’arrêt de travail se prolonge sans interruption au-delà du sixième mois, le seuil de 800 heures par an est abaissé à 600 heures au cours des douze mois précédent l’arrêt de travail pour avoir droit aux IJ après le sixième mois d’incapacité de travail. Ces mesures s’inscrivent ainsi dans le prolongement de la recommandation n° 21 du rapport de la délégation sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui avait précisément préconisé d’« abaisser le palier de 200 heures à 150 heures (8) ».
De même, un amendement a été présenté par Mmes Maud Olivier, Catherine Coutelle, Conchita Lacuey, Catherine Quéré, Sylvie Tolmont et Cécile Untermaier, en vue de compléter l’article 1er du projet de loi. Il s’agissait d’inclure dans la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes les actions « visant à porter à la connaissance du public les recherches françaises et internationales sur la construction sociale des rôles sexués ». Cet amendement a été adopté en séance.
Un autre amendement de la présidente de la délégation, défendu par Mme Ségolène Neuville a permis d’inclure dans les actions de formation professionnelle, les actions de promotion de la mixité dans les entreprises et de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes. Cet amendement adopté en séance a permis de traduire la recommandation n° 19 du rapport de la délégation sur ce texte.
Par ailleurs, plusieurs membres de la délégation ont activement pris part au débat qui s’est tenu en séance publique au sujet de l’article 5 quinquies C nouveau, qui visait à supprimer la référence à la notion de « détresse » figurant dans le code de la santé publique concernant le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Il convient aussi de rappeler qu’à l’initiative de M. Sébastien Denaja, membre de la Délégation aux droits des femmes et rapporteur au nom de la Commission des lois sur ce texte, le titre du projet de loi a été complété pour retenir la notion d’ « égalité réelle » entre les femmes et les hommes.
2. L’examen en seconde lecture (juin 2014)
Ce projet de loi est revenu en seconde lecture à l’Assemblée nationale, en juin 2014. Lors de son examen en Commission des lois, un amendement présenté par la présidente de la délégation et corapporteure, Mme Catherine Coutelle, et Mme Maud Olivier a été adopté concernant la diffusion des recherches françaises et internationales sur la construction sociale des rôles sexués – ces dispositions ayant été supprimées par le Sénat en seconde lecture, en avril 2014.
Lors de son examen en séance publique, un amendement adopté à l’initiative de Mme Sandrine Mazetier et plusieurs membres de la délégation visait à inscrire le soutien à l’entreprenariat féminin parmi les actions prioritaires de la Banque publique d’investissement (BPI), et à introduire la possibilité pour la BPI de mettre en place des mesures spécifiques en faveur des femmes entrepreneurs, et enfin à instaurer dans les rapports annuels réalisés par les comités régionaux d’orientation sur la mise en œuvre des orientations de la BPI un indicateur relatif au nombre d’entreprises détenues ou contrôlées par les femmes.
Par ailleurs, un autre amendement adopté en séance, présenté par Mmes Sandrine Mazetier, Catherine Coutelle et Barbara Romagnan, avait pour objet d’étendre l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration ou de surveillance aux sociétés non cotées qui emploient au moins 250 salariés permanents au lieu de 500 salariés permanents comme le prévoit la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 (9).
Enfin, un amendement à l’article 20 ter du projet de loi, proposé par Mme Mazetier et plusieurs membres de la délégation, dont la présidente, a permis de rétablir la rédaction supprimée au Sénat, avec l’objectif de rendre plus effective l’obligation de nominations équilibrées au sein de l’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique mis en place par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (10).
B. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA FORMATION PROFESSIONNELLE, À L’EMPLOI ET À LA DÉMOCRATIE SOCIALE
1. Le rapport présenté par Mme Ségolène Neuville (janvier 2014)
Après la signature par les partenaires sociaux d’un accord national interprofessionnel (ANI) sur la formation professionnelle, en décembre 2013, le Parlement a été invité à donner force de loi aux dispositions de l’accord, en février 2014. Un projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a donc été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avec l’ambition d’une réforme d’envergure de la formation professionnelle.
La Délégation aux droits des femmes a souhaité s’en saisir et a désigné comme rapporteure Mme Ségolène Neuville, le 14 janvier 2014.
Il est en effet apparu que des inégalités de genre persistent en matière de formation professionnelle et d’apprentissage au détriment des femmes, souvent conduites à occuper des emplois peu qualifiés et victimes d’une véritable ségrégation professionnelle, qui les contraint à s’orienter vers certains métiers et pas d’autres. Or cette division sexuée du travail, qui résulte de la permanence des stéréotypes de genre, entraîne des inégalités, y compris salariales entre les femmes et les hommes.
La délégation a mené plusieurs auditions pour nourrir sa réflexion sur ce texte important, qui ont eu lieu entre le 14 et le 23 janvier 2014. Elle a ainsi entendu notamment le président de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), une représentante de l’Association des régions de France (ARF), ainsi que la fondatrice et dirigeante d’une société de conseil en gestion de carrière au féminin (« 5A conseil »), et Mme Françoise Fillon, consultante en égalité et représentante des associations territoriales « Retravailler ». Ont également été auditionné-e-s des représentant-e-s de plusieurs syndicats (FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC et CGT), de l’Association nationale des directeurs-trices des ressources humaines (ANDRH) et de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) au ministère du travail.
Adopté le 28 janvier 2014, le rapport présenté par Mme Ségolène Neuville, intitulé « Formation professionnelle et apprentissage : des choix dictés par les stéréotypes de genre qui entretiennent les inégalités entre les femmes et les hommes », comportait une série de recommandations, présentées en annexe n° 3 du présent rapport, qui étaient fondées sur trois axes stratégiques : faciliter l’accès des femmes à la formation, promouvoir la mixité des métiers et développer la parité au sein de différentes instances.
2. Les principaux amendements adoptés
Dans le prolongement des travaux de la délégation, plusieurs amendements ont été déposés par la rapporteure, Mme Ségolène Neuville, la présidente et plusieurs membres de la délégation, afin de mieux prendre en compte les problématiques des femmes. Le projet de loi a été examiné en séance publique début février 2014.
Ainsi, un amendement à l’article 2 du projet de loi, visant à intégrer la question de la mixité des métiers au sein des négociations professionnelles, a été adopté. Dans le même esprit, un amendement visant à prendre en compte la lutte contre les stéréotypes de genre dans les contrats d’objectifs et de moyens a été adopté. De même, le code du travail a été complété en ajoutant la lutte contre la répartition sexuée des métiers concernant le droit à l’orientation.
Un autre amendement adopté en séance a prévu que les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) puissent financer en plus des repas, transports, hébergements, les frais de garde d’enfants.
Enfin, plusieurs amendements visant la parité ont été adoptés, concernant le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNFOP) et du Comité paritaire interprofessionnel national pour la formation professionnelle et l’emploi (recommandation n°10).
C. LA PROPOSITION DE LOI RELATIVE À L’AUTORITÉ PARENTALE ET À L’INTÉRÊT DE L’ENFANT
1. Le rapport présenté par Mme Marie-Noëlle Battistel (mai 2014)
Cette proposition de loi présentée par le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) avait pour objectif « d’adapter le droit de la famille aux nouvelles configurations familiales » et d’apporter des « réponses pragmatiques et les outils juridiques pour garantir l’intérêt de l’enfant dans les situations du quotidien, comme en cas d’accident de la vie », selon l’exposé des motifs.
Sensible aux inquiétudes exprimées par plusieurs associations regrettant notamment que ce texte n’aborde pas certaines questions, concernant en particulier les violences faites aux femmes, la délégation a demandé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à être saisie de la proposition de loi, par courrier adressé au président Jean-Jacques Urvoas, le 16 avril 2014.
Mme Marie-Noëlle Battistel a été désignée rapporteure de la délégation, le 29 avril 2014, et les travaux de la délégation se sont concentrés sur les chapitres relatifs à l’exercice conjoint de l’autorité parentale et à la médiation familiale de la proposition de loi.
Les auditions de la délégation ont eu lieu au cours de trois séances, les 29 et 30 avril 2014. En dépit des délais très courts impartis pour l’examen de ce texte, la délégation a ainsi pu entendre la secrétaire d’État chargée de la Famille, des personnes âgées et de l’autonomie, Mme Laurence Rossignol. Ont également été organisées deux tables rondes réunissant des magistrat-e-s et des avocates, d’une part, et des représentantes de plusieurs associations, d’autre part : SOS Les mamans, la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) et le collectif Abandon de famille – Tolérance zéro.
La rapporteure a par ailleurs auditionné des responsables de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) ainsi que M. Patric Jean, cinéaste et réalisateur de « La domination masculine ».
La semaine suivante, la délégation a adopté le rapport d’information présenté par Mme Marie-Noëlle Battistel, le 6 mai 2014, ainsi qu’une série de recommandations visant, d’une part à rééquilibrer certaines dispositions de la proposition de loi et à renforcer les devoirs des parents à l’égard des enfants et d’autre part, à mieux protéger les femmes et enfants victimes de violences (11).
2. Les principaux amendements adoptés
Un amendement de la rapporteure, Mme Marie-Noëlle Battistel, cosigné par la présidente Catherine Coutelle, qui a été adopté, visait à ce que le montant de la pension alimentaire versé puisse être modifié par le juge, si le non-respect par l’un des parents de la convention homologuée ou de la décision du juge aux affaires familiales a pour effet de modifier la répartition entre les parents de la charge effective d’entretien et d’éducation de l’enfant.
Par ailleurs, un amendement adopté en Commission des lois, à l’initiative de la rapporteure, Mme Marie-Anne Chapdelaine, et qui allait dans le même sens que celui présenté par la présidente et la rapporteure de la délégation, Mme Marie-Noëlle Battistel, et cosigné par Mme Maud Olivier, Mme Monique Orphé et Mme Edith Gueugneau, visait à écarter toute possibilité d’injonction de participer à des séances de médiation lorsque des violences ont été commises sur l’autre parent ou sur la personne de l’enfant. Ces dispositions s’inscrivaient ainsi dans le prolongement de l’une des recommandations adoptées par la délégation (12).
En séance publique, deux amendements de la rapporteure ont été adoptés. Le premier cosigné par la présidente et plusieurs membres de la délégation (Mmes Maud Olivier, Edith Gueugneau, Monique Orphé, Catherine Quéré, Pascale Crozon, Romagnan, Lacuey) prévoyait que le versement de la pension alimentaire par virement sur un compte bancaire puisse être prévu par la convention homologuée ou par le juge.
Le deuxième amendement également cosigné par la présidente et plusieurs membres de la délégation (Mmes Olivier, Gueugneau, Orphé, Quéré, Romagnan et Lacuey) vise à modifier la rédaction de l’article 5 en supprimant les mots « en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives ». Cet article 5 visait à permettre au juge, lorsqu’un parent fait obstacle à l’exercice de l’autorité parentale en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives, de le condamner au paiement d’une amende civile. La rapporteure a souhaité, plutôt que d’évoquer les prérogatives des parents, renforcer l’approche reconnaissant davantage les droits de l’enfant et les devoirs et responsabilités du parent à l’égard de son enfant.
D. LE PROJET DE LOI RELATIF À L’ADAPTATION DE LA SOCIÉTÉ AU VIEILLISSEMENT
1. Le rapport présenté par M. Jacques Moignard (juillet 2014)
La France va être confrontée dans les années qui viennent à un défi démographique majeur : l’accroissement continu des classes d’âge les plus élevées et l’augmentation de l’espérance de vie (plus de 80 ans en moyenne contre 47 ans au début du siècle). Notre pays doit s’adapter à cette évolution pour permettre à tous de profiter de ce progrès dans les meilleures conditions.
Les femmes sont au cœur de cette révolution de l’âge, d’abord parce qu’elles ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes et représentent les trois quarts des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et des résident-e-s en maison de retraite, mais aussi parce qu’elles sont très présentes dans l’accompagnement des personnes âgées, que ce soit dans le cadre familial ou à titre professionnel (97 % de femmes dans l’aide à domicile).
La Délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce texte au regard de l’importance des enjeux et dans la continuité de ses travaux sur le genre et la dépendance, engagés sous la précédente législature
M. Jacques Moignard en a été désigné rapporteur, le 25 juin 2014. Sur ce projet de loi, la délégation a tenu quatre séances d’auditions, qui ont eu lieu entre le 25 juin et le 2 juillet 2014, et qui ont permis d’échanger notamment avec :
– M. Yves Verollet, délégué général de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), co-rapporteur du CESE sur La dépendance des personnes âgées en 2011, et Mme Manuella Pinto, responsable des relations sociales de l’UNA ;
– Mme Sylvie Brunet, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et vice-présidente de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), le 25 juin 2014 ; cette audition a permis de présenter les travaux intéressants du CESE sur les femmes et la dépendance (13) ;
– dans le cadre d’une table ronde avec des représentant-e-s d’associations : Mme Elodie Jung, directrice de l’Association française des aidants, Mme Aude Messean, directrice de l’association Le Pari Solidaire – Logement intergénérationnel, fondatrice et présidente du réseau COSI (cohabitation solidaire intergénérationnelle), M. Loïc Rumeau, directeur régional du groupe SOS Seniors, et Mme Thérèse Clerc, féministe et fondatrice de l’association « La maison des Babayagas » ;
– Mme Paulette Guinchard-Kunstler, présidente du Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées.
Le 9 juillet 2014, la délégation a adopté le rapport d’information présenté par M. Jacques Moignard (14) ainsi que 15 recommandations visant à améliorer encore le texte proposé par le Gouvernement, pour renforcer la prévention et mieux prendre la question du vieillissement dans les politiques publiques, améliorer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, soutenir et valoriser les aidant-e-s, mais aussi mieux prendre en compte la dimension sexuée dans la gouvernance et le pilotage des politiques
2. Les principaux amendements adoptés
Dans le prolongement des recommandations de la délégation, plusieurs amendements ont été adoptés, lors de l’examen par l’Assemblée nationale en première lecture de ce projet de loi en séance publique, du 9 au 11 septembre 2014. Ces amendements sont présentés dans le tableau récapitulatif ci-après.
AMENDEMENTS ADOPTÉS SUITE À DES RECOMMANTIONS DE LA DÉLÉGATION SUR LE PROJET DE LOI RELATIF À L’ADAPTATION DE LA SOCIÉTÉ AU VIEILLISSEMENT
Recommandations adoptées par la délégation |
Amendements adoptés en séance |
Améliorer les connaissances concernant les violences faites aux personnes âgées, et notamment aux femmes en posant le principe de la réalisation d’études régulières sur ce type de violences et de maltraitances dans le rapport annexé au projet de loi, qui définit les objectifs de la politique d’adaptation de la société au vieillissement. (Recommandation n° 14). |
Après l’alinéa 264 [du rapport annexé], insérer l’alinéa suivant : « des enquêtes sont réalisées régulièrement sur les violences et les maltraitances à l’encontre des personnes âgées, et sur celles commises en raison des spécificités de genre. » (Amendement n° 494 rectifié) |
Demander une enquête nationale sur la nature des plans d’aide selon le sexe de la personne âgée et de son conjoint et développer les actions de sensibilisation et de formation en direction des équipes médico-sociales pour contribuer à faire évoluer les représentations. (Recommandation n° 5) |
Après l’alinéa 286 [du rapport annexé], insérer l’alinéa suivant : « Une enquête nationale pourrait être réalisée sur la nature des plans d’aide selon le sexe de la personne âgée et de son conjoint. Par ailleurs, le développement d’actions de sensibilisation et de formation en direction des équipes médico-sociales permettrait de contribuer à faire évoluer les représentations. » (Amendement n° 492) |
Développer les passerelles entre les différents métiers exercés au domicile en fonction des publics mais aussi avec les métiers exercés en structures, améliorer le dispositif de diplômes et certifications pour en accroître la lisibilité et favoriser la reconnaissance des compétences et la construction de parcours professionnels, et développer l’accompagnement en matière de validation des acquis de l’expérience (VAE) (Recommandation n° 10) |
Après l’alinéa 295 [du rapport annexé], insérer l’alinéa suivant : « Il convient de développer les passerelles entre les différents métiers exercés au domicile en fonction des publics, mais aussi avec les métiers exercés en établissement, d’améliorer le dispositif de diplômes et de certifications pour en accroître la lisibilité et favoriser la reconnaissance des compétences et la construction des parcours professionnels, ainsi que développer l’accompagnement en matière de validation des acquis de l’expérience. » (Amendement n° 559) |
Développer la collecte de données sexuées et renforcer l’information du Parlement : – en complétant dans ce sens certains articles du projet de loi concernant le recueil de données et la remontée d’informations statistiques dans le champ des politiques de l’autonomie ; – en introduisant des indicateurs sexués dans le programme de qualité et d’efficience (PQE) « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA », pour permettre un meilleur suivi dans le cadre de l’examen annuel des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS). (Recommandation n° 15) |
ARTICLE 3 À la seconde phrase de l’alinéa 22, après le mot : « données », insérer les mots : «, qui comportent des indicateurs sexués, ». (Amendement n° 561) |
ARTICLE 47 Après l’alinéa 14, insérer l'alinéa suivant : « 1° bis Le dernier alinéa de l’article L. 14-10-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport comporte des indicateurs sexués. » ; ». (Amendement n° 566) | |
ARTICLE 49 Après l’alinéa 9, insérer l’alinéa suivant : « Le rapport annuel et les données normalisées transmises par les maisons départementales des personnes handicapées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie comportent des indicateurs sexués. ». (Amendement n° 567) | |
ARTICLE 50 Compléter cet article par l’alinéa suivant : « Art. L. 232-21-4. – Les données et informations mentionnées aux articles L. 232-21 à L. 232-21-3 comportent des indicateurs sexués. ». (Amendement n° 568 rectifié) |
E. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA RÉFORME DE L’ASILE
1. Le rapport présenté par Mme Maud Olivier (novembre 2014)
Adopté en Conseil des ministres le 23 juillet 2014, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile a été précédé d’une large concertation auprès de l’ensemble des actrices et acteurs, et de la parution de plusieurs rapports relevant de nombreux dysfonctionnements du système français de l’asile. S’appuyant sur ces travaux et sur la nécessité de transposer de nouvelles directives européennes adoptées en juin 2013, le projet de loi visait à réformer en profondeur le droit d’asile afin de renforcer les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale, et, d’autre part, de statuer plus rapidement sur les demandes d’asile.
La Délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce texte, y voyant l’occasion de réinterroger les pratiques et les procédures actuelles dans ce domaine sous le prisme d’une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mme Maud Olivier en a été désignée rapporteure le 1er octobre 2014.
La délégation a concentré ses travaux sur les articles du projet de loi les plus directement en lien avec les problématiques de genre. Ceux-ci portaient principalement sur les actes et motifs de persécution (article 2), les « pays d’origine sûrs » (article 6), les modalités d’examen de la demande d’asile (article 7), les conditions d’accueil des demandeur-se-s d’asile (article 15) ainsi que la protection des mineur-e-s et personnes vulnérables (article 19), au regard notamment du risque de mutilations sexuelles féminines.
Au cours de cinq séances d’auditions, organisées entre le 7 et le 28 octobre 2014, la délégation a auditionné plusieurs acteurs institutionnels et de terrain.Ont ainsi été entendue-e-s le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la référente sur les violences faites aux femmes à l’OFPRA, ainsi que des représentant-e-s du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), de l’Office de l’immigration et de l’intégration (OFII) et de plusieurs associations, telles que le GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants) et le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s). La rapporteure a par ailleurs entendu des représentant-e-s de la CIMADE et l’ASTI (Association de soutien aux travailleurs immigrés).
En outre, la rapporteure et la présidente de la délégation ont effectué un déplacement à l’OFPRA, à Fontenay-sous-Bois, et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), à Montreuil, le 13 novembre 2014.
Au terme de ces travaux, le rapport d’information présenté le 19 novembre 2014 par Mme Maud Olivier a dressé le constat d’une prise en compte insuffisante du genre dans le système français et formulé 18 recommandations, qui ont été adoptées par la délégation, pour que l’égalité entre les femmes et les hommes constitue une dimension centrale de la réforme de l’asile.
2. Les principaux amendements adoptés
Lors de son examen en Commission des lois, plusieurs amendements présentés par la rapporteure ont été adoptés en lien avec les recommandations de la délégation. Ainsi, un amendement à l’article 5 prévoit que le rapport d’activité annuel de l’OFPRA remis au Parlement comprend des données quantitatives et qualitatives et présente les actions de formation des agents sur les persécutions liées au sexe et la prise en compte de la vulnérabilité (recommandations 5 et 6). Un autre amendement adopté prévoit que les personnalités qualifiées ont voix délibérative au conseil d’administration de l’OFPRA concernant la détermination de la liste des pays d’origine sûrs (recommandation 7).
Un amendement à l’article 15 a permis de transposer la liste des situations de vulnérabilité en application de la directive européenne dite « accueil » de 2013 (15) dans la loi, ce qui satisfait la recommandation 9 de la délégation.
Enfin, un amendement à l’article 19 prévoit qu’ « une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles est fournie aux parents ou aux tuteurs légaux de la mineure protégée », conformément à la recommandation 16.
Lors de l’examen du texte en séance, l’adoption d’un amendement sur l’article 2 a permis de préciser que « s’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe », ce qui satisfait pleinement la recommandation 2 de la délégation. Dans le même esprit, un amendement adopté en séance permettra que l’actualisation des inscriptions sur la liste des pays d’origine sûrs par l’OFPRA prenne en compte la situation des femmes dans l’analyse de la sûreté d’un pays (recommandation 7).
Enfin, la possibilité pour l’OPFRA de demander un certificat médical lorsqu’une protection a été accordée à une mineure exposée à un risque d’excision est devenue une obligation, grâce à l’adoption d’un amendement à l’article 19, déposé par la rapporteure, Mme Maud Olivier. L’important travail effectué par la délégation sur ce texte a donc porté ses fruits.
F. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA SANTÉ : LE DÉBUT DES AUDITIONS EN DÉCEMBRE 2014
Le projet de loi relatif à la santé a été présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014 par la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, avec un enjeu majeur « faire en sorte que l’ensemble de nos concitoyens puissent mieux se soigner ». Il se décline en trois axes : des mesures de prévention, notamment auprès des jeunes ; des mesures pour faciliter la santé au quotidien et des mesures d’innovation pour conforter l’excellence du système de santé. Examiné en commission des Affaires sociales en mars 2015, le texte sera débattu à l’Assemblée nationale à partir du 31 mars 2015.
La délégation souhaité se saisir de ce texte et a désigné deux corapporteures, le 2 décembre 2014 : la présidente de la délégation et Mme Catherine Quéré.
Au cours du mois de décembre 2014, la délégation a pu entendre Mme Dominique Henon, conseillère au Conseil économique, social et environnemental régional d’Île-de-France (CESER), ancienne membre du CESE et rapporteure sur La santé des femmes en France (2010) de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité du CESE. Elle a également auditionné Mme Nathalie Bajos, socio-démographe, directrice de recherche à l’INSERM et responsable de l’équipe « Genre, santé sexuelle et reproductive » de l’INSERM-INED, puis organisé une table ronde avec des professionnel-le-s de santé, avec notamment des représentant-e-s de l’Association nationale des centres d’interruption volontaire de grossesse (ANCIC), du Collège national des sages-femmes, des infirmier-e-s scoalires, et du réseau entre ville et l’hôpital pour l’orthogénie (REHVO).
Auparavant, la délégation avait par ailleurs auditionné Mme Françoise Laurant, présidente de la commission « Santé, droits sexuels et reproductifs » du HCEfh, ancienne présidente du Planning familial, sur l’accès à l’IVG et la contraception, suite au rapport de très grande qualité publié par le HCEfh en 2013 sur l’accès à l’avortement, et qui a permis d’éclairer très utilement les travaux de la délégation sur le projet de loi relatif à la santé.
À cet égard, sous l’impulsion du président Claude Bartolone et de la présidente de la Délégation aux droits des femmes, une proposition de résolution visant à réaffirmer le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France et en Europe a été déposée en novembre 2014 et cosignée par tous les présidents de groupe de l’Assemblée nationale.
Adopté par l’Assemblée nationale à une très large majorité le 26 novembre 2014, soit quarante ans jour pour jour après le début des débats parlementaires sur la loi Veil, ce texte souligne que le droit universel des femmes à disposer de leur corps est une condition indispensable pour la construction de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’une société de progrès.
II. LES AUTRES TRAVAUX LÉGISLATIFS
A. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015
1. L’audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »
Conformément à une tradition désormais bien établie, la délégation a procédé le 28 octobre 2014 à l’audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires sociales sur les crédits pour 2015 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Le rapporteur s’est notamment félicité que, dans le cadre de la loi de finances initiale, ces crédits aient été épargnés par les efforts budgétaires auxquels le Gouvernement est contraint.
Les différentes actions engagées ont été présentées par le rapporteur et un échange avec les députées présent-e-s membres de la délégation a suivi la présentation des crédits (voir infra le compte rendu de cette réunion).
2. Le dépôt d’un amendement concernant l’imposition des revenus au sein des couples suite au rapport de la délégation sur la fiscalité
À la suite de ses travaux sur la fiscalité qui ont donné lieu à la parution d’un rapport (voir plus loin), la présidente Catherine Coutelle a déposé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, un amendement visant à donner la possibilité aux couples mariés ou pacsés de choisir entre l’imposition commune ou séparée, afin de favoriser l’emploi et l’autonomie des femmes. Cet amendement, présenté en séance par la présidente et soutenu par Mmes Gueugneau, Orphé et Lacuey, membres de la délégation, et M. Pierre-Alain Muet, a finalement été retiré.
B. LE PROJET DE LOI SUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES TRAVAUX MENÉS SUR « FEMMES ET PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE »
1. L’organisation de deux tables rondes avec des expert-e-s et des représentant-e-s d’associations (septembre 2014)
Parallèlement à l’examen par le Parlement du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, la délégation a décidé d’organiser deux tables rondes d’actrices et d’acteurs de la lutte contre la précarité énergétique. Faisant le constat de l’absence de données officielles, sexuées et actualisées sur le sujet de la précarité énergétique, la délégation a convié, le 10 septembre 2014, plusieurs représentant-e-s d’associations actives dans ce domaine. Il s’agissait de M. Bertrand Lapostolet, responsable des programmes de la fondation Abbé Pierre, Mme Isabelle Crétin, directrice de l’action sociale de la Croix rouge et M. François Boulot, chargé de mission au Secours catholique sur la précarité énergétique.
Puis, le 16 septembre 2014, la délégation a auditionné deux expert-e-s : M. Bruno Maresca, responsable de l’évaluation des politiques publiques du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) et Mme Isolde Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CTSB).
2. La communication présentée par Mme Barbara Romagnan sur les femmes et la précarité énergétique (septembre 2014)
Après ces deux tables rondes riches d’enseignements, Mme Barbara Romagnan a présenté à la délégation, le 17 septembre 2014, une communication sur la vulnérabilité des femmes à la précarité énergétique.
Après avoir défini la précarité énergétique comme la situation d’une « personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat », il apparaît que les femmes sont un public plus vulnérable à la précarité énergétique.
Mme Romagnan a ensuite constaté l’insuffisance des réponses existantes et dressé des perspectives pour le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (cf. la communication en annexe n° 4 du présent rapport).
C. LE PROJET DE LOI POUR LA CROISSANCE, L’ACTIVITÉ ET L’ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES
1. L’audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique (décembre 2014)
Le 17 décembre 2014, la Délégation aux droits des femmes a auditionné M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, pour l’écouter et l’interroger sur l’impact sur les femmes du projet de loi relatif à la croissance et à l’activité, concernant en particulier le travail dominical et en soirée et la place des femmes dans les professions réglementées.
Le compte rendu de cette audition figure en annexe du présent rapport.
2. Les améliorations apportées lors de l’examen en commission et en séance au regard de la situation des femmes
Sur la base de cette audition, la présidente Catherine Coutelle et des membres de la délégation ont présenté des amendements sur ce texte.
Sur le travail du dimanche et en soirée, des améliorations importantes ont été actées dès l’examen en commission spéciale : contreparties en transports et garde d’enfants rendues obligatoires dans le contenu des accords collectifs pour les salarié-e-s travaillant en soirée ; mention obligatoire des mesures destinées à favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salarié-e-s privé-e-s de repos dominical ; droit pour les salariées enceintes ou ayant accouché de ne pas travailler en soirée.
Par ailleurs, sur le sujet de la « taxe rose », un amendement adopté en séance a permis d’acter la remise d’un rapport au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2015, portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe.
Un amendement adopté en séance visait à produire des données quantitatives et qualitatives sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans les transports, via le rapport annuel de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).
Par ailleurs, un autre amendement a permis l’adoption de dispositions prévoyant que les accords collectifs comportent des contreparties pour la garde d’enfants pour le travail dominical.
DEUXIÈME PARTIE :
LES TRAVAUX D’INFORMATION ET D’ÉVALUATION
Parallèlement aux différentes activités législatives menées par la délégation, deux rapports d’information ont été publiés en 2014, sur le bilan de son activité au cours des deux premières années de l’actuelle législature et sur les femmes et le système fiscal (I). D’autres travaux thématiques ont été engagés, à travers essentiellement l’organisation d’auditions – sur la situation des femmes dans les armées et sur le numérique – et d’un colloque sur les études d’impact des projets de loi et l’égalité entre les femmes et les hommes (II).
A. LE RAPPORT D’INFORMATION SUR LES FEMMES ET LE SYSTÈME FISCAL (AVRIL 2014)
1. Les auditions de la délégation
Dans le cadre de la réflexion sur la réforme de la fiscalité annoncée en novembre 2013 par le Gouvernement, un groupe de travail sur la fiscalité des ménages a été constitué le 31 janvier 2014 pour remettre des propositions allant dans le sens d’un impôt « plus efficace et plus juste ».
La délégation s’est saisie de cette question, en février 2014, afin de mieux appréhender l’impact du système fiscal, en particulier sur l’emploi des femmes, et apporter sa contribution à la réflexion ainsi engagée, en cohérence avec la volonté de prendre en compte l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des politiques publiques.
Malgré les brefs délais impartis pour mener ces travaux, liés à la volonté de produire en temps utile une contribution au groupe de travail sur la fiscalité des ménages qui devait rendre ses conclusions en avril, la délégation a pu entendre plusieurs expert-e-s et représentant-e-s d’associations, notamment :
– Mme Hélène Périvier, économiste au département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), coresponsable du programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE), et Mme Séverine Lemière, économiste, maîtresse de conférences à l’IUT Paris Descartes, auteure d’un rapport sur l’emploi des femmes (16), remis à la ministre des Droits des femmes en décembre 2013 et qui avait préconisé de « lever les freins à l’emploi des femmes par la politique fiscale, notamment en étudiant l’hypothèse de l’individualisation de l’impôt sur le revenu et a minima en plafonnant le quotient conjugal » ;
– le président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), M. François Fondard, et la directrice générale, Mme Guillemette Leneveu ;
– la présidente de l’Assemblée des femmes de Paris – Île-de-France, Mme Nathalie Pilhes, cette association s’étant exprimée en faveur de la suppression du quotient conjugal (17).
Ces auditions ont essentiellement eu lieu en février (les 9, 11 et 16 février), la dernière ayant eu lieu la veille de la présentation du rapport, le 9 avril 2014, en raison de la suspension des travaux de l’Assemblée nationale liée aux élections municipales de mars.
2. Le questionnaire adressé au ministère du budget et les informations recueillies par la délégation sur l’imposition des couples dans plusieurs pays européens
Outre les auditions, les travaux de la délégation se sont appuyés sur les différentes publications sur ce thème (18) – et notamment un rapport de l’OCDE, paru l’année précédente qui soulignait que « le gouvernement [français] devrait encourager l’activité féminine en optant pour l’imposition individuelle des revenus (19) » – mais aussi sur les éléments d’information recueillis concernant les modalités d’imposition des couples dans plusieurs pays européens.
À cette fin, un questionnaire sur les principales caractéristiques du système d’imposition belge a tout d’abord été adressé par la présidente de la délégation, en février 2014, aux services de l’Ambassade de France en Belgique. Par ailleurs, des éléments d’information sur cinq pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni) auprès du service des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP). L’ensemble des réponses reçues ont été publiées en annexe du rapport présenté par la présidente de la délégation. Ce travail de comparaison a permis de faire apparaître les spécificités du modèle français, fondé sur la « familialisation » obligatoire de l’impôt sur le revenu et la déclaration commune systématique pour les couples mariés ou pacsés.
En outre, un questionnaire a été adressé, le 20 février 2014, au ministre délégué chargé du Budget, M. Bernard Cazeneuve, concernant le quotient conjugal et les modalités d’imposition des couples, avec notamment des demandes de simulations économiques de plusieurs scenarii de réformes (par exemple, l’impact d’un plafonnement de l’avantage fiscal lié au quotient conjugal pour les ménages plus aisés, avec différents montants pour ce plafonnement). Ce questionnaire, qui comportait six questions, portait également sur les femmes et les dispositifs de soutien aux travailleur-se-s modestes – prime pour l’emploi (PPE) et revenu de solidarité active (RSA) activité – ainsi que les études d’impact des projets de loi de finances (PLF).
La présidente de la délégation a reçu des éléments de réponse circonstanciés transmis par le ministre des Finances et des comptes publics, M. Michel Sapin, le 11 avril 2014, mais postérieurement à la publication du rapport de la délégation, qui n’a donc pu en faire état.
3. Le rapport présenté par la présidente de la délégation
Intitulé « Pour un système fiscal au service de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la justice sociale », le rapport d’information a été présenté par la présidente de la délégation, lors de la réunion du 10 avril 2014.
Le rapport s’est concentré sur les modalités d’imposition des couples, en relevant d’une part que le quotient conjugal avantageait les couples aisés et mono-actifs (un seul membre du couple qui travaille) ou au sein desquels existent d’importants écarts de revenus. Ce système d’imposition, mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, reflète une répartition sexuée et inégale des rôles sociaux. Le rapport soulignait par ailleurs différentes évolutions intervenues depuis lors, notamment en matière de mise en commun des ressources au sein des couples. Dès lors, l’individualisation de l’impôt pourrait constituer une piste intéressante dans la mesure où elle permettrait de lever certains freins à l’emploi des femmes et donc favoriser leur émancipation, mais aussi l’équité fiscale et la neutralité vis-à-vis des choix de vie individuels.
La délégation a adopté plusieurs recommandations, s’inscrivant dans un double objectif de justice sociale et d’émancipation des femmes :
– à terme, supprimer le quotient conjugal afin de promouvoir l’égalité femmes-hommes et une plus grande progressivité de l’impôt ;
– dans un premier temps : ouvrir aux couples mariés ou pacsés, qui le souhaitent, la possibilité d’opter pour l’imposition séparée, et plafonner l’avantage fiscal lié au quotient conjugal pour les plus hauts revenus dans une optique de redistribution plus juste ;
– renforcer les dispositifs de soutien aux salarié-e-s modestes : diminution des cotisations salariales, refonte de la prime pour l’emploi (PPE) et du RSA activité, augmentation de ce dernier, lissage des effets de seuil à l’entrée du barème de l’impôt sur le revenu ;
– améliorer l’évaluation et le pilotage des politiques budgétaires et fiscales, à travers essentiellement le développement de la prise en compte de l’égalité dans les études d’impact et documents budgétaires, ainsi que les études et simulations afin de mieux étayer la décision publique.
B. LE RAPPORT SUR LE BILAN DE L’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION EN 2012 ET EN 2013 (FÉVRIER 2014)
Le 19 février 2014, la présidente de la délégation a présenté un rapport dressant le bilan de l’activité de la délégation en 2012 et en 2013 (20). Au cours de cette période, 58 réunions avaient été tenues, pour une durée de 85 heures, et 350 personnes avaient été auditionnées, tandis que neuf rapports d’information avaient été publiés, outre deux contributions thématiques sur l’accueil de la petite enfance et les violences faites aux femmes.
Ce rapport a permis de présenter les activités législatives de délégation et les positions qu’elles avaient défendues sur les projets de loi dont elle avait été saisie, par exemple sur le harcèlement sexuel, les retraites ou encore la sécurisation de l’emploi, ainsi que les travaux thématiques menés, en particulier dans le groupe de travail de la délégation sur la lutte contre le système prostitutionnel, et les différentes activités internationales.
II. LES AUDITIONS ET AUTRES TRAVAUX THÉMATIQUES
A. LES AUDITIONS SUR LES ARMÉES ET SUR LE NUMÉRIQUE
1. La situation des femmes dans les armées : l’audition, commune avec la Commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense (avril 2014)
Le 15 avril 2014, la Délégation aux droits des femmes a organisé, conjointement avec la Commission de la défense nationale et des forces armées, l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur la situation des femmes dans les armées. Cette audition intervenait dans le contexte particulier de la parution d’un livre dénonçant les nombreux cas de harcèlement sexuel dans les armées françaises et intitulé La guerre invisible (21).
Le ministre a évoqué la remise, le matin même, d’un rapport de Mme Brigitte Debernardy, contrôleuse générale des armées, et du général Didier Bolelli, inspecteur générale des armées de terre, sur les situations particulières de harcèlement, agressions et violences sexuelles dans les armées, le ministre ayant ordonné l’ouverture d’une enquête interne en mars 2014 (22). Ce rapport important a été rendu public et est disponible en ligne sur le site du ministère (23).
Le ministre a également évoqué le plan d’actions sur les harcèlements, les violences et les discriminations, présenté le jour même de cette audition, afin de prévenir ce type de risques dans l’armée la plus féminisée d’Europe. Le compte rendu de cette audition figure en annexe du présent rapport.
2. Les femmes et le numérique : l’audition de Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, rapporteures de la mission d’information sur l’économie numérique française (juin 2014)
Le 17 juin 2014, la Délégation aux droits des femmes a entendu Mmes Corinne Erhel et Laure de la Raudière, députées et rapporteures de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique française, qui avait présenté leur rapport peu de temps auparavant (24), au terme de près d’un an de travaux, en vue d’informer la délégation sur l’impact sur les femmes de cette transformation majeure de l’économie, notamment en termes d’emplois.
Le compte rendu de cette audition est présenté infra, dans la section du présent rapport relative aux travaux de la délégation.
B. LES AUTRES TRAVAUX THÉMATIQUES
1. Le colloque européen organisé sur l’égalité femmes-hommes et la loi : quel bilan après deux ans d’études d’impact ? (septembre 2014)
Le 30 septembre 2014, un colloque européen a été organisé à l’Assemblée nationale, avec le service des droits des femmes et de l’égalité du ministère (SDFE) et le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), sur le thème : « L’égalité femmes-hommes et la loi : quel bilan après deux ans d’études d’impact ? ».
Deux ans après la circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte de l’égalité femmes-hommes dans les études d’impact des projets de loi, ce colloque, auquel l’ensemble des membres de la délégation et de la Commission des lois ont été convié-e-s, visait à dresser un bilan de ce dispositif interministériel innovant. Cette manifestation a été ouverte par la présidente Catherine Coutelle et la secrétaire d’État aux Droits des femmes, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Pascale Boistard. Les débats ont été organisés autour de deux séquences :
– une première table ronde « Comment nos partenaires européens intègrent-ils l’égalité dans les études d’impact ? », au cours de laquelle sont intervenu-e-s M. Maxime Forest, président de la commission « Droits des femmes et enjeux internationaux et européens » du HCEfh, ainsi que plusieurs expert-e-s : Mme Indre Mackevicuité, experte en approche intégrée de l’égalité, de l’Institut européen pour l’égalité femmes-hommes, Commission européenne, Lituanie (présentation des bonnes pratiques d’études d’impact sur l’égalité en Europe) ; Mme Rosario Guerrero Martin, du ministère de la santé, des affaires sociales et de l’égalité en Espagne, experte des affaires juridiques de l’Institut de l’égalité de la femme (présentation de la méthodologie espagnole d’analyse normative au prisme de l’égalité) ; Mme Vera Jauk, responsable du département des politiques d’égalité de genre et des questions légales au ministère de l’éducation et des droits des femmes en Autriche (études d’impact genrées et budget sensible au genre)
– une deuxième table ronde sur « Les études d’impact, un outil parlementaire au service de l’égalité ? », au cours de laquelle sont intervenu-e-s Mme Cécile Untermaier et M. Sébastien Denaja, membres de la délégation et de la Commission des lois, ainsi que la cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et Mme Florence Dubois-Stevant, cheffe du service de la législation et de la qualité du droit (services du Premier ministre).
Plus de 150 personnes étaient présentes lors de cet événement, qui a été conclu par Mme Danielle Bousquet, présidente du HCEfh, et la secrétaire d’État aux droits des femmes. Le colloque a ainsi permis de dresser le bilan, au regard des expériences étrangères, des études d’impact des projets de loi, qu’il est nécessaire d’améliorer au regard de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les actes du colloque sont disponibles en ligne sur le site du ministère des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (25).
2. L’accueil d’élu-e-s de l’Assemblée de la Polynésie française
Le 14 octobre 2014, la présidente de la délégation a rencontré Mme Sylvana Puhetini, présidente de la Commission de la santé et du travail, et M. John Toromona, président de la Commission des ressources marines, des mines et de la recherche, de l’Assemblée de la Polynésie française.
S’inscrivant dans le cadre d’une convention conclue entre l’Assemblée nationale et l’Assemblée de la Polynésie française (26), cette visite de travail avait pour objectifs de permettre aux président-e-s de commission d’appréhender le rôle et le fonctionnement d’une commission permanente et de son secrétariat, d’étudier les méthodes de travail des commissions et des délégations en matière d’étude et de contrôle ainsi que de connaître la procédure parlementaire.
Enfin, outre les deux colloques organisés dans le cadre de la délégation (sur les études d’impacts et sur les viols en situation de conflits, cf. infra), la présidente de la délégation a organisé, le 28 novembre 2014, une journée d'études intitulée « Le corps en lambeaux, violences sexuelles et violences sexuées faites aux femmes », en vue de restituer les travaux universitaires menés par une équipe pluridisciplinaire d’enseignant-e-s chercheur-se-s de l’université de Poitiers et de Limoges (juristes, historiens, sociologues, psychologues). Leurs travaux étaient menés depuis trois ans dans le cadre d’un programme de recherche portant sur la question du corps des femmes, objet de violences.
Cette journée d’études a ainsi permis, dans la matinée, de présenter une synthèse des travaux des deux jours précédents à un public universitaire et, dans l'après-midi, d’organiser une table ronde consacrée au thème : « Le système prostitutionnel, une violence faite au corps des femmes ».
TROISIÈME PARTIE :
LES ACTIVITÉS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES
En 2014, la délégation a poursuivi ses activités aux niveaux européen et international, à travers l’organisation d’un colloque sur les viols en situation de conflits (I), des déplacements à l’étranger et participations à des évènements internationaux ayant eu lieu à Paris (II) ainsi que l’accueil de personnalités étrangères par la présidente ou d’autres membres de la délégation (III).
Ces échanges sont importants car, au-delà de la présentation du rôle de la délégation et des politiques publiques mises en œuvre en France pour promouvoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, il est essentiel de développer les liens avec d’autres pays pour défendre les droits des femmes dans le monde entier.
En effet, la diplomatie parlementaire mais aussi les échanges avec certaines personnalités de la société civile apportent une contribution utile en ce sens, et de façon complémentaire avec les différentes actions engagées par les pouvoirs publics en matière de droits des femmes à l’international, que le ministre des Affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, a eu l’occasion d’évoquer récemment avec la délégation (27).
I. LE COLLOQUE SUR LES VIOLS EN SITUATION DE CONFLITS ET LE PROJET LIBYEN SUR LES VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES
Le 18 février 2014, un colloque a été organisé à l’Assemblée nationale par la présidente de la délégation, avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et auquel les membres de la délégation ont été convié-e-s, sur les « Viols en situation de conflits : soutien au projet de loi libyen protégeant les victimes de violences sexuelles »
Animés par Mme Annick Cojean, grand reporter au journal Le Monde et auteure de l’ouvrage Les proies, dans le harem de Khadafi (2012) et d’un article récent et remarqué sur « Les noces barbares de Daech », les débats ont été organisés autour de trois séquences au cours desquelles sont intervenu-e-s :
– la ministre des Droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, et la présidente de la délégation, sur « le viol comme arme de guerre : lever le tabou » ;
– le ministre de la justice libyen, M. Salah El Marghany, Mme Patricia Viseur-Sellers, spécialiste de droit pénal international, Mme Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH, sur « le projet de loi libyen : une étape cruciale pour accompagner les victimes de viols », avec aussi des témoignages de femmes libyennes victimes de viols ;
– la présidente de la Commission des affaires étrangères, Mme Elisabeth Guigou, et le président de l’Assemblée nationale sur « la nécessité des lois : prévenir les violences sexuelles, punir les agresseurs, protéger les victimes ».
Quelques jours après ce colloque, et suite à la présentation d’un décret ministériel en Libye, le 19 février 2014, le président Claude Bartolone et la présidente de la délégation se sont félicités de l’adoption de mesures essentielles pour reconnaître et accompagner les victimes de violences sexuelles commises pendant la révolution, dans un communiqué reproduit ci-dessous.
« La Libye adopte des mesures essentielles pour reconnaître et accompagner les victimes de violences sexuelles commises pendant la révolution » : le communiqué du président Claude Bartolone et de la présidente de la délégation
« Nous saluons avec force, l’adoption par le gouvernement libyen de mesures ambitieuses pour accompagner les personnes victimes de violences sexuelles commises durant la révolution et pour les reconnaître comme "victimes de guerre". Ce décret majeur du mercredi 19 février permettra de mettre en œuvre des aides adaptées en matière de santé ou d’éducation notamment.
C’est avec beaucoup d’émotion que nous recevons la nouvelle de cette avancée, alors que l’Assemblée nationale accueillait ce mardi 18 février, le ministre de la Justice Salah al-Marghani à l’initiative de ce texte progressiste. Le viol est un crime de guerre fréquent, massif. Il l’a été en Libye. On sait que l’ex-chef de l’État Libyen avait lui-même ordonné le recours systématique au viol et à l’esclavage sexuel. Ces agissements doivent être empêchés et condamnés partout où ils ont lieu.
Nous tenons à réaffirmer notre appui aux institutions libyennes et à tous les pays engagés pour mettre en place des mécanismes de justice, afin de lutter contre l'impunité des auteurs de violences, et pour protéger les victimes. »
Source : Communiqué de presse du 20 janvier 2014 du président Claude Bartolone et de la présidente
II. LES DÉPLACEMENTS À L’ÉTRANGER ET LES PARTICIPATIONS À DES ÉVÈNEMENTS INTERNATIONAUX ORGANISÉS À PARIS
1. La conférence organisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et la présentation des résultats d’une grande enquête sur les violences faites aux femmes (Bruxelles, mars 2014)
À l’initiative du Parlement européen, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a publié pour la première fois une grande enquête présentant l’ampleur des violences faites aux femmes en Europe.
Cette enquête s’appuie sur les témoignages de 42 000 femmes interrogées dans les 28 pays de l’Union européenne en matière de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la violence domestique. D’autres sujets ont été traités, tels que le harcèlement ou « traque furtive » (stalking), le harcèlement sexuel, les violences subies dans l’enfance, ainsi que le rôle joué par les nouvelles technologies, avec des phénomènes de « cyberharcèlement », par exemple, des e-mails, SMS ou messages sur les réseaux sociaux sexuellement explicites, insultants ou menaçants.
Le 5 mars 2014, les résultats de cette enquête ont été présentés lors d’une conférence organisée à Bruxelles par la FRA et le secrétariat du Conseil de l’Union européenne à Bruxelles. Ce séminaire de haut niveau, auquel la présidente de la délégation a pris part, avait pour thème : « Les violences faites aux femmes dans l’Union européenne – domestiques, conjugales, au travail et en ligne ».
Plusieurs enseignements instructifs ressortent de cette étude, concernant tout d’abord l’ampleur de ce phénomène, puisqu’une femme européenne sur trois a subi au moins une forme de violence physique et/ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans. Si les résultats de cette étude doivent être interprétés avec prudence compte tenu de la taille de l’échantillon, il convient de souligner en particulier qu’une femme sur 10 a subi une forme de violence sexuelle et une femme sur 20 a été violée en Europe.
UNE FEMME SUR TROIS A ÉTÉ VICTIME DE VIOLENCES SEXUELLES OU PHYSIQUES EN EUROPE
N.B. : Pourcentage de femmes victimes de violence physique ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans et au cours des douze mois précédant l’enquête en Europe (UE-28).
Source : enquête précitée de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (informations recueillies lors du déplacement de votre présidente à Bruxelles en mars 2014)
En outre, plus d’une femme sur deux (55 %) a déjà été victime d’une forme quelconque de harcèlement sexuel, et 32 % des victimes de ce type de harcèlement indiquaient que l’auteur était un-e supérieur-e hiérarchique, un-e collègue ou un-e client-e.
En termes de cyberharcèlement, il est également préoccupant de constater que 11 % des femmes ont reçu des avances déplacées sur les réseaux sociaux ou des courriels ou SMS à caractère sexuellement explicite, cette proportion s’élevant à 20 % pour les jeunes femmes (18-29 ans). Plus généralement, près d’une femme européenne sur cinq (18 %) a été victime de harcèlement (traque furtive ou « stalking ») depuis l’âge de 15 ans, ce qui peut prendre la forme, par exemple, d’envoi de messages (par e-mails, SMS ou messages postés sur les réseaux sociaux) ou d’appels insultants, menaçants ou silencieux, d’une présence devant leur lieu de travail ou leur école sans raison légitime ou encore du partage de photographies ou de vidéos intimes.
Sur la base des résultats détaillés de cette enquête, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a suggéré des voies à suivre dans différents domaines pour une intervention s’étendant au-delà du droit pénal, dans les secteurs de l’emploi, de la santé et des nouvelles technologies. Le rapport sur les principaux résultats de l’enquête ainsi qu’une synthèse de celui-ci sont accessibles en ligne sur le portail de l’agence (28).
En marge de cette conférence, la présidente Catherine Coutelle s’est par ailleurs entretenue avec une parlementaire néerlandaise (cf. infra) ainsi qu’avec Mme Margarete Hofmann, vice-présidente de l’Association des femmes juristes en Allemagne, par ailleurs directrice à l’Office européen de lutte contre la fraude (OLAF), qui souhaitaient échanger et avoir des informations sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale quelques mois auparavant.
2. La réunion interparlementaire sur les violences faites aux femmes au Parlement européen, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes (Bruxelles, mars 2014)
À l’occasion des célébrations de la journée internationale des droits des femmes, le Parlement européen a organisé des événements spéciaux axés sur le thème retenu l’année dernière : prévenir les violences faites aux femmes.
Dans ce cadre, la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM) du Parlement européen a organisé une réunion interparlementaire, le 5 mars 2014 après-midi, sur le thème : « Prévenir la violence à l’égard des femmes – un défi pour tous ». L’objectif de cette réunion, à laquelle a participé la présidente, était d’échanger avec les eurodéputé-e-s et représentant-e-s des parlements nationaux de leurs expériences et de la législation au niveau national, ainsi que des actions qui pourraient être mises en œuvre au niveau européen.
Lors de cet événement, l’Agence des droits fondamentaux (FRA) a présenté les résultats de son enquête sur les violences faites aux femmes en Europe (cf. supra). Sont par ailleurs intervenu-e-s lors de cette réunion, présidée par M. Mikael Gustaffson, eurodéputé suédois de la Gauche unitaire européenne – Gauche verte, qui présidait alors la Commission FEMM du Parlement européen :
– Mme Blanca Hernández Oliver, commissaire du gouvernement espagnol pour les violences faites aux femmes, et Mme Doris Lo Moro, sénatrice italienne ;
– Mme Sylvia Walby, professeur de sociologie à l’université de Lancaster au Royaume-Uni (UNESCO Chair in gender research) ;
– Mme Daniela Bankier, faisant fonction de directrice pour l’égalité à la Direction générale de la justice et des consommateurs de la Commission européenne ;
– Mme Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes ;
– Mme Vasso Kollia, secrétaire général pour l’égalité des genres au ministère de l’intérieur en Grèce ;
– Mme Antonyia Parvanova, membre de la commission FEMM du Parlement européen, élue en Bulgarie, et rapporteure sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
En marge de cette réunion, la présidente Catherine Coutelle s’est également entretenue avec Mme Marith Rebel, parlementaire des Pays-Bas (parti travailliste), qui avait sollicité cet entretien pour évoquer les questions relatives à la prostitution et la responsabilisation de clients, suite à l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, en décembre 2013.
3. La session annuelle de la Commission de la condition des femmes des Nations Unies (CSW à New York, mars 2014)
Les 10 et 11 mars 2014, la présidente de la délégation s’est rendue à New York pour l’ouverture de la 58e session de la Commission de la condition des femmes des Nations Unies (CSW), à l’invitation de la ministre des Droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem.
La CSW est une instance intergouvernementale qui se réunit annuellement depuis 1946 pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité entre les sexes dans le monde. Plus de soixante ministres chargé-e-s de la promotion des droits des femmes et des milliers d’ONG y participent. La 58e session de la CSW était consacrée à l’autonomisation des femmes dans le cadre du prochain agenda mondial pour le développement – un sujet clef pour la France qui souhaitait qu’un objectif spécifique soit dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le programme mondial pour le développement négocié en 2015.
Lors de son intervention dans la salle de l’Assemblée générale des Nations Unies, la ministre a défendu avec force l’urgence de reconnaître et garantir l’accès universel des femmes à la santé et aux droits sexuels et reproductifs comme condition de l’autonomie et du développement.
Au cours de ce déplacement, auquel participaient également la présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat et la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), la présidente Catherine Coutelle a pu échanger avec plusieurs personnalités et participer à différents événements organisés en marge de la CSW, en particulier :
– des entretiens avec la directrice exécutive d’ONU Femmes, Mme Phumzile Mlambo Ngucka, l’ambassadrice américaine pour les droits des femmes, Mme Cathy Russel, ainsi que la ministre suédoise pour l’égalité entre les sexes, Mme Maria Arnholm ;
– un déjeuner avec des organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées sur la prostitution et la traite humaine, telles que Coalition against trafficking in women et Equality now ; une autre réunion a également été organisée par le Mouvement du Nid sur la prostitution ;
– des échanges avec des défenseures des droits des femmes, en coordination avec l’ONG Women’s international league for peace and freedom ;
– la participation à un événement organisé avec le Conseil de l’Europe, l’Organisation des États américains (OEA) et l’Argentine sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
Mme Maud Olivier, membre de la délégation, s’est rendue à l’invitation de l’ambassade de France à Rabat dans le cadre d’une mission co-organisée par la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes (FLDDF) et Elu/es contre les violences faites aux femmes.
Après les travaux menés au sein de la Délégation aux droits des femmes en 2013 suivis par les travaux d’une commission spéciale aboutissant au dépôt d’une prostitution de loi visant à lutter contre le système prostitutionnel, Mme Olivier s’est rendue à Milan à l’invitation du Lobby européen des femmes (LEF) Italia pour une intervention sur cette proposition de loi le 21 mars 2014. Elle s’est également rendue au Canada du 9 au 12 juin 2014 à l’invitation de la Coordination de lutte contre l’exploitation sexuelle (CLES), une ONG locale pour intervenir lors d’un événement organisé en faveur de l’adoption d’une loi abolitionniste au Canada.
Enfin, du 26 au 28 novembre, Mme Olivier s’est rendue à Athènes pour un colloque « Lutte contre la traite des êtres humains » à l’invitation de l’ambassade de France.
B. LES PARTICIPATIONS À DES ÉVÈNEMENTS INTERNATIONAUX AYANT EU LIEU EN FRANCE
1. Le Sommet mondial des femmes à Paris (juin 2014)
La France a accueilli le Sommet mondial des femmes du 5 au 7 juin 2014, à Paris. Événement majeur, le Global summit of women (GSW), appelé parfois aussi « Davos des femmes », réunit annuellement, depuis une vingtaine d’années, plus de mille femmes du monde entier, dirigeantes d’entreprises de toute taille, femmes d’affaires ou cheffes d’organisations non gouvernementales (ONG) tournées vers le développement économique, dans le but de promouvoir la participation des femmes à la vie économique et le leadership au féminin.
La présidente de la délégation a pu participer à la soirée officielle d’ouverture de ce sommet, le 5 juin 2014, et rencontrer par ailleurs, en marge de cette manifestation, la ministre tunisienne chargée de la Famille et des droits des femmes ainsi que la ministre canadienne des Droits des femmes, avec Mme Maud Olivier (cf. infra).
2. Le Congrès abolitionniste international à l’Assemblée nationale et l’appel de parlementaires contre la prostitution (novembre 2014)
À l’automne 2012, la Délégation aux droits des femmes a décidé de mettre en place un groupe de travail sur la prostitution, composé de sept membres : Mme Maud Olivier, rapporteure, la présidente Catherine Coutelle, Mme Edith Gueugneau (SRC), M. Guy Geoffroy (UMP), M. Jacques Moignard (RRDP), Mme Marie-George Buffet (GDR), ainsi que M. Sergio Coronado (Écolo), non membre de la délégation mais associé à ces travaux. Comme l’avait indiqué la présidente (29), il s’agissait notamment « d’examiner la proposition de loi présentée par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, de voir en quels points cette proposition devrait être améliorée, de se rendre auprès des associations œuvrant sur le terrain » ainsi que « d’entendre un certain nombre d’acteurs qui n’auraient pas été auditionnés à l’occasion du rapport de 2011 (30) », en vue de « pouvoir déposer une nouvelle proposition de loi susceptible de recueillir le plus ample soutien ».
Après dix mois de travaux, avec de nombreuses auditions mais aussi plusieurs déplacements sur le terrain et à l’étranger, la délégation a adopté le rapport d’information présenté par Mme Maud Olivier, le 17 septembre 2013, ainsi que 40 recommandations visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Une proposition de loi a été déposée peu de temps après, en octobre 2013, pour mettre en œuvre les recommandations de la délégation, puis adoptée par l’Assemblée nationale, le 4 décembre 2013, et la présidente se félicite de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat, les 30 et 31 mars 2015.
S’inscrivant dans le prolongement de cette mobilisation contre l’une des formes les plus graves de violences faites aux femmes et d’atteintes à leur dignité, le premier Congrès organisé par la Coalition pour l’abolition de la prostitution (CAP international), le Mouvement du Nid et la Fondation Scelles, s’est réuni les 12 et 13 novembre 2014, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Survivantes de la prostitution, représentant-e-s de syndicats et parlementaires y ont travaillé sur le thème : « Prostitution et traite des êtres humaines dans le monde : une exploitation des plus vulnérables ».
CAP international est une coalition fondée en octobre 2013 regroupant plusieurs associations, qui apportent un soutien social, juridique et médical à des milliers de femmes et d’hommes en situation de prostitution en Europe, et qui militent pour la mise en place de politiques abolitionnistes en matière de prostitution.
À l’issue de cette conférence, trois député-e-s membres de la délégation –Mme Maud Olivier, M. Guy Geoffroy et la présidente Catherine Coutelle – et quatre parlementaires du Canada, de l’Irlande, du Portugal et du Royaume-Uni (31) ont lancé l’ « Appel du 13 novembre » pour l’abolition de la prostitution (cf. encadré ci-après). À travers cette initiative, il s’agissait d’engager la structuration d’un réseau international de parlementaires, dans l’objectif de sensibiliser les opinions publiques et les gouvernements nationaux, régionaux et locaux afin de faire vivre l’idéal abolitionniste et humaniste porté par l’ONU en 1949.
Appel international du 13 novembre 2014 : c’est par la loi qu’avancera l’abolition de la prostitution
« 1. La prostitution est une violence.
2. Qui touche en particulier les personnes les plus vulnérables.
3. Elle est un obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes.
4. Elle est majoritairement le fait de réseaux mafieux et de la traite des êtres humains.
5. Le seul modèle ayant fait ses preuves, est le modèle abolitionniste, qui vise à réduire la prostitution et à permettre aux personnes prostituées d’en sortir.
6. L’ambition de ce modèle n’est pas seulement de réduire la prostitution sur son territoire. La seule action efficace est une action concertée et conjuguée au niveau régionale voire internationale
7. Pour ces raisons, nous, parlementaires de différents pays, demandons une harmonisation des législations nationales et des politiques publiques pour l’abolition de la prostitution, c’est-à-dire :
– lutter résolument et systématiquement contre le proxénétisme et la traite des êtres humains ;
– dépénaliser ou décriminaliser les personnes prostituées ;
– renforcer les droits des victimes de proxénétisme et de traite, et accompagner les personnes souhaitant sortir de la prostitution ;
– responsabiliser les clients et interdire l’achat d’actes sexuels ;
– interdire toute forme de publicité directe ou indirecte d’offres de services sexuels ;
– mettre en place des politiques d’éducation à la sexualité et de prévention de la prostitution ;
– promouvoir les recherches sur la prostitution et la traite des êtres humains ainsi qu’une harmonisation des systèmes de collecte des données.
8. Nous, parlementaires de différents pays, créons un réseau international et appelons la mobilisation et l’implication de nos gouvernements, des instances régionales, internationales et notamment de l’ONU, pour l’abolition de la prostitution. Nous nous engageons à alerter les opinions publiques des réalités du système prostitutionnel. »
Source : communiqué du 13 novembre 2014 de Mmes Maud Olivier et Catherine Coutelle, M. Guy Geoffroy, membres de la délégation, ainsi que les parlementaires du Royaume-Uni, du Québec, du Portugal et de l’Irlande évoqués supra.
En effet, pour permettre à des millions de personnes dans le monde, majoritairement des femmes, de sortir de l’esclavage et du système prostitutionnel dont elles sont victimes, sous le joug de mafias organisées à l’échelle internationale, seule une mobilisation et, à terme, une action européenne et internationale permettront des avancées. En mars 2015, cet appel international avait déjà été signé par plus de 210 parlementaires de neuf pays.
III. L’ACCUEIL DE DÉLÉGATIONS ET PERSONNALITÉS ÉTRANGÈRES
A. LES MINISTRES ET LES PARLEMENTAIRES
1. Les entretiens avec trois ministres chargées des droits des femmes (Suède, Canada, Tunisie)
La présidente de la délégation a tout d’abord rencontré la ministre suédoise pour l’égalité entre les sexes, Mme Maria Arnholm, le 11 mars 2014, lors de son déplacement à New York à l’occasion de la 58e session de la Commission de la condition des femmes des Nations Unies (CSW, cf. supra).
Par ailleurs, avec Mme Maud Olivier, rapporteure du groupe de travail de la délégation sur la lutte contre le système prostitutionnel et de la commission spéciale sur la proposition de loi déposée à l’issue de ces travaux, la présidente a rencontré, le 5 juin 2014, la ministre du travail et de la condition féminine du Canada, Mme Kellie Leitch, pour évoquer ces questions, en marge du Sommet mondial des femmes à Paris (cf. supra). Le même jour, la présidente s’est entretenue avec la secrétaire d’État chargée des affaires de la femme et de la famille en Tunisie, Mme Neïla Chaabane.
2. L’accueil de délégations parlementaires étrangères (Kirghizstan, Algérie, Tunisie, Bénin, Portugal)
Le 9 juillet 2014, la présidente a rencontré une délégation de parlementaires du Kirghizstan composée de Mme Irina Karamouchkina (Parti social-démocrate), présidente du groupe d’amitié Kirghizstan-France, Mme Mayram Tilentcheva (parti de gauche), M. Kantemir Mourzabekov (parti communiste), Mme Goulasal Sadyrbaieva (Ata Meken, socialiste), Mme Ourmat Amanbaieva (parti de la République), M. Asein Isaiev, ambassadeur du Kirghizstan pour la France et le Bénélux, et M. Azamat Kadyraliev, conseiller de l’ambassade.
Un entretien a également eu lieu, le 25 septembre 2014, avec une délégation de parlementaires algériennes et tunisiennes, accueillies à l’Assemblée nationale dans le cadre d’un séminaire organisé conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Ce séminaire visait à parfaire leur connaissance des institutions françaises et à étudier plus particulièrement les questions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Cette délégation était composée notamment de Mme Fouzia Benbadis, membre du Conseil de la Nation d’Algérie, vice-présidente de la Commission des affaires juridiques, de Mme Nadia Chaabane, membre de la Commission des droits, des libertés et des relations étrangères (Groupe démocratique), et de Mme Souhir Dardouri (Transition démocratique), députées de l’Assemblée nationale constituante de Tunisie. Ont également pris part à cet entretien Mme Saadia Djadffer, ancienne ministre de la solidarité, de la famille et de la condition de la femme, membre du Conseil de la Nation d’Algérie (Rassemblement national démocratique), Mme Latifa Habachi, députée (Ennahda) de l’Assemblée nationale constituante de Tunisie, rapporteure de la Commission des juridictions judiciaires, administratives, financières et constitutionnelles et membre de la Commission des secteurs des services et de la commission des droits, des libertés et des relations étrangères, ainsi que Mme Selma Zenaidi, députée (Ettakatol-FDTL) de l’Assemblée nationale constituante de Tunisie, et Mme Reem Askar, coordinatrice pour la région arabe (Agora) pour le PNUD.
La présidente Catherine Coutelle a par ailleurs rencontré, le 8 octobre 2014, M. Domingo Cyriaque, député du Bénin et vice-président de la commission « Genre, travail, emploi et bien-être social » du Parlement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dans ce cadre, elle a également pris connaissance de la communication écrite de Mme Adèle Yeri Kyemtore, députée du Burkina Faso et membre de l’Association des femmes parlementaires de la CEDEAO.
Enfin, le 15 octobre 2014, Mme Maud Olivier a accueilli une délégation de parlementaires du Portugal afin de présenter le rôle de la délégation et échanger sur les politiques publiques en matière d’égalité femmes-hommes. Étaient présent-e-s lors de cette réunion : M. Carlos Alberto, président du groupe d’amitié Portugal-France, membre du parti social-démocrate (PSD), Mme Inès de Medeiros, parlementaire du parti socialiste (PS) et vice-présidente du groupe d’amitié, M. Telmo Correia (Centre démocratique et social – Parti populaire, CDS-PP), vice-président, M. Sergio Sousa Pinto (PS), Mme Maria Manuela (PSD), M. Amadeu Albergaria (PSD), Mme Teresa Santos (PSD) et M. Joao Ramos (PCP).
B. LES REPRÉSENTANT-E-S DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
1. Les femmes rencontrées dans le cadre du programme d’invitation des personnalités d’avenir (Chypre, Inde, Suisse)
Le programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA) du ministère des affaires étrangères permet d’inviter en France de jeunes personnalités étrangères appelées à exercer des responsabilités dans leur pays et à jouer un rôle dans la relation bilatérale avec la France. Ces séjours d’études ont bénéficié à plus de 1 500 personnes depuis le lancement du programme en 1989 (32).
Dans ce cadre, la présidente Catherine Coutelle a répondu favorablement aux sollicitations du ministère et rencontré trois femmes repérées comme des « personnalités d’avenir » :
– le 16 avril 2014, Mme Deniz Birinzi, secrétaire générale adjointe du parti social-démocrate chypriote-turc, coordinatrice des relations internationales de la Fédération chypriote-turque de football et consultante communication et relations publiques pour le PNUD, précédemment directrice des relations internationales de la municipalité chypriote-turque de Nicosie ;
– le 4 juin 2014, Mme Karuna Nundy, avocate auprès de la Cour suprême indienne, spécialisée dans la défense des droits de l’homme, chargée de grands arbitrages commerciaux et conseil juridique auprès de plusieurs organisations internationales et gouvernements, qui s’est engagée en particulier pour la protection des droits de l’enfant et la défense des droits des femmes ;
– le 19 novembre 2014, Mme Christa Markwalder, vice-présidente du Conseil national suisse, membre du Comité des femmes libérales radicales suisses.
Ces entretiens ont été l’occasion de présenter le rôle de la délégation mais aussi d’échanger sur les questions relatives aux droits des femmes et aux politiques publiques en matière d’égalité en France et dans leur pays d’origine.
2. Les autres délégations accueillies (Suède, Turkménistan)
Le 20 mai 2014, Mme Monique Orphé, vice-présidente de la délégation, a participé à un déjeuner organisé par le Centre Hubertine Auclert avec une délégation suédoise, composée d’actrices et d’acteurs en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, et notamment :
– Mmes Katarina Folestad et Ylva Johansson, procureures générales au parquet international de Stockholm ;
– Mme Pia Modin, coordinatrice du dispositif contre les violences faites aux femmes de la municipalité de Stockholm et de ses arrondissements ;
– Mme Jenny Westerstrand, chercheuse à l’université d’Uppsala, membre du comité scientifique d’une grande enquête sur les violences faites aux femmes en Suède (33) ;
– M. Peter Söderström, membre de l’association Hommes pour l’égalité de genre et l’un des coordinateurs du projet « Être libre des violences » ;
– Mme Karin Svensson, vice-présidente du réseau suédois des centres d’accueil pour les femmes victimes de violences (ROKS) ;
– Mme Stéphanie Thögersen, coordinatrice des projets du Lobby suédois des femmes.
La présidente Catherine Coutelle a par ailleurs rencontré, le 9 juillet 2014, une délégation de représentant-e-s d’institutions du Turkménistan, membres du comité interministériel pour l’application des observations finales du Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) et du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA, United Nations fund for population activities). Cette délégation était composée notamment de :
– Mme Bahar Serdova, experte, de l’Union des femmes du Turkménistan ;
– M. Dovran Yamatov, attaché au programme « Population, développement et genre » de l’UNFPA ;
– Mme Shemshat Atajanova, cheffe de département pour les problèmes de démocratie et de protection des droits de l’homme de l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme du Président du Turkménistan ;
– Mme Hallygul Tuvakova, cheffe du département pour les relations extérieures du département pour le droit et les relations internationales du ministère de l’intérieur du Turkménistan ;
– Mme Selvi Sysoyeva, cheffe adjointe du département de la protection et des relations au travail au ministère du travail et de la protection sociale.
Organisé en lien avec l’ambassade de France au Turkménistan, cet entretien a eu lieu dans le cadre d’une visite d’études qui avait notamment pour objectifs d’identifier les bonnes pratiques mises en place en France concernant les politiques en faveur de l’égalité entre les sexes, de lutte contre les violences domestiques et sexuelles et les méthodes d’étude de ces phénomènes.
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En 2014, les travaux de la délégation se sont ainsi poursuivis à un rythme soutenu, avec une activité législative importante mais aussi, en parallèle, plusieurs travaux thématiques, sous différentes formes, ainsi que de nombreux échanges au niveau international, en poursuivant un même objectif : assurer un rôle de vigie et d’aiguillon de l’action publique pour contribuer à construire, dans tous les domaines, l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
I. COMPTES RENDUS D’AUDITIONS AYANT EU LIEU EN 2014 ET NON PUBLIÉS DANS DE PRÉCÉDENTS RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION
Sont présentés ci-après les comptes rendus de sept auditions de la délégation en 2014, ayant été mis en ligne sur le portail de la délégation mais qui, du fait de leur objet, n’avaient pas été publiés dans le cadre de précédents rapports de la délégation.
– Audition, commune avec la commission de la Défense nationale et des forces armées et ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur la situation des femmes dans les armées 46
– Audition de Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, rapporteures de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique française, sur les femmes et le numérique 58
– Audition, sous forme de table ronde, de représentant-e-s de la Croix-Rouge, du Secours catholique et de la Fondation Abbé Pierre, sur les femmes et la précarité énergétique 66
– Audition de M. Bruno Maresca, responsable du département de l’évaluation des politiques publiques du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), et de Mme Isolde Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), sur les femmes et la précarité énergétique 73
– Présentation de la communication de Mme Barbara Romagnan sur la vulnérabilité des femmes à la problématique de la précarité énergétique 82
– Audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales, sur les crédits pour 2015 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » 88
– Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, sur le projet de loi pour la croissance et l’activité 97
Audition, commune avec la commission de la Défense nationale et des forces armées et ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur la situation des femmes dans les armées
Compte rendu de l’audition du mardi 15 avril 2014
Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, pour une audition commune avec la Délégation aux droits des femmes sur la situation des femmes dans les armées. Je remercie la présidente Catherine Coutelle d’avoir bien voulu que cet exercice conjoint puisse se dérouler.
De nombreux témoignages de cas de harcèlement et de violence ont été publiés récemment par la presse, à la suite de la parution du livre La Guerre invisible. Notre commission ne pouvait à l’évidence pas se tenir à l’écart de cette question. C’est la raison pour laquelle je suis reconnaissante au ministre d’avoir bien voulu venir s’exprimer sur le sujet, afin de mieux cerner l’ampleur du phénomène et de savoir quelles sont les réponses à y apporter. Je rappelle également que nous avons créé une mission d’information sur la formation des militaires, dont une partie du travail consistera à examiner comment l’évolution de la formation initiale peut contribuer à mettre fin à des situations inacceptables.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Il est en effet important que nous ayons cette audition commune.
Je vous invite à lire ce livre : c’est une enquête qui dérange, mais qui ne doit pas pour autant faire oublier que l’armée a fait des efforts importants en faveur de l’égalité femmes-hommes. Reste qu’il y a en son sein des cas de violence et de harcèlement autant que dans le reste de la société. Lors de l’examen de la loi sur le harcèlement, les chiffres qui nous avaient été communiqués indiquaient que 10 à 15 % des femmes disaient avoir été harcelées, ce taux s’élevant à plus de 25 % pour les jeunes femmes.
Ces cas de viol ou de harcèlement sont inadmissibles. Si toutes les armées sont concernées, l’OTAN a alerté la France en 2008 pour lui dire qu’elle n’avait pas pris assez en compte la féminisation des armées et la protection des personnels féminins. Or notre pays n’a, semble-t-il, rien fait depuis sur ce dernier point et aurait pris du retard par rapport à d’autres pays, alors que nous avons une des armées les plus féminisées du monde, avec 15 % de femmes.
Ce phénomène général de violence à l’égard des femmes présente des particularités dans l’armée. Les femmes y subissent souvent une double peine : lorsqu’elles dénoncent ce dont elles sont victimes, elles sont souvent mises de côté, isolées, parfois amenées à démissionner ou insuffisamment accompagnées. Il y a une culture de protection de l’armée dans ce domaine. Si, dans les cas de viol, qui relèvent du pénal, les affaires sont suivies, dans les cas de harcèlement, on a le sentiment d’une autodéfense et que les dénonciations et les aides sont insuffisantes. Or l’armée sortirait grandie de punir les coupables. On a donc tout intérêt à ce que ces affaires ne soient pas étouffées, mais traitées de façon exemplaire.
Le livre aborde aussi les questions de formation, les écoles de formation n’étant pas exemptes de cas de harcèlement et de violence. Il faut donc aussi les traiter.
En tout cas, je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réactivité, puisque vous avez demandé, au moment de la publication du livre, un rapport sur le sujet au Contrôle général des armées (CGA) et à l’Inspection générale des armées (IGA).
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Je suis heureux de vous retrouver pour parler de deux sujets d’importance : l’égalité femmes-hommes au sein du ministère de la Défense et la lutte – implacable – que nous devons mener contre le harcèlement sous toutes ses formes.
J’ai reçu, ce matin même, le rapport du contrôleur général Brigitte Debernardy et du général Didier Bolelli, inspecteur général des armées sur ces sujets. Je vous ai d’ailleurs conviées, Mesdames les présidentes, à cette remise, qui s’est tenue à l’École militaire devant 200 à 300 cadres de nos armées. Ce rapport sera également transmis cet après-midi à l’ensemble des membres de la commission de la Défense et de la Délégation aux droits des femmes et leurs auteurs son…………..t à votre disposition pour s’exprimer devant vous.
Mais je voudrais commencer par resituer le contexte de mon propos, pour ne pas oublier non plus que la mixité est une conquête, dont l’institution militaire a toutes les raisons d’être fière. Cette conquête s’inscrit dans le temps long de l’histoire de nos armées.
Cela fait maintenant trois quarts de siècle, en effet, que des femmes s’engagent pour la France en tant que militaires. Trois quarts de siècle de réformes au profit de la parité femmes-hommes et de l’égalité professionnelle. Aujourd’hui, nous mesurons tout le chemin parcouru depuis la loi Paul-Boncour qui autorisa formellement, en 1938, l’engagement des femmes sous les drapeaux en temps de guerre. En 1972, c’est une nouvelle étape qui est franchie, avec la loi portant statut général des militaires, qui a supprimé les distinctions statutaires entre les deux sexes et inscrit le principe d’égalité militaire entre les femmes et les hommes de la défense. La professionnalisation a été par la suite un moment décisif pour la féminisation de nos armées, en permettant le renouvellement de la population militaire et de sa physionomie. Le décret du 16 février 1998, enfin, a supprimé les quotas de recrutement qui limitaient encore l’accès de certains postes aux militaires féminins.
Aujourd’hui, la féminisation de nos armées est une réalité vécue par des milliers de Françaises. Pilotes, ingénieurs, médecins, convoyeurs de l’air, techniciens, chanceliers, juristes, qu’elles soient militaires ou civiles, à terre, en mer ou dans les airs, les femmes de la défense servent presque dans tous les domaines, jusque sur les théâtres opérationnels. Chaque jour, elles démontrent leurs compétences, leur volonté et leur courage.
Le 6 mars dernier, à l’Hôtel de Brienne, j’ai eu l’occasion de distinguer sept femmes de la défense, civiles et militaires, sept personnalités d’exception, dont le parcours force l’admiration. À l’image de ces dernières, les femmes de la défense sont aujourd’hui près de 60 000, représentant près de 40 % du personnel civil et 15 % du personnel militaire.
En moins de vingt ans, l’armée française est ainsi devenue l’une des plus féminisées au monde, là où nos voisins anglais et allemands ne comptent respectivement que 10 % et 9 % de femmes dans leurs rangs. Pour nous, c’est un grand motif de fierté.
La féminisation de nos armées reste une exigence qui appelle d’autres conquêtes. Au-delà des chiffres, qui ont déjà leur importance, chaque armée et chaque service se sont engagés à relever ce défi, qui est l’un des plus importants qui soient.
L’égalité, qui est l’une des valeurs fondatrices de nos armées, qu’il s’agisse de la solde, de la carrière, de l’accès aux responsabilités, est un objectif sur lequel la défense se doit d’être exemplaire. Les armées et services ne cessent de s’en rapprocher.
La marine a déjà promu deux femmes amirales, dont l’une a le commandement supérieur des forces armées en Polynésie française. Alors que la féminisation de l’École navale est récente, puisqu’elle date de 1992, cette armée compte aujourd’hui près de 14 % d’effectifs féminins. Parce que l’amplification de ce mouvement doit s’accompagner d’évolutions dans les pratiques, le chef d’état-major de la marine a pris la décision à titre expérimental d’intégrer trois femmes officiers à un équipage de sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) dès 2017, à l’issue d’une sélection des volontaires réalisée dès cette année et après une période de formation initiée en 2015. Cette expérimentation, qui est hautement symbolique, permettra de poser les fondements de la féminisation pérenne des équipages de sous-marins français. Aucun secteur n’échappe donc à la féminisation.
L’armée de l’air, avec un taux de 22 % de femmes, est la plus féminisée. C’est là encore le fruit de l’histoire. L’École de l’air a été la première école d’officiers à s’ouvrir aux jeunes filles, dès 1976. À la dernière rentrée, en 2013, elle comptait ainsi 26 % d’élèves féminins. Cette féminisation concerne tous les niveaux. Six femmes colonels air ont ainsi commandé une base aérienne ou un détachement air. Les femmes pilotes ont acquis toute leur place dans les escadrons, en outre-mer, au sein des forces aériennes stratégiques comme à la tête de la patrouille de France. Des officiers féminins rejoignent d’ailleurs régulièrement les bancs de l’École de guerre. En 2014, le commandement d’une des quatre escadres de l’armée de l’air, la première escadre SAMP, sera confié à un lieutenant-colonel féminin. Et, à l’été 2015, le commandement de l’escadron Lafayette pourrait être féminisé de la même manière.
L’armée de terre, pour sa part, est forte des 11 600 femmes qu’elle compte dans ses rangs. Leur intégration est le fruit d’une longue évolution, notamment jalonnée par la création des volontaires féminins par le général de Gaulle, l’ouverture des recrutements de sous-officiers en 1976, puis l’ouverture aux femmes de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, en 1983, la même année que le Prytanée. Depuis 2013, le commandement d’un régiment des forces, le 40e régiment de transmissions, est assuré par une femme colonel, qui a pris part à l’opération Serval au Mali. La mixité commençant sur les bancs de l’école, Saint-Cyr va renforcer, dès cette année et de manière significative, la place des femmes militaires dans son encadrement, en leur confiant notamment des postes de commandant d’unité et de chef de section en première et deuxième année. En tout, ce sont une douzaine de cadres féminins qui vont occuper des postes d’enseignement et d’instruction, à haute visibilité pour les élèves officiers. Et, en 2015, un bataillon de Saint-Cyr sera pour la première fois confié à une femme.
J’en viens, pour finir ce tour d’horizon, aux personnels civils. Leur taux de féminisation est aujourd’hui de 38 %, avec 25 000 agents, et de 25 % pour les cadres de niveau 1 – ce dernier chiffre étant en constante progression.
Je n’insiste pas sur le service de santé des armées (SSA) – on sait la place qu’y tiennent les femmes –, ni sur la gendarmerie – pour laquelle un plan global a été proposé par le ministre de l’Intérieur début mars. Le rapport qui vous sera communiqué vous fournira plus de précisions à cet égard.
Au même titre que les hommes qui occupent des postes à responsabilité au sein du ministère et des armées, toutes ces femmes, tout au long de leur carrière, se sont distinguées par l’excellence de leurs compétences et la valeur de leur engagement.
Depuis près de deux ans, j’ai pris ma part de ce défi. Selon ma méthode, j’ai engagé le ministère dans une politique volontaire et pragmatique pour continuer de faire avancer l’égalité professionnelle. C’est le sens du plan que j’ai annoncé dès le premier comité interministériel aux droits des femmes fin 2012. Pour piloter cette feuille de route, j’ai nommé dès septembre 2012 un haut fonctionnaire à l’égalité des droits dans les armées, Françoise Gaudin. Placée auprès du secrétaire général pour l’administration (SGA), elle mène un travail remarquable, en conduisant notamment, avec l’ensemble des armées, les travaux de l’Observatoire pour la parité dans les armées, que j’ai installé en décembre dernier.
Le contrôleur général Chevallier a par ailleurs réalisé une enquête à ma demande sur l’égalité des femmes et des hommes de la défense. Ses résultats m’ont été transmis il y a un mois. De son côté, le Haut comité à l’évaluation et à la condition militaire (HCECM) a consacré son rapport 2013 aux femmes militaires.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les femmes qui accèdent aux responsabilités le font dans les mêmes conditions que les hommes, par la reconnaissance de leurs compétences. Un vivier existe : il est en train de se développer au fur et à mesure de l’avancée des femmes issues des premières promotions des écoles d’officiers, mais il faut encore l’élargir.
C’est la raison pour laquelle si nous comptions 19 femmes sur 531 officiers généraux à la fin de l’année 2013, c’est-à-dire 3,5 %, nous en compterons 5 % en 2017 et 7 % en 2019. C’est une évolution naturelle dont nous nous félicitons.
Je souhaite aussi renforcer le mandat de l’Observatoire pour la parité. Je veux lui confier la responsabilité de constituer un tableau de bord des carrières féminines, avec des indicateurs ayant plusieurs objets : mesurer l’accès des femmes aux étapes clés de la carrière – diplôme d’état-major, École de guerre, Centre des hautes études militaires (CHEM) – ; suivre l’ancienneté moyenne pour l’accès aux grades d’officier supérieur ; évaluer la parité pour l’avancement ; et identifier et analyser les étapes et motifs de sortie des femmes de l’institution et les reconversions qui leur sont offertes.
Je souhaite que ce tableau de bord soit prêt dans les meilleurs délais pour que les premières analyses soient conduites et que des propositions me soient faites pour septembre 2014. Tout l’enjeu est de lever les freins qui pèsent encore sur les carrières féminines. Bien comprendre pour mieux agir : voilà le sens de l’action que j’entends poursuivre au profit de l’égalité professionnelle au sein du ministère et des armées.
Il en va de même pour cette autre question grave, celle du harcèlement, des discriminations et des violences faites aux femmes de la défense.
La feuille de route que j’ai donnée au haut fonctionnaire à l’égalité des droits posait déjà cette question, en demandant d’engager des travaux pour identifier, caractériser et lutter contre ces agissements.
Par ailleurs, le rapport du contrôleur général Chevallier sur la féminisation des armées suggérait qu’une étude plus approfondie soit rapidement menée. C’est précisément le mandat que j’ai ensuite donné au contrôleur général Debernardy et à l’inspecteur général des armées Bolelli à la suite de la publication du livre que vous avez évoqué.
Les agissements dont nous parlons sont, quel que soit leur nombre, absolument intolérables. Dans les armées comme ailleurs, sans doute encore plus qu’ailleurs, tant celles-ci ont vocation à être exemplaires ; tant l’honneur est la vertu cardinale du militaire et la fraternité d’armes une exigence absolue.
Il serait faux de prétendre que ce rapport succède à une période de déni. Ce n’est pas une réalité que nous découvririons aujourd’hui. Nous savions que des cas existaient ; ils sont totalement inacceptables. Ils sont rares, mais un seul est déjà de trop. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : dans ce domaine, il n’y a qu’une politique qui vaille, celle de la tolérance zéro.
Je voudrais faire une série de remarques à ce sujet.
J’ai entendu évoquer une supposée omerta institutionnelle. Pour ma part, et c’est ce que confirme le rapport, je n’en vois pas la trace. Il y a néanmoins de réelles difficultés, dont le commandement est conscient. Il n’a d’ailleurs pas attendu que certains de ces agissements se retrouvent sur la place publique pour passer à l’action et nombre des propositions du rapport ont été suggérées par lui.
Comme dans le reste de la société, les victimes de tels actes n’osent pas toujours les dénoncer. On estime qu’en France, dans les cas graves de viols et d’agressions sexuelles, un cas sur sept seulement fait l’objet d’une plainte. Ici aussi, la parole est difficile pour les victimes, et nous devons les encourager dans cette démarche. À cet égard, je note que la proximité et la vigilance du commandement sont souvent à l’origine des plaintes.
Les cas les plus graves, ceux que je viens de citer, sont les plus rares. Le retour d’expérience qui nous est fait montre qu’ils sont aussi les plus clairement identifiés, ceux qui sont le plus souvent signalés. Dans ces cas-là, l’information remonte. Le commandement les gère sur un plan humain : il fait le plus souvent preuve de sévérité et de responsabilité. Mais il se trouve parfois démuni sur un plan administratif, hésitant sur la conduite à tenir, car les procédures sont complexes. Elles sont pourtant fondamentales, quand on sait combien l’orthodoxie des enquêtes garantit ensuite la solidité juridique des sanctions. Agir en pareille situation est nécessaire, parfois vital, et cependant bien délicat. Faire la lumière sur les faits, enquêter rapidement, rechercher des preuves lorsque l’agresseur présumé nie ce qui s’est passé, s’assurer que l’on n’accuse pas à tort : certaines situations ne sont pas toujours incontestables ou flagrantes. Je ne veux pas que le commandement se sente seul devant ces situations. L’accompagner en matière de droit et de gestion humaine, depuis le signalement jusqu’à la sanction, c’est rendre service à la victime autant qu’à l’institution.
Au-delà des cas de violence, ceux de harcèlement sont, quant à eux, plus difficiles à qualifier ; ils peuvent se rencontrer à tous les niveaux de la hiérarchie. La lutte contre ces situations insidieuses, dont l’évolution lente génère de profondes souffrances au travail, est plus complexe ; elle appelle un travail de fond et des enquêtes qui se font souvent « hors hiérarchie ». Là encore, je n’ai pas vu d’omerta, mais des difficultés réelles, dont nous devons nous saisir avec rigueur et détermination. Sur la base du rapport qui vient de m’être remis, j’ai donc pris plusieurs décisions, qui sont autant de mesures concrètes pour mieux lutter contre ces agissements. Le mandat des rapporteurs portait sur trois axes : la prévention, la transparence et la sanction. Il faut en ajouter un quatrième, l’accompagnement, par lequel je voudrais commencer.
Notre devoir premier, c’est que le ministère accompagne les victimes, en commençant par les aider à sortir du silence. Cette responsabilité incombe à chacun d’entre nous. C’est en effet un devoir, pour un fonctionnaire comme pour un militaire, de dénoncer des faits graves dès qu’ils en ont connaissance. Mais pour que les victimes soient incitées à parler, elles ont besoin de pouvoir se tourner vers une personne de confiance. Le référent mixité – lorsqu’il y en a un –, le président de catégorie, la hiérarchie, tous doivent être à l’écoute des signaux, des confidences. Cependant, lorsque la souffrance est trop lourde pour elles, les victimes ont besoin de parler à un tiers. La victime, qu’elle soit militaire ou fonctionnaire du ministère, a le droit comme toute victime de se tourner vers une des associations agréées par la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF). Pour cette raison, les coordonnées de ces associations doivent être disponibles et affichées dans les bureaux, les unités et tous les lieux de vie. Mais je veux également offrir aux victimes un accompagnement supplémentaire. Nous avons, au sein du ministère, la ressource et la compétence médicale et psychologique pour les accompagner. C’est pourquoi j’ai décidé de confier au réseau interne de psychologues « Écoute Défense », qui sont disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, le soin de recueillir les souffrances de ces victimes, hommes et femmes, et de les aider à sortir du silence.
J’ai également décidé de mettre en place une cellule spécialisée de vigilance et d’accompagnement, qui s’appellera Thémis, du nom de la déesse grecque de la justice et de l’égalité. Cette cellule va être rattachée au Contrôle général des armées. Par ses statuts, le Contrôle est en effet responsable de la sauvegarde des droits des personnes et il dispose d’une expertise solide, en droit social, civil comme militaire, en ressources humaines, et d’une maîtrise des procédures contentieuses internes comme externes. La cellule accueillera les signalements directs, par mail, par appel de la victime à « Écoute Défense », d’un collègue ou d’un témoin, et les prendra en charge. Dans un format d’équipe d’enquête, elle proposera au pouvoir disciplinaire des mesures conservatoires et, le cas échéant, des sanctions. Elle sera aussi compétente pour conseiller les militaires ou les agents qui signaleront des faits dont ils ont été témoins, en conformité avec le devoir de signalement prévu au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Dans le cas d’un signalement EVENGRAVE – procédure de remontée d’informations d’événements graves des unités vers l’administration centrale –, la cellule Thémis sera également chargée de vérifier la mise en œuvre de mesures conservatoires de protection de la victime. Elle pourra conseiller le commandement sur les procédures disciplinaires et les sanctions adaptées. Le cas échéant, elle signalera l’EVENGRAVE à l’inspecteur d’armée, à l’inspecteur du personnel civil ou aux inspecteurs généraux des armées pour conduire ou accompagner l’enquête qui déterminera dans le délai de quatre mois la sanction adaptée, indépendamment de l’éventuelle procédure judiciaire.
Enfin, la cellule pourra aussi se saisir des cas qu’elle viendrait à recenser sans en avoir eu connaissance par saisine directe ou EVENGRAVE.
Dans tous les cas de figure, elle sera chargée d’informer la victime et de s’assurer des conditions de la poursuite de son parcours professionnel.
Je souhaite que cette cellule soit mise en place sans délai. Je charge donc le contrôleur général Debernardy de l’installer et de lui affecter les moyens humains et techniques pour qu’elle fonctionne le plus rapidement possible, en liaison étroite avec le collège des inspecteurs généraux des armées. Sa visibilité et son accessibilité doivent être garanties : il y aura une page web dédiée sur le site du ministère ainsi que des outils sur l’intranet pour permettre un accès direct aux informations nécessaires comme à la cellule elle-même.
Concernant la prévention du harcèlement, j’engage un travail dans quatre directions.
D’abord, j’ai demandé que le harcèlement soit désormais inscrit en toutes lettres dans le code de la défense, et proscrit. Le manque qui existait en la matière sera comblé dans la loi aujourd’hui même. En effet, le Gouvernement, à mon initiative et par la voix de ma collègue Najat Vallaud-Belkacem, s’apprête à proposer cet après-midi devant les sénateurs un amendement au projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cet amendement complète le code de la défense en prévoyant les mêmes dispositions en matière de lutte contre le harcèlement moral et sexuel que celles qui figurent au statut des fonctionnaires. Cela assure ainsi aux militaires les mêmes garanties qu’à tous les autres agents de l’État. Mais je veux aller plus loin : demain, les faits de harcèlement ouvriront droit à la protection juridique pour la victime – comme ce sera d’ailleurs le cas pour les fonctionnaires, ainsi que le prévoit le nouveau projet de loi sur la fonction publique. Dans le même esprit, l’interdit qui pèse sur les actes de harcèlement, de discrimination et de violence sera inscrit dans le code du soldat, matérialisé sous forme d’une carte, laquelle sera généralisée à l’ensemble des armées et qui comportera un code de déontologie. Dans le même temps, j’ai décidé de renforcer la formation et la sensibilisation sur ces questions, qui sont cruciales pour notre collectivité. Des actions de formation ciblées pour le commandement, les présidents de catégories, les référents mixité leur permettront de mieux connaître les procédures, ainsi que les droits et obligations des personnels militaires et civils. Un guide de procédures sera d’ailleurs élaboré et diffusé à cette fin. L’objectif est bien sûr ici de mieux identifier, accompagner, mais aussi traiter et sanctionner ces cas de harcèlement et de violence.
La prévention consiste aussi à préserver l’intimité du personnel féminin comme masculin dans les lieux de vie. Elle tend ainsi à éviter de créer des situations de promiscuité qui favorisent les risques de dérapage. Dans cette perspective, je veux que des mesures concrètes soient prises pour organiser la mixité dans les locaux de vie. Je ne méconnais pas les difficultés qui se présentent, mais cette mixité est une question majeure ; elle doit donc être prise en compte lors de la rénovation des infrastructures, avec en particulier la séparation des sanitaires mais aussi des chambrées.
La prévention, enfin, doit impérativement commencer dans nos écoles, dès la formation initiale. Il faut y prévoir une sensibilisation au respect de la mixité. Les chefs d’état-major, dont relèvent ces écoles, sont conscients des difficultés qui peuvent s’y rencontrer. Ils ont d’ailleurs déjà pris des décisions de grande fermeté pour traiter ce problème réel de la discrimination. Je consacrerai un moment spécifique à l’annonce de mesures dans ce domaine, car la réalité de nos écoles est d’une nature spécifique et appelle des mesures particulières. Je me rendrai prochainement dans l’une d’elles à cette fin.
J’en viens à la transparence, qui est également une nécessité. Il n’y a pas d’omerta, je l’ai dit, mais il n’y a pas non plus de visibilité suffisante.
Je souhaite donc que la remontée d’information soit clarifiée. Je donnerai bientôt des directives de procédures pour le signalement de faits par le dispositif EVENGRAVE : description et qualification des faits ; prise en compte des dommages psychologiques dans les dommages subis ; mesures conservatoires pour protéger la victime ; état clair d’avancement de la procédure disciplinaire à la date du signalement. Tout cela doit être clairement pris en considération et figurer dans les EVENGRAVE pour permettre un meilleur suivi.
Je demande ensuite que nous consacrions les moyens nécessaires à la production de statistiques, qui sont indispensables dans ce domaine. Je rappelle que la cellule Thémis sera chargée de recenser l’ensemble des signalements. Elle assurera également une veille sur leurs suites disciplinaires et éventuellement judiciaires, ainsi que sur leurs suites professionnelles auprès des différents services compétents du ministère. Elle transmettra enfin l’ensemble de ces données au haut fonctionnaire à l’égalité des droits, qui, en liaison avec l’Observatoire de la parité, les complétera éventuellement et fournira des statistiques sur les faits de harcèlement et de violence commis au sein de la défense. Ces statistiques figureront dans le bilan social du ministère et seront présentées à nos instances de concertation et de dialogue social.
Enfin, il nous appartient d’infliger des sanctions lorsque de tels actes sont avérés. La réglementation prévoit un large éventail en la matière : il nous revient d’y recourir. Il n’y a plus de barème, car l’objectif était d’avoir des sanctions individualisées et non le résultat d’une automaticité qui est absurde. Mais, avec le développement des services interarmées, les différences entre les pratiques disciplinaires des armées et services deviennent difficilement compréhensibles. La visibilité au niveau ministériel, transversal, qui sera celle de la cellule Thémis, permettra une harmonisation progressive de ces pratiques.
Je veux profiter de cette occasion pour clarifier dès à présent deux éléments de notre politique disciplinaire. D’abord, les sanctions disciplinaires sont de la responsabilité de l’institution : elles sont administratives et indépendantes et ne sauraient donc être suspendues aux procédures judiciaires. Le ministère et les armées doivent prendre leurs responsabilités ; ce qui n’est pas tolérable pour la société, en étant passible de sanctions pénales, l’est encore moins pour notre institution. Je rappelle que les sanctions disciplinaires doivent être prises et notifiées dans un délai maximum de quatre mois suivant le signalement des faits. Ensuite, seules des sanctions de groupe II ou III peuvent être appliquées pour les actes de violence et d’agression sexuelle. Je sais la complexité des situations que le commandement peut rencontrer : prendre de telles décisions, dans de pareilles circonstances, n’est jamais aisé. C’est pourquoi la vocation de la cellule Thémis est aussi d’apporter un appui à ce dernier, pour qu’il ne se sente pas isolé, notamment sur la question des sanctions
Nos armées peuvent s’enorgueillir dans de nombreux domaines : elles ont vocation à le faire aussi dans celui-ci et le combat que nous menons continue pour faire progresser la féminisation de l’institution militaire. Je sais pouvoir compter sur la mobilisation de tous les chefs de nos armées pour mettre en œuvre au plus vite les mesures que je viens d’indiquer, qui ont été rendus publiques depuis la fin de la matinée.
Mme la présidente Patricia Adam. Merci, monsieur le ministre, pour cette présentation et les décisions que vous venez de prendre.
Depuis douze ans que j’appartiens à cette commission, je me rends régulièrement sur le terrain et rencontre les femmes présentes dans nos armées. J’ai beaucoup d’admiration pour elles : elles sont d’un grand professionnalisme, dans un monde encore très masculin, et constituent un exemple pour la mixité. Elles sont d’ailleurs également admirées de leurs collègues hommes.
Certaines m’ont fait part de cas de harcèlement, qui sont de fait les plus difficiles à traiter, dans la mesure où il faut les vérifier et où ils sont difficiles à exprimer. Or, chaque fois, les dossiers ont été bien traités par l’état-major et votre cabinet, de même d’ailleurs que par les précédents cabinets ministériels. Il y va de la réputation de nos armées.
Je souhaite aussi vous remercier, ainsi que le chef d’état-major de la marine, de permettre désormais que des femmes puissent embarquer dans les sous-marins. Les jeunes femmes qui se forment au métier d’officier à l’École navale apprécient sans doute cette décision, d’autant que la sélection pour pouvoir le faire est très difficile.
M. le ministre. Je tiens à cet égard à rendre hommage au chef d’état-major de la marine car cette décision n’était pas évidente. Il s’agissait peut-être d’un tabou, qui est désormais levé. C’est un bon exemple de féminisation.
Notre objectif est, je le répète, d’avoir une armée exemplaire, fondée sur le « zéro tolérance ». Les mesures que je vous ai exposées ont d’ailleurs été initiées par le commandement.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Lors des universités de rentrée organisées à Brest, je m’étais moi-même étonnée qu’il n’y ait pas de femmes dans les sous-marins : on m’a répondu que c’était impossible – alors que cela est pourtant accepté aux États-Unis ou en Grande-Bretagne.
Cela étant, je ne voudrais pas que la décision importante prise en la matière occulte tout le reste. Il faudra que nous regardions s’il n’y a pas de freins à l’évolution des carrières. Est-il normal par exemple qu’il n’y ait que 6 % de femmes dans les opérations extérieures (OPEX) ?
La France commence à prendre la mesure du phénomène que vous évoquez, qui existe tout autant à l’université, pour laquelle nous n’avons pas encore trouvé de bonne solution – nous en sommes toujours à des plaintes internes et il est très difficile de s’adresser au président de l’université pour porter plainte. Il est très important que les femmes puissent s’adresser aux associations de victimes de violences.
En matière de statistiques, nous avons un retard considérable, puisque nous n’en avons pas ! Or qui ne connaît pas un phénomène ne peut le combattre efficacement. Il nous faut donc disposer de statistiques fiables et détaillées. La Suède s’en est récemment dotée dans le cadre d’un rapport annuel, à la suite duquel elle prend des mesures drastiques selon le type d’événements constatés.
S’agissant des causes, le livre que nous avons évoqué signale souvent des faits de harcèlement et de dérapage liés à l’absorption d’alcool. L’action de prévention pourrait en tenir compte.
Au sujet de la modification du code de la défense, notre collègue Daniel Boisserie vous avait posé une question écrite en août 2012 sur l’introduction de la notion de harcèlement sexuel et moral. Cela dit, lorsque nous avons examiné la loi sur le harcèlement sexuel à la fin de juillet 2012, les cas de tels agissements dans l’armée n’ont pas été portés à notre connaissance. De toute façon, la mesure prise à cet égard est très positive.
Dans le cadre d’un rapport sur ce projet de loi, nous avions montré combien le harcèlement est ravageur. Alors que le viol peut connaître des suites judiciaires et pénales, le harcèlement est difficile à dénoncer, à suivre et à prouver. Il détruit les personnes qui en sont victimes, d’autant qu’il est souvent le fait de supérieurs et de chefs qui imposent leur pouvoir de cette façon. Nous devons être intraitables à cet égard et je regrette que les sanctions soient très aléatoires et inégales – de trois à quinze jours d’arrêt, sachant que cela signifie seulement pour les intéressés une interdiction de sortie. Ces sanctions peuvent paraître relativement mineures, d’autant que certains acteurs de harcèlement ont été promus.
Par ailleurs, il existe des cas dans la gendarmerie, qui doivent également être traités.
Comme le disait Martin Luther King, « Il y a pire que le crime, il y a le silence ». En tout cas, je vous remercie, monsieur le ministre, pour ce que vous avez fait.
M. le ministre. Il y a un problème – auquel je n’ai pas encore de réponse –, lié au fait qu’un certain nombre de jeunes militaires considèrent que leur lieu de vie – leur chambrée ou leur tente – est un endroit privatif, dans lequel on peut avoir des activités festives et où on se sent hors de l’institution militaire.
S’agissant de la gendarmerie, j’ai rappelé qu’un plan d’action a été mis en œuvre par le précédent ministre de l’Intérieur et le directeur général de cette force, qui n’est pas contradictoire avec ce que nous proposons.
Le taux de féminisation dans les OPEX est faible en effet, mais le suivi de cette question doit faire partie du travail de l’Observatoire pour la parité.
Il est vrai que nous manquons de statistiques : j’ai donc fait en sorte qu’on en établisse chaque année et qu’elles soient soumises au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et au Comité technique ministériel (CTM).
Concernant les sanctions, j’ai précisé ce matin aux grands subordonnés que, dans des cas de violence, il convenait d’appliquer celles de niveau II ou III, c’est-à-dire la suspension, la radiation ou la rétrogradation. Quant aux jours d’arrêt, ils comportent des risques majeurs pour la carrière, l’avancement et le renouvellement du contrat. Mais il est parfois difficile de décider de la juste sanction alors qu’une procédure pénale est en cours., Or, compte tenu de la longueur de cette procédure, lorsque la sanction pénale survient, il est trop tard pour prendre une sanction disciplinaire. C’est pourquoi j’ai rappelé que l’administration devait, en responsabilité, s’attacher à conduire l’enquête administrative et à décider de la sanction indépendamment de la procédure pénale.
Je rappelle que, dans des cas de violence significatifs, repérés ou identifiés, ce sont les commandants qui ont accompagné les personnels féminins pour porter plainte. Il faut séparer la procédure administrative de la procédure pénale et avoir un outil de conseil au commandement, qui sera Thémis, pour aider à la décision. La volonté d’être exemplaire est partagée par l’ensemble du commandement, qui est déterminé à mettre en œuvre le dispositif que je vous ai indiqué.
M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le ministre, j’approuve les mesures que vous avez prises.
Le problème des violences faites aux femmes est très inquiétant, mais existe-t-il davantage de harcèlements ou de violences contre les femmes dans l’armée que dans le reste de la société ?
S’agissant de la jeune stagiaire de vingt-cinq ans qui suivait une formation à Fontenay-le-Comte, où en est le dossier ?
M. Christophe Guilloteau. Il faut en effet combattre ce type de violence.
La décision positive que vous avez prise de permettre aux femmes d’embarquer dans des sous-marins était attendue, mais cela risque de poser des problèmes techniques, qu’il va falloir régler. Cela étant, je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de demandes : embarquer sur un SNLE pour plusieurs mois, quand on a une vie familiale, ce n’est pas si simple.
M. Joaquim Pueyo. Le harcèlement moral est toujours un problème compliqué. D’ailleurs, les hommes peuvent aussi en être victimes.
La modification du code de la défense et le fait que les victimes puissent être protégées juridiquement constituent deux mesures phares à cet égard.
En matière de formation, y aurait-il un intérêt à prévoir des cycles d’information systématiques, de manière à ce que tous les militaires soient sensibilisés ?
Par ailleurs, existe-t-il un programme en faveur de lieux de vie spécifiques pour les femmes militaires ?
Enfin, on a vu des situations où le tribunal relaxait la personne mise en cause et où celle-ci faisait ensuite un recours devant le juge administratif et obtenait sa réintégration dans l’armée. Certains cas peuvent donc être compliqués.
M. Philippe Vitel. Je suis aussi heureux de savoir que les femmes militaires vont pouvoir rejoindre le monde des sous-marins. Il est bon de commencer par trois femmes officiers, dont le rang hiérarchique leur permet autorité et respect. Je serai également ravi quand je verrai sur le porte-avions Charles-de-Gaulle ce que j’ai vu sur des porte-avions américains, c’est-à-dire des femmes pilotes de chasse…
Est-ce qu’aujourd’hui, dans l’armée, les femmes et les hommes ont à grade égal une rémunération égale ?
M. Nicolas Bays remplace Mme Patricia Adam pour co-présider la réunion.
M. le ministre. Sur ce dernier point, Monsieur Vitel, nous voulons une égalité totale, ce qui n’est pas toujours le cas dans le reste de la société.
En matière d’avancement, il est du rôle de l’Observatoire pour la parité de vérifier que tout se passe correctement.
Quant à la mesure prise pour les sous-marins, elle aboutira à une généralisation de la féminisation à leur bord, ce qui suppose en effet des adaptations techniques. On les anticipe déjà pour la nouvelle génération de Barracuda.
M. Philippe Vitel. Il n’y a jamais eu de femmes dans la Légion étrangère ?
M. le ministre. Non.
M. Christophe Guilloteau. Quand sera-ce le cas ?
M. le ministre. C’est une bonne question, à laquelle il faudra réfléchir.
S’agissant de la formation, à Saint-Cyr, l’encadrement féminin sera singulièrement renforcé. D’aucuns ont en effet stigmatisé des comportements machistes peut-être confortés par l’image d’un encadrement exclusivement masculin.
En outre, les chefs d’état-major sont très exigeants sur le fait que tradition ne veut pas dire bizutage. Des mesures strictes ont été prises sur ce point et j’annoncerai d’autres mesures pour traiter le cas spécifique des écoles lors de mon déplacement prochain dans une des écoles de nos forces.
Sur la question de Monsieur Pueyo, il y a en effet une double procédure : pénale et disciplinaire. Il faut qu’elle soit maîtrisée et respectée, et donne lieu aux sanctions qui s’imposent. Et si d’aventure une procédure pénale rend caduque une procédure disciplinaire, on ne pourra pas empêcher qu’il y ait un recours.
Monsieur Candelier, dans le cas de la stagiaire du centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte, l’autorité militaire n’a jamais cherché à cacher l’événement dont celle-ci avait été victime, puisque c’est le commandement qui l’a incitée à porter plainte. L’auteur des faits a été sanctionné par 20 jours d’arrêt, sous l’aspect disciplinaire. Par ailleurs, le procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon a classé la plainte sans suite. Si le contrat de cette stagiaire a été rompu, cela n’a rien à voir avec cette procédure : il l’a été à la suite d’absences répétées et de fautes de comportement en service malgré de multiples rappels à l’ordre antérieurs à l’événement et donc sans lien avec cet incident. Cette radiation a fait l’objet d’un appel et a pour l’instant été suspendue.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le ministre, la Délégation aux droits des femmes suivra attentivement ce que vous avez mis en place, dont on peut se réjouir. Le monde de l’armée s’est en effet féminisé tardivement et certains considèrent que les « féminines » ne sont pas forcément toujours légitimes. Il faut combattre ces préjugés, ici comme ailleurs. D’où l’enjeu considérable que constitue la formation.
M. Nicolas Bays, président. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous avons entendu votre volonté d’exemplarité sur la place des femmes dans l’armée.
Audition de Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, rapporteures de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique française, sur les femmes et le numérique
Compte rendu de l’audition du mardi 17 juin 2014
Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chères collègues, certains des sujets que vous avez abordés dans votre rapport d’information sur le développement de l’économie numérique française sont susceptibles de nous intéresser, et je vous remercie de vous être rendues disponibles pour éclairer la Délégation sur ces questions.
Vous y constatez que l’économie numérique a transformé – voire bouleversé – certains secteurs et qu’il faut s’attendre à ce que d’autres le soient. Vous nous exhortez à anticiper les effets de cette évolution. Il s’agit bien, conformément au titre de ce rapport, d’« Agir pour une France numérique », ce qui suppose « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace… ».
De nombreux métiers sont ou seront donc affectés par le e-commerce et la e- économie – notamment l’accueil et les services directs rendus au public. Que faire des personnes qui exercent ces métiers ? Peut-on les former pour prévenir le phénomène ? Comment faire en sorte que la destruction de certains emplois, qui aura lieu dans un premier temps, soit suivie par la création de nouveaux emplois ?
Dans un autre domaine, le meilleur et le pire se côtoient sur le net. Dans plusieurs textes de loi, nous avons tenté de réguler certaines informations ou certains trafics qui transitent par ce biais – concernant par exemple la prostitution et la pédopornographie. Les membres de la Quadrature du net ont d’ailleurs demandé à me rencontrer. Qu’en pensez-vous ?
Ensuite, votre travail vous a-t-il permis de connaître les pays qui ont pris en compte et anticipé ces évolutions ? Enfin, avez-vous mesuré l’impact qu’aura le développement de l’économie numérique sur les femmes qui sont sur le marché du travail ? Des études de genre ont-elles été menées sur le sujet ?
Mme Corinne Erhel. Mme de la Raudière et moi-même en sommes à notre quatrième rapport sur le numérique. Cette fois-ci, notre mission était plus conséquente puisqu’elle a duré plus d’un an et a porté sur les enjeux de l’économie numérique française, comparée à celle des autres pays. Nous avons donc été amenées à nous déplacer en Europe, aux États-Unis et en Asie.
Notre objectif était d’abord pédagogique : expliquer ce qu’est l’économie numérique, comment elle bouleverse tous les modèles économiques et toutes les organisations. Pour nous, il s’agit d’un phénomène positif, et en tout état de cause inéluctable, qu’il faut donc anticiper et auquel il faudra s’adapter. Inutile d’élever des digues de sable qui seraient continuellement contournées ou détruites.
Sans entrer dans le détail du rapport, j’irai directement à la question posée par Mme la présidente : tous les modèles économiques et tous les secteurs sont impactés par le numérique – dont l’audiovisuel, la distribution et le tourisme. Le bouleversement porte aussi bien sur les modes de consommation des citoyens que sur l’organisation interne du fonctionnement des entreprises. On peut même dire que les fonctions d’intermédiation sont percutées de plein fouet. C’est le cas de la distribution, qui est le secteur le plus touché en raison du développement des ventes en ligne – le « e-commerce » – qui a fait évoluer les habitudes de consommation.
Il est fréquent, dans l’histoire économique, que des phénomènes de destruction d’emplois laissent la place à des phénomènes de création d’emplois, avec des périodes plus ou moins longues d’adaptation. S’agissant de l’économie numérique, la destruction de certaines fonctions a été particulièrement étudiée, notamment aux Etats-Unis. Lors de nos auditions, l’exemple des moyennes et grandes surfaces est souvent revenu. Il y a en France à peu près 400 000 caissiers ou caissières. Actuellement, on dispose des technologies permettant de se passer de leurs postes de travail. Mais que faire, comment s’adapter ? Comment transformer les postes de travail ? Comment faire évoluer les carrières ? Quel type de formations mettre en place ?
Il en va de même dans le secteur bancaire. Nous allons de moins en moins au guichet de notre banque. Nous faisons tout, soit en ligne, soit sur les distributeurs à l’extérieur ou à l’intérieur de la banque. Ainsi, au fur et à mesure, les fonctions d’intermédiation sont appelées à se raréfier et, en tout état de cause, à se transformer.
Pour répondre à votre dernière question, madame la présidente, il se trouve en effet que, globalement et majoritairement, ces fonctions d’intermédiation sont occupées – en tout cas en France – par des femmes faiblement qualifiées.
Dans un tel contexte, les entreprises et les pouvoirs publics ont à exercer leurs responsabilités. Celle des entreprises consiste à adapter et à faire évoluer les compétences de ses salariés. Celle des pouvoirs publics consiste à mettre en œuvre des dispositifs de formation aux technologies numériques, auxquels tous doivent pouvoir avoir accès. Il peut s’agir de formation initiale ; nous préconisons d’ailleurs une sensibilisation et un apprentissage précoces du codage. Il peut s’agir aussi de formation professionnelle : d’une part, le numérique a un fort potentiel ; d’autre part, l’adaptation des compétences est un enjeu crucial. Les fonctions d’intermédiation, par exemple, concernent tous les secteurs d’activité.
Je précise que le numérique participe à peu près à 25 % de la croissance française et représente environ 8 % du PIB. Son rôle est donc devenu essentiel. Mais les femmes sont sous-représentées dans les métiers du numérique, entendu au sens large – 28 % des emplois seulement sont occupés par des femmes.
Nous avons des progrès à faire, d’autant que les perspectives d’évolution de carrière sont tout à fait intéressantes. Mais l’important, selon moi, est d’anticiper l’évolution des compétences. En effet, le numérique va de plus en plus vite et il faut imaginer d’autres fonctions, notamment dans les secteurs de la distribution, des banques ou du tourisme. Le plus grand danger serait de ne pas se préparer à cette révolution industrielle. Les pouvoirs publics doivent anticiper ces changements majeurs, que nous considérons comme une chance et une opportunité.
C’est l’occasion de repenser le fonctionnement de notre économie, mais également de repenser les fonctions au sein de l’État ou des collectivités, voire ici même, à l’Assemblée nationale. Par exemple, est-il toujours utile d’envoyer à chacun, par écrit et par voie postale, les bulletins de salaire ? Ne pourrait-on pas les dématérialiser, ce qui suppose que les personnes qui s’occupent des mises sous enveloppe soient appelées à d’autres fonctions ? C’est à ce genre de questions que nous devons impérativement réfléchir.
Mme Laure de La Raudière. Merci, madame la présidente, de nous accueillir aujourd’hui. Lorsque nous avons fait ce rapport, nous n’avons pas du tout pensé à l’éclairage « droits des femmes ». Notre objectif était de faire de la pédagogie sur la transformation de l’économie française, européenne et mondiale, et de présenter les dispositions à prendre pour que la France occupe une place de leader dans le monde du numérique.
Nous sommes dans la troisième révolution industrielle. Nous sommes en train de passer d’une économie de l’industrialisation, attachée au territoire, à une économie de l’innovation, directement mondiale. Le leitmotiv des acteurs que nous avons rencontrés à l’étranger, en particulier dans la Silicon Valley, est de changer le monde – Change the World ! Jusqu’à l’inscription qui figure au dos des cartes de visite des professeurs de Stanford : Change Lives, Change Organisations, Change the World. Ce n’est pas une mince ambition !
L’économie numérique se nourrit de tous les dysfonctionnements de notre société en améliorant le service rendu aux utilisateurs. C’est ainsi que naissent aujourd’hui la plupart des grandes entreprises de ce secteur – cf. la société Uber et le conflit entre les chauffeurs de taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC). Ces entreprises, ayant pris conscience des dysfonctionnements existants, proposent un service dématérialisé – quasiment tout de suite à une échelle mondiale – qui est facilement adopté parce qu’il apporte réellement un service supplémentaire.
Le propos de Mme Erhel sur l’éducation mérite d’être martelé : il faut commencer au plus tôt l’apprentissage du numérique. Et comme l’éducation est un facteur à la fois d’intégration, de socialisation et de justice sociale, son propos vaut aussi pour les femmes, qui ne pourront qu’y gagner dans la société numérique d’aujourd’hui et de demain.
Selon une étude faite, pour le président Obama, par le secrétaire d’État à l’éducation, 65 % des métiers qu’exerceront les écoliers d’aujourd’hui ne sont pas encore inventés. Il y a donc des possibilités pour les femmes de se trouver sur un pied d’égalité par rapport aux hommes, et d’échapper à des schémas préétablis, avec des métiers réservés aux hommes et d’autres aux femmes.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Malheureusement, nous avons constaté une régression : il y a aujourd’hui moins de femmes ingénieurs et dans les carrières scientifiques qu’il n’y en avait dans les années soixante-dix. C’est ainsi que l’on ne compte que 1 % d’ingénieurs femmes dans le numérique.
Mme Laure de La Raudière. Lorsque j’étais étudiante, il y avait 5 à 10 % de femmes en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques.
Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est là où vous avez un rôle important à jouer. Dès la petite enfance et au cours de l’éducation, il faut dire aux filles que ces métiers leur sont accessibles et qu’elles peuvent y faire carrière. Et il faut insister sur ce point au moment de leur orientation.
Mme Laure de La Raudière. J’en viens à la question du filtrage d’internet, qui pose celle de l’équilibre entre la liberté et la protection des individus.
Pour y répondre, nous devons d’abord réfléchir à la place du juge dans la démocratie, à l’ère du numérique. En effet, toute disposition relevant d’une décision administrative et mettant en place un filtrage est nécessairement une atteinte aux libertés, quelle qu’en soit la raison. C’est ce qu’avait fait la majorité précédente, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ». Je m’étais d’ailleurs opposée à son article 4, alors même que la cible visée était la pédopornographie en ligne. Tant que l’on n’aura pas débattu de la place du juge, on ne pourra pas discuter de l’étape suivante, à savoir du filtrage administratif qu’il est possible d’autoriser.
L’article 1er de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel autorisait le blocage de certains sites sans intervention judiciaire. Il a été opportunément retiré. L’équilibre entre le pouvoir exécutif et la justice a été ainsi préservé. Mais il faut dire aussi qu’on n’a pas aujourd’hui le moyen de filtrer efficacement et de façon ciblée un site internet, à moins de faire du surfiltrage ou de procéder à des écoutes massives et approfondies.
Soit vous attentez aux libertés individuelles en mettant en place le deep packet inspection (DPI), qui permet à l’administration de tout écouter. Soit vous filtrez de façon très large et vous bloquez d’autres sites, en plus de celui que vous vouliez bloquer. La Commission des lois et la Délégation aux droits des femmes devraient engager sur ce sujet des discussions avec la Quadrature du Net, mais aussi avec d’autres personnes – opérateurs de télécoms, tous acteurs maîtrisant ces enjeux – pour asseoir une compétence technique avant de décider de ce que l’on inscrira dans la loi.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Il faut prévoir l’intervention du juge.
Mme Laure de La Raudière. Le juge ne sera pas forcément plus efficace, mais au moins nos piliers démocratiques seront-ils préservés.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Comment le juge fera-t-il appliquer ses décisions ?
Mme Laure de La Raudière. Aujourd’hui, on n’a pas de solution pour filtrer efficacement internet.
Mme Maud Olivier. Si l’on repère un site qui contrevient à ce que l’on souhaite, peut-on intervenir auprès des fournisseurs d’accès ?
Mme Laure de La Raudière. Soit le site est hébergé en France, auquel cas la loi française s’applique et on fait supprimer le site ; soit il est hébergé à l’étranger et si on filtre, on arrête le flux, soit on fait du surblocage et on ne filtre rien ou on utilise des technologies extrêmement intrusives dans la vie privée. Que la décision vienne du juge ou de l’administration, le résultat est le même. Mais au moins la décision de justice ne met-elle pas à mal les piliers de notre démocratie.
Il me semble par ailleurs important de rappeler que l’article 7 du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes aboutit à demander à des acteurs privés de signaler les abus et, finalement, d’apprécier ce qui est légal ou ne l’est pas. Je pense plus particulièrement à Dailymotion et aux vidéos qui constitueraient des atteintes à l’intégrité et à la dignité de la femme. De telles vidéos sont bien sûr horribles, mais j’observe que les acteurs privés feront le nettoyage qu’ils voudront, sans avoir pour autant une responsabilité d’éditeurs. Quand vous avez une responsabilité d’éditeur, vous êtes responsable du contenu que vous mettez en ligne. Quand vous avez une responsabilité d’hébergeur, vous ouvrez une plate-forme et tout le monde peut mettre en ligne ce qu’il veut. Voilà pourquoi je ne suis pas très favorable à ce que l’on demande aux acteurs privés qui font uniquement de l’hébergement de faire le tri entre ce qui serait ou non regardable au regard de la loi.
Mme Corinne Erhel. Il faut impérativement disposer d’un corpus de règles. La question se pose de façon récurrente, quel que soit le sujet…
Mme Laure de La Raudière. … et quelle que soit la majorité.
Mme Corinne Erhel. La commission sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, que l’Assemblée nationale vient de mettre en place, pourra traiter de cet aspect – et donc des problèmes liés au surblocage, au développement des pratiques d’anonymisation qui sont potentiellement dangereuses pour la démocratie, etc. Il faut tout remettre à plat et adopter une position claire et compréhensible. Et il faut, entre autres, replacer le juge au centre de la décision. Il en va, selon moi, de l’équilibre de la démocratie.
Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est le rôle de la Délégation d’examiner toutes les questions à travers le prisme de l’égalité femmes-hommes. En l’occurrence, votre rapport est l’occasion de nous interroger sur la place des femmes dans la société numérique.
Je voudrais avoir votre sentiment sur le point suivant. Certains couples se filment dans leur intimité. Quand ils se séparent, il arrive que l’un des deux mette en ligne ce qui a pu être filmé pour s’en servir contre l’autre. Cela a donné lieu à un procès, le premier de ce genre dans notre pays. La question posée est celle de la protection de la vie privée à l’ère d’internet.
Mme Corinne Erhel. Avant le développement d’internet, les couples pouvaient faire des photos et les distribuer. Seul le mode de diffusion a changé.
Mme la présidente Catherine Coutelle. On peut maîtriser les photos, mais pas internet.
Mme Laure de La Raudière. Pour se protéger, des lois existent. Le problème n’est pas tant que la justice soit rendue, mais le fait qu’une foule de gens soient mis au courant, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le dommage est bien plus important.
Mme Marie-Noëlle Battistel. La rapidité et l’étendue de la diffusion démultiplient la nuisance causée.
Mme Laure de La Raudière. Le corpus législatif existe pour protéger la personne. Dans ces conditions, ce n’est peut-être pas la loi qu’il faudrait modifier, mais le niveau de la sanction.
Mme Maud Olivier. Dans les pays « totalitaires », comment est géré internet ?
Mme Laure de La Raudière. Tout est contrôlé, les mails sont lus.
Mme Maud Olivier. Dans les pays d’Europe, peut-on faire la même chose, par exemple pour lutter contre la pédopornographie ?
Mme Laure de La Raudière. Non. Le décret d’application de l’article 4 de la LOPPSI, qui concernait le filtrage n’a pas été pris. Il n’y a pas, et heureusement, de surveillance de l’État sur internet.
Mme Maud Olivier. Et pour lutter contre le terrorisme ?
Mme Laure de La Raudière. Depuis 1991, les écoutes sont autorisées dans un cadre bien précis : les atteintes à la sécurité de l’État, la criminalité en bande organisée ….
Mme Maud Olivier. Uniquement des écoutes ?
Mme Laure de La Raudière. L’article 20 de la dernière loi de programmation militaire (LPM) permet d’aller plus loin que les écoutes et les fadettes et de surveiller les mails, les échanges de données et tout document transmis. Le champ du contrôle est très large.
Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est un contrôle administratif.
Mme Laure de La Raudière. Du point de vue des libertés individuelles, il faudrait certainement encadrer l’article 20 de la LPM, afin de sérier les problèmes. En effet, on ne doit pas mettre dans un même panier les actes de terrorisme et les atteintes aux intérêts économiques de l’État.
Mme la présidente Catherine Coutelle. La question du télétravail revient de manière assez récurrente quand on parle de l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Est-ce une solution pour les femmes ? Personnellement, j’ai toujours été très réservée, même si je reconnais que cela peut faciliter la vie de certaines femmes cadres. Avez-vous abordé le sujet ? Avez-vous constaté son développement ? Des expériences ont été conduites ? Comment évolue cette réflexion ?
Mme Corinne Erhel. Le télétravail peut être un très bon moyen de concilier vie professionnelle et vie privée, mais il peut aussi aboutir à l’isolement du salarié concerné. Or on a remarqué que le fait d’aménager les bureaux en open space, de travailler ensemble, en réseau, de se retrouver autour d’un café ou d’un repas sont des éléments importants dans la conduite d’un projet professionnel. C’est même fondamental dans le monde de l’économie numérique, où on ne travaille pas seul – c’est même contraire à l’esprit start-up. Où que l’on se trouve, le développement d’applications et de services se fait toujours en co-working.
Par ailleurs, le développement du télétravail – que nous n’avons pas étudié de façon précise – pose la question de l’égalité d’accès à la technologie numérique et de l’égalité des territoires. Vous pouvez avoir besoin, par exemple, de télécharger des documents importants, de faire de la vidéo ; or ce n’est pas possible partout de la même façon. L’enjeu est d’avoir la couverture la plus complète possible en très haut débit. Mais le chantier est en cours.
D’un point de vue plus sociétal et économique, le télétravail peut donc être intéressant, à condition de faire en sorte que le salarié ne s’isole pas et continue à progresser dans ses compétences professionnelles. Aujourd’hui, il faut se renouveler de plus en plus vite et de plus en plus rapidement, et travailler en équipe pour pouvoir échanger et profiter de regards extérieurs. D’où la nécessité de prévoir des espaces de travail en commun.
Enfin, je crois savoir que dans le télétravail, il y a une très forte proportion de femmes. Il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces éléments.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Des expériences, qui concernaient surtout les métiers du secrétariat, ont été menées. Or, à la longue, les secrétaires ont demandé à être groupées, pour éviter l’isolement dont vous parlez. Je constate, pour ma part, que les pôles d’appel se multiplient dans le monde médical. Une seule personne, qui travaille probablement chez elle, vous fixe des rendez-vous à partir de l’agenda de plusieurs médecins. Les risques qui se profilent sont ceux que vous dénonciez : l’isolement, puisque l’on n’est plus en contact avec le public, et le fait qu’on ne se renouvelle pas sur le plan professionnel.
Par ailleurs, au cours de vos pérégrinations, avez-vous l’occasion de vous intéresser à la Silver Economy ? Les métiers tournent principalement autour des services, et les aidants – et surtout les aidantes – y sont nombreux.
Mme Corinne Erhel. Deux domaines sont actuellement en pleine mutation : la santé et l’éducation. Parmi les enjeux de la Silver Economy, il y a le maintien à domicile et la possibilité de suivre les patients à distance. Le développement de la « e-santé » permettra un suivi en temps réel, ce qui est appréciable quand les patients n’ont pas, en raison de leur localisation, d’accès direct à un médecin. Mais cela ne veut évidemment pas dire que la e-santé palliera les inconvénients des déserts médicaux. Tout est question d’équilibre. Le contact avec le personnel médical restera important.
Sur le plan technologique, les expériences se multiplient – bracelets connectés, suivi de telle ou telle pathologie, Big data. Là encore, il faudra trouver un équilibre entre la protection des données personnelles qui est très importante, notamment en Europe et en France, et le développement de l’innovation. Le traitement des données médicales ne peut se faire que de manière brute et anonymisée. Mais l’exploitation du Big data – la production de données de masse – en matière de santé, peut s’avérer très bénéfique, notamment dans le domaine de la prévention.
Il faut bien voir que dans le numérique entendu au sens large, l’innovation est très importante. La bataille mondiale se joue sur les conditions d’accueil et de développement des start ups, etc., et sur le potentiel d’innovation. Si l’Europe ratait les marches du développement de l’innovation, elle risquerait de prendre du retard. Ce serait d’autant plus regrettable que la France a probablement les ingénieurs les meilleurs et les plus créatifs. Mais j’en reviens à la Silver Economy : c’est effectivement un chantier très important, qui permettra aux personnes de rester chez elles.
Un autre domaine est en pleine mutation : celui de l’éducation. Pour que l’on puisse se mouvoir dans le monde et le comprendre, pour ne pas être un simple consommateur du numérique et savoir sur quels points il faut être vigilant, nous préconisons l’apprentissage du codage dès le plus jeune âge. Beaucoup de pays le font : en Asie, la Corée du Sud ; en Europe, l’Estonie, et l’Angleterre va commencer à le faire ; aux États-Unis, où le président Obama veut faire de la programmation informatique une priorité pour les jeunes générations.
L’école est un lieu absolument central pour l’utilisation des technologies. Elle permettra d’atténuer les différences entre les enfants dont les parents utilisent déjà certaines technologies, et les autres. Mais en même temps, sous l’influence du numérique, elle sera amenée à modifier sa façon d’enseigner. La France conserve un enseignement vertical, où l’enseignant dispose du savoir et où les élèves écoutent. Le numérique incitera les élèves à questionner davantage l’enseignant.
Je passe sur le collège et le lycée, pour en venir aux MOOC (massive open online course), c'est-à-dire l’enseignement universitaire en ligne, qui permet un accès universel à certaines questions et formations. La France développe plusieurs enseignements de ce type.
Il ne faut pas oublier non plus que le numérique est en grande partie fondé sur l’économie de la donnée. La valeur se situe dans la donnée que produit telle ou telle organisation ou telle ou telle entreprise. Nous-mêmes nous produisons des données qui ont une valeur. Il faut donc apprendre à la fois à protéger ses propres données – nous avons des expertises européennes à faire valoir – tout en s’inscrivant dans une dynamique mondiale.
Selon moi, le numérique est un fait inéluctable, qui transforme la société. Nous devons nous y adapter et anticiper son développement. Tout comme la formation initiale, la formation professionnelle va devenir cruciale, dans la mesure où elle permet l’adaptation des compétences. Je pense tout particulièrement aux femmes, qui sont nombreuses à occuper des fonctions d’intermédiation. Il faut réfléchir dès maintenant à l’évolution de ces fonctions, au type de métiers vers lequel on orientera les intéressés et à la façon dont on les formera, pour ne pas laisser en difficulté tout un pan de notre société.
Mme Virginie Duby-Muller. Au départ, j’ai cru que la Délégation auditionnait Mme Corinne Erhel et Mme Laure de La Raudière parce qu’il s’agissait de deux femmes qui produisaient depuis plusieurs années des rapports dans un domaine technique, ce qui n’est pas si fréquent.
J’observe toutefois qu’il y a de nombreuses femmes qui s’illustrent dans le numérique : Mme Sheryl Sandberg est la numéro 2 de Facebook, et Marissa Mayer la PDG de Yahoo. Il semble même que les femmes qui sont compétentes dans ce domaine puissent accéder plus facilement à un certain niveau qu’il y a une dizaine d’années.
Mme Sheryl Sandberg a écrit un livre « En avant toutes » où elle explique comment concilier vie professionnelle et vie de femme. Certains ont critiqué son livre, faisant remarquer qu’il était facile de tout mener de front lorsque l’on a suffisamment d’argent pour employer une nourrice. Quoi qu’il en soit, je trouve que le numérique très intéressant et je tiens à souligner le fait que deux femmes à l’Assemblée nationale soient des expertes reconnues depuis plusieurs années dans ce domaine.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce n’était pas la raison de cette audition, mais votre réaction prouve que tout sujet peut être regardé à travers le prisme de l’égalité femmes-hommes. Cela étant, j’aurais besoin d’une précision : qu’entend-on par « apprendre à coder » ? Je me souviens que dans les années quatre-vingts, on avait voulu, dans toutes les écoles, apprendre aux enseignants à programmer sur des ordinateurs déjà un peu dépassés, les TO7. L’expérience fut un échec. Pourquoi fallait-il que nous sachions comment fonctionne un TO7 ? De la même façon, on peut conduire une voiture sans savoir comment elle fonctionne. D’où ma question : est-il nécessaire de savoir coder ?
Mme Corinne Erhel. Apprendre à coder, c’est apprendre un langage. On peut le faire par le jeu. Mais je reconnais que tout le monde n’est pas d’accord avec nous. Les propositions que nous faisons sont partagées par un certain nombre de personnes, mais d’autres estiment que le numérique doit être beaucoup plus transversal et qu’il n’est pas besoin d’apprendre à coder.
Plusieurs organismes enseignent le codage. Mais si on veut que l’éducation nationale assure un tel enseignement, la question de la formation des enseignants, et celle du nombre d’enseignants ou d’intervenants extérieurs capables de l’assurer, vont se poser. Le codage peut être enseigné hors du temps scolaire. Mais cela signifierait qu’il serait optionnel. Si l’on veut que tous les enfants puissent accéder à cet enseignement, il faut l’intégrer au temps scolaire.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie.
Audition, sous forme de table ronde, de représentant-e-s de la Croix-Rouge, du Secours catholique et de la Fondation Abbé Pierre, sur les femmes et la précarité énergétique
Compte rendu de l’audition du mercredi 10 septembre 2014
Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes cher-e-s collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique arrivera début octobre en première lecture dans l’Hémicycle. Notre Délégation, sur la proposition de notre collègue Barbara Romagnan, va se pencher sur le sujet de la précarité énergétique en termes de genre. Les femmes risquent en effet d’être surreprésentées face à cette problématique, 80 % des familles monoparentales ayant pour chef de famille une femme. Et comme l’ont montré l’INSEE et le Secours Catholique notamment, la pauvreté se décline au féminin.
Les données chiffrées faisant défaut, nous souhaitons vous entendre, madame, messieurs, pour savoir si vous pouvez quantifier ce phénomène et, ainsi, nous permettre de vérifier cette hypothèse. Les statistiques sexuées sont en effet un facteur indispensable pour adapter les politiques publiques. Comme le savent les élus locaux, les centres communaux d’action sociale (CCAS) sont submergés de demandes relatives au règlement de factures d’énergie.
Mme Barbara Romagnan. Nous souhaitons vous auditionner car nous manquons de chiffres sur lesquels nous pourrions nous appuyer. Or un faisceau d’indicateurs laisse penser qu’il y a bien un sujet femmes, puisque celles-ci sont surreprésentées au sein des familles monoparentales et des personnes seules vivant en milieu rural. Notre intuition selon laquelle les femmes sont particulièrement touchées par la précarité énergétique est donc très certainement fondée.
La précarité énergétique touche 8 millions de personnes. L’amélioration de leur confort et la baisse de leurs charges constituent un enjeu majeur. Cet axe est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans le cadre de nos obligations en matière de lutte contre les gaz à effet de serre.
Nous sommes particulièrement intéressés par vos propositions d’amendements au projet de loi relatif à la transition énergétique en vue de diminuer la précarité énergétique des personnes pauvres, en particulier des femmes. On sait en effet que le taux de pauvreté des femmes est supérieur à celui des hommes.
À défaut de statistiques sur ce sujet précis, vous pouvez nous faire part de votre expérience et de votre ressenti. Le fait, par exemple, que les Restos du Cœur ou les banques alimentaires nous disent voir de plus en plus de jeunes, en plus des personnes âgées, constitue une indication très importante pour nous.
M. François Boulot, chargé de mission sur la précarité énergétique au Secours Catholique. Chaque année, le Secours Catholique reçoit et accompagne 1,4 à 1,5 million de personnes. Il faut noter que 90 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté et que les deux tiers – soit 1 million – vit sous le seuil de grande pauvreté, fixé à 40 % du revenu médian. L’INSEE estime entre 2 et 2,5 millions le nombre de personnes en grande pauvreté, ce qui signifie que le Secours Catholique accueille pratiquement la moitié d’entre elles en France.
Mon propos concernera donc les plus pauvres, ceux qui sont d’ores et déjà en grande difficulté, et pas seulement pour se chauffer.
Le Secours Catholique a accueilli, en 2012, près de 600 000 ménages dont le revenu moyen est de 786 euros mensuel – 497 euros par unité de consommation. Une facture de chauffage s’élève en moyenne à 100 euros par mois : ce coût pèse très lourd dans le budget de ces familles.
Nous observons une surreprésentation des familles monoparentales, qui représentent 31 % des personnes accueillies, alors que ce type de famille ne représente que 8 % des familles en France. En outre, 52 % des enfants accueillis vivent dans une famille monoparentale. Enfin, 60 % des familles que nous aidons ont des dettes, 40 % des dettes d’énergie, et un montant médian d’impayés de 800 euros.
Le Secours Catholique complète les aides publiques. Entre 2012 et 2013, le budget qu’il a consacré à l’aide au paiement de factures d’énergie a augmenté de 23 % – il avait déjà doublé ces dix dernières années. Et je ne parle pas des personnes qui se privent de chauffage, pour lesquelles nous ne disposons pas de chiffres.
Pour les familles monoparentales, les aides ont quasiment doublé entre 2009 et 2013, contre une augmentation de 10 % à 20 % pour l’ensemble des familles. Les familles monoparentales sont donc cruellement frappées par la précarité énergétique depuis quatre ans.
Pour cette population, le problème est avant tout celui des ressources. Il est aggravé par la mauvaise isolation thermique des logements. S’ajoute pour ces personnes la difficulté à payer leurs factures, d’autant que les avances sur consommation peuvent aboutir à des régularisations importantes, de l’ordre de 1 000 euros en fin d’année, ce qu’elles ne peuvent assumer. D’où l’importance des dettes, en particulier de chauffage.
Les aides publiques ne suffisent pas. Les tarifs sociaux pour l’électricité et le gaz représentent une dizaine d’euros par mois. Les aides FSL (fonds de solidarité pour le logement) ont le mérite d’exister, mais on observe de fortes disparités entre départements, avec une somme qui peut varier de 1 à 4. Certains départements sont donc nettement moins généreux que d’autres, si bien que les aides ne sont pas adaptées aux besoins.
Le problème majeur étant celui des ressources, nous préconisons une augmentation des aides au paiement du chauffage. Dans la mesure où ces personnes touchent déjà des aides au logement, qui couvrent en moyenne 40 % à 50 % de leur loyer, il apparaît naturel de les aider à se chauffer. Ce qui a été fait pour les tarifs sociaux de l’électricité, avec la contribution de l’ensemble des clients, me paraît une bonne chose. Actuellement, le tarif social de l’électricité pèse 2 pour mille sur la facture, à comparer aux 10 % de soutien aux autres énergies. Nous proposons donc de faire passer l’aide aux plus pauvres de 2 pour mille à 1 pour cent, ce qui résoudrait en grande partie leurs difficultés à se chauffer.
Mme Carole Crétin, directrice de l’action sociale de La Croix-Rouge. La Croix-Rouge reçoit 6 millions de personnes par an dans l’ensemble de ses structures qui proposent des aides alimentaires, vestimentaires, sociales. Ce chiffre est en augmentation – de 10 % à 30 % selon les territoires. Nous voyons de plus en plus de travailleurs pauvres, ainsi que des familles monoparentales avec une femme à leur tête dans 99 % des cas. Nous accueillons également, et c’est une grande préoccupation pour nous, un nombre croissant de personnes retraitées en très grande précarité, en particulier des femmes isolées.
Nous voyons donc deux types de retraités : les retraités en couple, dont les ressources sont très faibles, et surtout des femmes âgées ou très âgées, en perte d’autonomie, dans l’incapacité de se faire aider malgré les aides sociales existantes, et qui ne peuvent être accueillies dans des établissements d’hébergement. Elles se trouvent ainsi dans un entre-deux très problématique, avec un niveau de ressources ne leur permettant pas d’améliorer leur habitation et dans l’impossibilité de bénéficier d’une prise en charge dans des structures collectives. Ce phénomène est observé aussi bien en milieu rural, qu’en milieu suburbain où les habitats sont très dégradés.
Nous partageons le discours du Secours Catholique sur les aides et la solvabilisation des ménages. Il faut une aide au chauffage comme il existe une aide au logement.
Nous distribuons actuellement à nos populations 1 million d’euros en chèques personnalisés, aides ponctuelles qui servent à régler les factures, et cela sur fonds propres.
Lorsque les personnes décident de réduire leurs dépenses, parce que leurs ressources ne leur permettent pas de subvenir à leurs besoins essentiels, elles choisissent d’arrêter d’abord le chauffage – elles le réduisent, ne chauffent plus qu’une pièce, etc. Elles réduisent ensuite leur consommation d’eau et leurs achats alimentaires. Je ne parle même pas des soins, auxquels elles renoncent, si bien qu’elles se retrouvent aux urgences en cas de problème de santé.
Je tiens ici à souligner la problématique de la mobilité pour les travailleurs pauvres. L’entretien de leur véhicule et l’essence représentent des sommes importantes pour leurs petits budgets.
Nous réalisons actuellement une étude pour la Caisse des dépôts sur l’habitat indigne et la rénovation des habitats précaires. Nous vous ferons donc très vite des propositions concrètes. En la matière, notre pays n’est pas à la hauteur des besoins, puisqu’il octroie 16 000 aides à la rénovation énergétique, alors qu’il en faudrait 1 million. En outre, le reste à charge est trop important – de 4 000 à 5 000 euros –, si bien que les populations concernées ne peuvent engager les travaux, dont le coût moyen est de 15 000 euros. Par conséquent, il faut trouver des mécanismes de soutien pour une couverture à 100 %.
J’ajoute qu’il est très difficile, pour effectuer ces travaux, de trouver des artisans, qui considèrent les ménages insolvables. Aussi plaidons-nous pour un programme public de rénovation énergétique, qui intègre les artisans, ce qui permettrait au passage de relancer l’emploi.
M. Bertrand Lapostolet, responsable de programme à la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés. Nous partageons ces constats.
La Fondation Abbé Pierre intervient assez peu en aide financière directe auprès des ménages, elle s’inscrit plutôt dans une logique de soutien au secteur associatif. Nous consacrons néanmoins 7 à 8 millions d’euros par an – soit un tiers de notre budget – au secteur logement pour lutter contre l’habitat indigne, aider les propriétaires occupants à financer un programme de travaux visant à sortir de l’insalubrité et de la précarité énergétique, produire du logement d’insertion suffisamment économe au regard du reste à vivre des ménages. Ces actions sont financées sur nos fonds propres.
Comme vous l’avez souligné, madame la présidente, il est difficile de faire exister un sujet lorsque les chiffres manquent. S’agissant de la précarité énergétique, non seulement les statistiques publiques sont insuffisantes en termes de types de ménages et de problématiques, mais les statistiques commencent à dater, les dernières étant issues des enquêtes logement et budget de famille 2006. C’est un vrai problème en termes d’éclairage des politiques publiques, sachant que la situation économique des ménages précaires s’est aggravée depuis et que les tarifs des énergies ont augmenté.
En 2006, 4 millions de ménages étaient déjà en situation de précarité énergétique ; aujourd’hui, on ne sait donc pas dire combien ils sont. Par contre, selon les nouvelles enquêtes 2011-2012 et les approches utilisées – part du budget consacrée à l’énergie dans le logement, sensation de froid déclarée, privation déclarée par les ménages –, on peut estimer que 17 % à 24 % des ménages français sont touchés – ce qui est énorme. Nous savons par ailleurs qu’en 2012, la facture moyenne des Français pour chauffer leur logement s’est alourdie de 200 euros, pour s’établir à 1 600 euros par an. Ce faisceau d’indicateurs nous fait dire qu’il est impératif de muscler la loi de transition énergétique.
La Fondation Abbé Pierre a commencé à travailler sur le thème de la précarité énergétique en 2005. À l’époque, nous n’appréhendions pas l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que la précarité énergétique touche un grand nombre de ménages et que, si rien ne change, une autre part importante des ménages français risque d’être concernée du fait de l’augmentation des tarifs de l’énergie.
Au demeurant, l’évolution des dépenses contraintes liées au logement – factures d’eau, d’énergie, assurance, etc. – est très éclairante. En effet, les enquêtes budget de famille de l’INSEE montrent que les dépenses contraintes représentaient, en 1979, 20 % à 25 % du budget des ménages – quel que soit leur revenu –, mais qu’elles sont passées, en 2006, à 48 % pour les ménages pauvres, à 46 % pour les ménages modestes et même à 40 % pour les classes moyennes inférieures.
Une fois payées ces charges obligatoires, le reste pour vivre de la population pauvre – même bénéficiaire des tarifs sociaux – est en moyenne de cinq euros par jour et par personne aujourd’hui. L’équation devient impossible quand il faut encore financer l’alimentation, les soins, les transports.
Ainsi, en plus des personnes victimes d’exclusion, nous identifions une nouvelle population touchée par la précarité énergétique : les propriétaires occupants âgés, plutôt en milieu rural, au sein desquels les femmes sont surreprésentées. Dans le cadre de nos aides à l’amélioration de l’habitat, nous voyons beaucoup de femmes âgées, seules, qui vivent dans de grandes maisons en très mauvais état.
Quand je reprends l’enquête nationale logement 2006 – puisqu’on ne dispose d’aucune approche en termes de genre –, en regardant les différentes catégories à travers le premier quartile et le deuxième quartile de revenus, j’en déduis que les familles monoparentales et les ménages âgés en milieu rural représentent 60 % des ménages en précarité énergétique. Or dans ces catégories, on le sait, les femmes sont surreprésentées. Voilà le chiffre que je trouve sur la base des données disponibles.
Faut-il des mesures spécifiques pour les femmes ? Je ne le pense pas. Par contre, des mesures spécifiques de lutte contre la précarité énergétique, qui touche particulièrement les femmes, s’avèrent nécessaires. Nous allons présenter aux membres de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la transition énergétique nos propositions d’amendements, que nous pourrons vous faire parvenir. J’approuve bien entendu les propositions des acteurs de terrain qui se sont exprimés avant moi.
Selon nous, le projet de loi de transition énergétique manque d’ambition au regard de la problématique de la précarité énergétique. Si l’exposé des motifs est assez fourni, le texte en lui-même comporte un seul article à ce sujet – l’article 60 sur le chèque énergie, dans un titre fourre-tout. Certes, il faut renforcer la solidarité – nous parlons, nous, de « bouclier énergétique » –, mais les mesures proposées sont insuffisantes.
Comme l’explique François Boulot, 10 euros par mois sont insuffisants pour les ménages en précarité énergétique qui se chauffent en grande majorité au fioul, au bois ou au propane, énergies chères pour lesquelles on doit payer d’avance, sans aucune aide tarifaire.
L’exposé des motifs prévoit que toutes les énergies de chauffage sont concernées, mais aussi de répartir la somme affectée aux tarifs sociaux – déjà largement insuffisante – entre tous les bénéficiaires, ce qui représentera une cible non plus de 1 million, mais de 4 millions de bénéficiaires.
Pour nous, le financement du chèque énergie doit être clairement identifié, car il faut non seulement aider plus de ménages, mais aussi les aider mieux. En effet, les tarifs sociaux, en faisant passer le taux d’effort énergétique de 12,8 % à 12,6 %, ne font pas sortir les ménages de la précarité énergétique, définie comme un taux d’effort supérieur à 10 % de leurs revenus. Aussi les 200 à 300 millions d’euros qui servent aujourd’hui à financer les tarifs sociaux sont-ils largement insuffisants, a fortiori si la cible est multipliée par quatre.
Nous proposons de conjuguer solidarité entre usagers et solidarité nationale. D’une part, en faisant contribuer toutes les énergies – et en se posant, au passage, la question de l’augmentation de la part de solidarité sur une facture électrique. D’autre part, en fléchant la compensation de la contribution climat énergie vers le chèque énergie.
Au-delà du chèque énergie, il est impératif d’agir sur les causes de la précarité énergétique, lesquelles sont les situations précaires bien sûr – pour lesquelles la solidarité permet aux gens de payer leurs factures –, mais également le mauvais état thermique des logements. Or la loi de programmation ne contient aucun objectif quantifié pour les logements à ce sujet.
Par conséquent, nous demandons que la loi chiffre précisément l’objectif, tel qu’il est indiqué dans l’exposé des motifs et qu’il a été fixé par la conférence environnementale, à savoir 500 000 rénovations thermiques annuelles d’ici à 2017 – mais au moins jusqu’à 2025 pour se débarrasser des passoires thermiques. Nous demandons en outre que la loi, sur la base des conclusions du débat national consacré à la transition énergétique, priorise les logements occupés par des ménages modestes et précaires, soit 200 000 par an dans le secteur privé et 130 000 par an dans le parc social. Car si le parc social monte en gamme, le parc privé n’est est qu’à 43 000 rénovations cette année dans le cadre du programme « Habiter mieux ».
Parallèlement à l’intervention sur le bâti, pour les propriétaires occupants comme pour les bailleurs, il faut encadrer la location des logements. Il n’est plus tolérable que l’on puisse encore aujourd’hui louer une passoire thermique ! Aussi demandons-nous l’évolution des textes fixant les normes de décence et de salubrité des logements par l’introduction d’un minimum de critères de performance thermique.
Mme Édith Gueugneau. Merci de vos exposés.
Le chantier est immense. Dans les années soixante, époque où le fioul n’était pas cher, les logements ont été construits sans contraintes thermiques. Aujourd’hui, le programme « Habiter mieux », initié par le gouvernement, a donné une impulsion aux territoires. Nul doute qu’elle va porter ses fruits. En tant que maire et ancienne présidente d’une communauté de communes, je peux vous dire que les collectivités ont joué le jeu en s’engageant dans un travail d’accompagnement. La réhabilitation des logements est une absolue nécessité. Certes, les aides sont indispensables, mais l’État ne pourra pas tout.
Cette impulsion est d’autant plus nécessaire que beaucoup de propriétaires, notamment en milieu rural, n’ont pas les moyens d’engager des travaux de rénovation. On sait aussi que les femmes qui vivent seules avec leurs enfants ont bien souvent des temps partiels et des ressources très faibles. S’ajoute la problématique de la mobilité des travailleurs pauvres, qui n’ont plus les moyens de payer le transport pour aller travailler.
Avez-vous évalué les conséquences des coupures de chauffage sur la santé des familles ?
Menez-vous des actions dans les collectivités pour porter votre message ?
Enfin, savez-vous si la proportion des femmes isolées confrontées à la précarité est plus importante en milieu rural qu’en milieu urbain ?
M. Christophe Premat. Merci de vos exposés.
La paupérisation des femmes en milieu rural et le décrochage d’une partie de la population constituent des phénomènes très inquiétants. Nous sommes à un moment législatif clé puisque quelques-uns d’entre nous militent pour le maintien des conseils généraux dans le cadre de la réforme territoriale et qu’une commission d’enquête examine actuellement les difficultés du monde associatif. J’en profite pour vous remercier, madame la présidente, pour les amendements que vous avez portés hier en séance publique.
Une proposition de loi sur le droit à l’eau a été déposée. Pensez-vous que l’on puisse s’inspirer de cette proposition de loi au sujet de la précarité énergétique ?
Mme Marie-Hélène Fabre. Les tarifs sociaux ne concernent que l’électricité et le gaz. Le chèque énergie permettra de prendre en charge d’autres sources d’énergie.
Que pensez-vous d’un chèque énergie vertueux, qui mobilise toutes les familles au regard de la rareté grandissante des énergies ?
Mme Maud Olivier. La mobilité représente un coût important pour les femmes qui exercent des emplois de service pour le compte de plusieurs employeurs. Avez-vous des propositions pour qu’elles puissent être davantage aidées tout en bénéficiant d’un transport propre ?
Mme Barbara Romagnan. L’objectif de 200 000 logements à rénover, rappelé par Bertrand Lapostolet, est fixé sur une base 2006 pour un horizon à trente ou trente-cinq ans.
Je précise que les amendements sur le projet de loi devront être déposés avant le 19 septembre. N’hésitez pas à nous faire très rapidement des propositions !
Mme Carole Crétin. Nous sommes favorables au principe d’un chèque énergie vertueux. C’est d’ailleurs le modèle que nous mettons en place dans les épiceries sociales. La Croix-Rouge et EDF développent des actions communes de lutte contre la précarité ; nous pourrons ainsi fournir aux personnes en difficulté des informations sur les aides existantes permettant de réduire leurs factures d’énergie. Le chèque énergie doit d’ailleurs être transversal en aidant à la mobilité, en particulier des travailleurs pauvres.
Nous pensons également que le modèle de la proposition de loi sur le droit à l’eau doit inspirer les dispositifs pour l’accès aux énergies.
Enfin, nous pensons que l’interdiction des coupures d’électricité ne doit pas intervenir uniquement pendant la trêve hivernale, en particulier pour les populations âgées, qui ont froid toute l’année et dont on sait que les ressources ne vont pas augmenter.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Selon les industriels de l’énergie, les coupures interviennent en dernier recours, après la recherche de toutes les solutions possibles.
M. François Boulot. Il y a encore beaucoup de coupures car des gens ne se manifestent pas. Par contre, si les personnes prennent contact avec les énergéticiens ou les associations, une solution peut être trouvée.
Certes, des décrets publiés il y a trois ou quatre ans prévoient d’aller au-devant des gens qui ne se manifestent pas : les énergéticiens peuvent ainsi fournir aux services sociaux les noms des personnes susceptibles de subir une coupure, lesquels pourront alors prendre contact avec elles pour les informer des aides existantes. Mais cela ne fonctionne pas.
M. Bertrand Lapostolet. Il y a des gens qui ne réagissent pas, qui sont dans le non-recours. Ils ont droit à des aides, mais n’en font pas la demande.
Mme Carole Crétin. Surtout cette population-là !
M. Bertrand Lapostolet. Et quand des sous-traitants d’ERDF viennent procéder aux coupures, il n’est plus question de traitement individualisé. Les personnes concernées sont dans une situation extrême, souvent très compliquée et humainement désastreuse.
M. François Boulot. Il sera encore plus facile de couper l’électricité avec les compteurs Linky !
Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous manquons de données sexuées. Je suppose que vous les notez lorsque vous aidez les personnes. C’est d’ailleurs grâce à cela que le Secours Catholique a publié l’étude intitulée « La pauvreté au féminin ».
M. Bertrand Lapostolet. La Fondation Abbé Pierre a financé la première étude de santé en France sur les conséquences sanitaires de la privation de chauffage. Nous vous ferons parvenir les résultats.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, madame, messieurs, pour cette audition fort intéressante.
Audition de M. Bruno Maresca, responsable du département de l’évaluation des politiques publiques du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), et de Mme Isolde Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), sur les femmes et la précarité énergétique
Compte rendu de l’audition du mardi 16 septembre 2014
Mme la présidente Catherine Coutelle. Notre Délégation a souhaité se pencher sur le sujet de la précarité énergétique chez les femmes, passé sous silence dans l’étude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Selon une note que vous nous avez communiquée, madame Devalière, il s’agit d’« étudier la population pauvre et modeste qui, pour atteindre un niveau de confort convenable, doit avoir des dépenses d’énergie qui la font basculer sous le seuil de pauvreté (60 % des revenus médians) ». Cette approche, autre que celle des 10 % de taux d’effort énergétique, nous semble intéressante.
Nous souhaitons donc connaître votre approche sur le sujet, ainsi que vos propositions visant à améliorer la situation des ménages pauvres et donc des femmes pauvres, propositions dont nous pourrons nous inspirer pour amender le projet de loi.
Mme Isolde Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Je suis chargée du pilotage scientifique de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), avec Bruno Maresca et d’autres experts.
La précarité énergétique est un sujet complexe car multiforme. En effet, elle concerne des ménages qui surconsomment, c’est-à-dire dont les dépenses d’énergie sont très élevées pour chauffer un logement défaillant, parce que celui-ci est soit mal isolé, soit doté d’un équipement de chauffage peu performant et/ou mal utilisé. Mais elle concerne également des ménages qui sous-consomment, c’est-à-dire qui se restreignent. Ce phénomène de restriction est très important, notamment chez les femmes.
L’indicateur officiel, le taux d’effort énergétique (TEE) – bien que simple et utilisé par de nombreuses collectivités – nous a semblé insuffisant. L’ONPE a alors construit l’indicateur « bas revenus dépenses élevées » (BRDE) et un troisième indicateur « froid » concernant les ménages qui déclarent avoir eu froid au cours de l’hiver précédent pendant au moins quarante-huit heures.
L’intérêt de ce second indicateur est qu’il est assez significatif de l’inconfort ressenti par les ménages et qu’il tient compte des phénomènes de restriction, ce que le taux d’effort énergétique ne fait qu’imparfaitement. Il a une limite dans le sens où il est déclaratif, donc plutôt subjectif. Néanmoins, depuis l’enquête « Performance de l’habitat, équipements, besoins et usages de l’énergie » (Phébus) réalisée en 2013, sur laquelle j’ai travaillé, il peut désormais être étayé car nous avons des données sur la qualité thermique du logement, notamment l’étiquette énergie.
J’ai donc précisément travaillé sur la question des ménages qui ont froid. C’est ainsi que 21 % des Français ont déclaré avoir eu froid dans leur logement au cours de l’hiver précédant l’enquête, et ce pour différentes raisons.
La première s’explique par leurs faibles ressources, puisque 45 % des « frileux » ont des revenus inférieurs à 12 000 euros par an, alors que cette tranche de revenus ne représente que 35 % des Français. La deuxième raison tient à l’inconfort de leur logement, doté d’une mauvaise isolation pour 31 % d’entre eux et d’une installation de chauffage insuffisante. Il faut savoir que 71 % des logements occupés par ces ménages déclarant avoir souffert du froid sont étiquetés E, F et G, contre 62 % du parc français.
La troisième raison invoquée concerne la difficulté à régler les températures intérieures, difficulté technique assez complexe. En effet, la plupart de ces personnes ne contrôle ni ne maîtrise la température, soit parce qu’il s’agit d’un chauffage collectif, soit parce que le chauffage est défaillant. Ces personnes n’ont donc pas la possibilité d’adapter la température à leurs besoins, ce qui pose un réel problème, en particulier pour les personnes âgées dont le besoin en confort thermique est plus élevé que la moyenne des Français. Une quatrième raison est liée au comportement de restriction, 11 % des ménages déclarant limiter leur consommation de chauffage pour des considérations financières.
Dans ce contexte, les femmes sont-elles davantage touchées par la précarité énergétique ? Un certain nombre d’hypothèses tendent à prouver qu’il s’agit là d’une réalité.
En effet, les femmes sont plus vulnérables à cause de leurs faibles ressources. On sait que 47 % d’entre elles font partie du premier quartile – c’est-à-dire des 25 % de ménages les plus pauvres –, ce qui constitue un motif de surexposition au risque d’avoir froid. Parmi elles, 53 % sont demandeurs d’emploi. Ces femmes sont fortement dépendantes d’un bailleur social ou privé, elles ont des charges élevées, a fortiori quand elles ont des enfants, et sont particulièrement sensibles au froid, surtout si elles sont âgées et très captives de leur logement.
Ainsi, à structure économique et logement donnés, les femmes se plaignent davantage du froid que les autres ménages.
Sur les 5,5 millions de ménages déclarant avoir eu froid, 2,1 millions sont des femmes isolées – elles représentent 38 % de notre échantillon. Dans cette population de femmes isolées, 1,47 million n’ont pas d’enfant – elles représentent un quart des ménages frileux – et 670 000 ont des enfants, ce sont les familles monoparentales.
Dans un premier temps, je vais aborder les familles monoparentales qui ont de faibles revenus, sont plutôt locataires du parc social, vivent dans des logements mal isolés et connaissent des situations de restriction permanentes.
Ces femmes sont actives pour 60 % d’entre elles – taux supérieur à la moyenne nationale –, mais elles occupent majoritairement des postes faiblement qualifiés. Ainsi, 62 % ont des revenus inférieurs à 12 000 euros par an et 11 % sont au chômage. On identifie donc une difficulté liée à des ressources insuffisantes pour faire face aux charges.
La précarité énergétique chez les familles monoparentales relève de cette problématique économique, mais également d’un mal-logement. Comme le montrent les nombreuses enquêtes que le CSTB a menées auprès des ménages en précarité énergétique, ces femmes ont à gérer des contraintes liées aux coupures d’eau et d’électricité, dont on peut imaginer les conséquences sur leurs relations sociales et familiales.
La majorité de ces familles monoparentales est locataire – à 80 %, contre 43 % des Français –, ce qui les rend très vulnérables. Elles sont 58 % à être logées dans le parc HLM et un tiers dans le parc privé. Ce parc locatif est ancien : un quart a été construit avant 1948 et 60 % entre 1949 et 1975.
Comme le montre l’enquête Phébus, 70 % de ces logements sont en mauvais état, puisqu’ils sont classés en étiquette E, F ou G, ce qui correspond à l’habitat le plus dégradé. Les deux tiers n’ont fait l’objet d’aucuns travaux, ce qui explique qu’un tiers de ces familles déclarent une mauvaise isolation de leur logement et – indicateur spécifique à ce groupe – des pannes durables de l’installation de chauffage, avec un taux supérieur à la moyenne nationale. Dans une moindre mesure, elles déclarent également un mauvais équipement de chauffage.
Ces locataires sont, en majorité, chauffés par le chauffage central, dont elles ne peuvent contrôler le niveau de température.
La mauvaise isolation et les défaillances du chauffage sont donc à l’origine de l’inconfort thermique déclaré. C’est ainsi que 58 000 femmes ont eu recours à un chauffage d’appoint comme chauffage principal.
En raison de la faiblesse de leurs ressources, 42 % d’entre elles éprouvent des difficultés à payer leurs factures, taux plus élevé que celui de l’ensemble des ménages déclarant avoir eu froid. Pour pouvoir faire face à leurs autres dépenses contraintes, comme le loyer, une sur deux restreint sa consommation de chauffage, soit en coupant le chauffage, soit en en réduisant la puissance ou la durée. Sept femmes sur dix déclarent privilégier l’économie d’électricité au confort, considéré dès lors comme un luxe, et un quart ne chauffe pas certaines pièces de leur logement.
On note également des pratiques de restriction sur leurs déplacements, puisqu’elles sont 67 % à déclarer les limiter pour des raisons de coût, contre 43 % au niveau national. Cela se traduit par une limitation de la distance parcourue pour une femme sur deux, alors même qu’elles ont besoin de se déplacer avec leurs enfants pour l’accès aux soins, aux services, aux équipements scolaires et sportifs, etc.
Voilà pour ce premier groupe : les familles monoparentales particulièrement pénalisées par des ressources très faibles et un logement de qualité très insatisfaisante.
Le second groupe que je veux évoquer est constitué de femmes isolées, actives ou retraitées, plutôt captives de leur logement et locataires du parc privé, dans des logements mal chauffés, qui ressentent donc un grand inconfort thermique.
Plus d’un tiers sont des femmes préretraitées et retraitées – ce sont les femmes âgées et seules. Un tiers sont actives, soit 35 % contre 49 % au niveau national. Et 10 % sont au chômage.
Au sein de ce groupe, la proportion d’étudiantes est trois fois élevée que la moyenne nationale.
Cette diversité de femmes isolées déclarant un inconfort thermique représente une grande diversité de catégories socioprofessionnelles (CSP), relativement proche de la moyenne nationale.
Leurs ressources sont également faibles : une femme sur deux perçoit moins de 12 000 euros par an. Ce qui les distingue du groupe précédent est qu’elles sont majoritairement locataires du parc privé, à 62 % contre 38 % des femmes isolées avec enfants.
Elles sont plus souvent à leur domicile que celles du groupe précédent, ce qui s’explique par une part importante de femmes retraitées, plus dépendantes de leur logement et dont le niveau de consommation et d’exigence en termes de confort est plus élevé.
Comme elles le déclarent, le froid est lié à une mauvaise isolation, une installation de chauffage insuffisante et, dans une moindre mesure, à un hiver particulièrement rigoureux, ce qui peut s’expliquer encore une fois par le fait que les personnes âgées ont des besoins de confort élevés.
Elles habitent dans des logements anciens, de petite surface, qui n’ont pas fait l’objet de travaux. La plupart de ces logements sont classés en étiquette EFG, et en étiquette E pour 40 %.
Il s’agit donc plutôt pour ces ménages de problèmes liés à la qualité thermique du bâtiment, à l’équipement de chauffage, et bien sûr à des ressources insuffisantes. Elles s’imposent également des restrictions de chauffage, de la même façon que le groupe précédent, c’est-à-dire en coupant ou en réduisant la puissance et la consommation quand elles le peuvent, car 39 % d’entre elles ne peuvent pas régler la température.
Elles sont plus nombreuses que les familles monoparentales à privilégier le confort à l’économie – ce qui les distingue également du groupe précédent –, même si la majorité d’entre elles sont économes sur la consommation d’électricité et d’eau chaude.
Leurs dépenses d’énergie domestique sont relativement limitées, ce qui fait dire qu’elles ont vraiment des pratiques de restriction, puisqu’elles dépensent 813 euros par an, soit 430 euros de moins que la moyenne nationale. Cela peut s’expliquer par la taille du ménage – personne seule –, un comportement très économe, la faible surface du logement et le type de chauffage, individuel ou collectif.
Concernant les déplacements, six ménages sur dix freinent leur mobilité en raison du coût du carburant, notamment en limitant les distances parcourues. On peut donc penser qu’elles font leurs courses avec des amis, des connaissances, et pratiquent la marche à pied sur de courtes distances.
Ainsi, cette présentation permet d’identifier deux profils de femmes seules, avec ou sans enfant, touchées par la précarité énergétique. Elles ne déclarent pas tout à fait les mêmes difficultés, mais dans la plupart des cas, la problématique liée au chauffage et au bâti relève des bailleurs sociaux ou privés, sujet sur lequel nous pourrons revenir si vous le souhaitez.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous écrivez dans l’une de vos publications, monsieur Maresca, qu’« un tiers des ménages habitant les petites villes et la campagne se restreignent régulièrement sur le chauffage et le carburant. ». D’ailleurs, comme l’ont montré les « plans de déplacements entreprise » que j’ai réalisés dans ma circonscription il y a une dizaine d’années, les personnes qui habitaient à trente kilomètres de leur lieu de travail dépensaient plus de 500 euros par mois en carburant.
M. Bruno Maresca, responsable du département de l’évaluation des politiques publiques du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC). Effectivement, la mobilité est prise en compte aujourd’hui, notamment dans sa dimension contrainte que constituent les déplacements entre domicile et travail. Mais les actifs ne représentent que 50 % de la population. Or les inactifs doivent aussi pouvoir se déplacer pour se rendre dans les commerces et les services les plus élémentaires, comme La Poste ou la mairie. Aussi la mobilité contrainte est-elle encore mal cernée aujourd’hui, alors qu’elle constitue une problématique très importante. Il existe effectivement de grandes inégalités entre milieu rural et secteur périurbain en matière d’accès aux transports peu chers que sont les transports collectifs. De la même manière, un ménage rural doit le plus souvent recourir au fioul et utiliser sa voiture – donc des énergies fossiles, dont le prix est fluctuant –, alors qu’un ménage urbain bénéficie du gaz en réseau.
Avant l’enquête Phébus, réalisée par le ministère de l’écologie, nous nous basions sur l’enquête logement 2006, laquelle révélait déjà – à travers le taux d’effort énergétique (TEE), encore largement utilisé – de très grosses disparités liées aux types de ménages. Selon cette étude, les femmes seules sont en effet celles qui dépensent le plus en énergie pour leur logement : 26 % d’entre elles ont un taux d’effort énergétique supérieur à 10 % – elles sont 21 % pour les femmes avec enfants –, contre 14 % pour l’ensemble de la population. Comme l’a démontré Isolde Devalière, les femmes sont plus souvent en situation de précarité économique, à laquelle s’ajoutent de mauvaises conditions de logement. Ainsi, pauvreté et mal-logement vont de pair puisque, faute de ressources suffisantes, les gens n’ont d’autre choix que de vivre dans des logements de mauvaise qualité.
La précarité énergétique est un sujet multiforme, ce qui nécessite une adaptation des instruments de l’action publique.
Quand on parle de précarité énergétique, sont généralement évoquées des causes liées à un habitat très inconfortable – mauvaise qualité d’isolation et système de chauffage défaillant – ou aux sources d’énergie, le fioul coûtant nettement plus cher que le gaz de ville ou l’électricité pour atteindre la même température – sans compter qu’il ne bénéficie pas d’aide, d’où la question de l’inégalité territoriale que je viens de souligner.
Notre pays est mal placé par rapport aux pays d’Europe du Nord et même de l’Allemagne, car notre parc de logements est ancien et a été peu rénové au regard des critères d’efficacité énergétique. Les études menées par l’Union européenne sur la problématique de la précarité énergétique montrent que les pays les plus touchés ne sont pas les pays d’Europe du Nord, pour lesquels la dimension thermique est beaucoup plus essentielle, mais les pays du Sud et de l’Est de l’Europe, dont les parcs de logements sont anciens et peu rénovés.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Votre note indique d’ailleurs que 32 % des Français déclarent habiter un logement comportant au moins un défaut majeur de qualité, contre 19 % en Allemagne ou en Belgique ». Pourtant, ces pays sont proches. Vous écrivez également qu’en France, la notion de précarité [est devenue] une préoccupation des pouvoirs publics au milieu des années 2000, mais en 1970 au Royaume-Uni. La France n’a-t-elle pas pris suffisamment conscience de l’ampleur du phénomène ?
M. Bruno Maresca. L’enquête européenne SILC sur les conditions de vie, en particulier de logement, aborde ces questions – sensation de froid déclarée, impossibilité de chauffer correctement, etc. Elle montre que certains pays, en particulier l’Allemagne, ont pris conscience – bien avant la France – de l’importance de la rénovation thermique.
Depuis quarante ans donc, le gouvernement britannique se préoccupe de la précarité énergétique, ce qui en fait un pionnier dans ce domaine. En effet, le Royaume-Uni, où les gens chauffent traditionnellement peu leur habitat, est le pays européen où le taux de mortalité hivernale est le plus élevé. C’est en faisant le lien entre chauffage insuffisant et problèmes de santé que ce pays a fait de la précarité énergétique une priorité de politique publique. En France, on ne fait pas suffisamment ce lien. Et pourtant, des études assez fines menées récemment par des économistes montrent que les mauvaises conditions de logement, en particulier de chauffage, ont un impact sur l’échec scolaire.
Mme Isolde Devalière. Au départ, la question de la précarité énergétique a été traitée uniquement sous l’angle social, puisque tous les ménages avec un impayé d’énergie étaient orientés vers les services sociaux, chargés de les aider à bénéficier d’une aide FSL (fonds solidarité logement) selon des critères d’éligibilité liés aux ressources.
La loi de décentralisation qui a permis aux conseils généraux de récupérer la compétence FSL a modifié la donne. En constatant que le fonds était épuisé dès le mois de mars, du fait de la présentation des factures d’hiver en commissions en début d’année, les conseils généraux ont réfléchi à la prévention et aux moyens d’aider plus de ménages. Puis la loi Grenelle 2 a rendu obligatoires les actions de prévention en matière de précarité énergétique, qui étaient jusque-là incitatives. Un grand nombre de campagnes de sensibilisation ont alors été menées sur le terrain pour une meilleure maîtrise de l’énergie.
Lorsque j’ai commencé à travailler sur ce sujet avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) il y a une quinzaine d’années, il était donc question de maîtrise de l’énergie et de lutte contre l’exclusion. Puis la notion de précarité énergétique a été introduite par la loi Grenelle 1 ; la loi Grenelle 2 lui a donné une définition, a prévu un outil d’observation – l’Observatoire national de la précarité énergétique – et un dispositif, le programme « Habiter mieux ».
Mme Édith Gueugneau. Vos études sont très intéressantes.
Je voudrais attirer votre attention sur les communes rurales et les bourgs de moins de 20 000 habitants. Le paradoxe est terrible car, en s’éloignant des centres-villes pour aller vers la périphérie et trouver des logements moins chers, les gens voient leurs frais de transport et de chauffage augmenter.
La précarité énergétique touche particulièrement les personnes âgées et a un impact sur la santé des enfants. Disposez-vous de données en fonction du sexe et de l’âge ?
La notion de coût résidentiel, sur laquelle vous travaillez en partenariat avec GDF Suez, permet-elle d’établir une corrélation entre le fait d’être une femme et celui d’être confronté à la précarité énergétique ?
Les collectivités mettent en place, en partenariat avec l’État, le programme « Habiter mieux ». Il y a urgence à rénover un grand nombre de logements vétustes – 180 logements sociaux dans ma commune sont dans ce cas. Or la baisse de la dotation affectée aux collectivités rendra les choses encore plus compliquées.
M. Bruno Maresca. Effectivement, l’habitat social n’est pas épargné par la précarité énergétique.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Les efforts de rénovation dans l’habitat social, via l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), sont plus significatifs que dans le secteur privé.
Avez-vous des propositions à nous faire ?
M. Bruno Maresca. Nous sommes des analystes, et non des spécialistes des instruments de l’action publique. Néanmoins, nous distinguons trois types d’instrument.
Le premier est la rénovation du bâti, qui passe aujourd’hui par le programme « Habiter mieux », sur lequel le CREDOC réalise un travail d’évaluation qui nous permettra de vous donner prochainement des informations sur les publics bénéficiaires avec une approche sexuée. Jusqu’à présent, nous ne nous sommes pas focalisés sur l’aspect hommes-femmes, mais vos judicieuses demandes nous permettent de mettre en lumière des chiffres qui s’avèrent très parlants. Nous allons donc approfondir la question au regard de la situation spécifique des femmes.
Le deuxième instrument a trait aux moyens permettant de régler les problématiques d’impayés et de coupures d’énergie. En la matière, un préalable nécessaire est d’identifier plus précisément les ménages touchés.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Selon les énergéticiens, les coupures sont soumises à une procédure très précise visant à trouver des solutions, alors que la Fondation Abbé Pierre et la Croix-Rouge nous ont indiqué qu’un grand nombre de familles en étaient victimes. Connaît-on le nombre de coupures opérées chaque année ? Sait-on si elles augmentent ou pas ?
Mme Isolde Devalière. Selon un rapport du Médiateur national de l’énergie sur la précarité énergique, le nombre de coupures a augmenté.
M. Bruno Maresca. Le problème est que l’on ne sait pas quels types de familles sont concernés, car on se heurte à un blocage des fournisseurs.
Aujourd’hui, on considère que la précarité énergétique commence quand le taux d’effort des dépenses consacrées à l’énergie est supérieur à 10 % – soit deux fois plus que la moyenne nationale. Or ce taux ne représente qu’une fraction de la population concernée par la précarité énergétique. L’autre fraction, ce sont les gens qui se restreignent – au point d’être largement en dessous de ce taux – et qui, de ce fait, vivent dans des logements très inconfortables et connaîtront des problèmes de santé.
En tant qu’analystes, nous considérons la réponse économique insuffisante, au regard des montants consacrés au tarif social et bientôt au chèque énergie.
Le troisième instrument de l’action publique est la norme. La piste selon laquelle un logement doit pouvoir être chauffé à 19 degrés me semble intéressante. Cette température de référence pourrait être prévue dans la conception et la construction des logements. Or actuellement, il n’existe aucune norme qui rende le logement impropre à l’habitation en cas de non-respect de telle ou telle caractéristique de bâtiment ou de conditions minimum d’existence dans un logement.
Mme Isolde Devalière. La réponse économique est centrale. Il s’agit de permettre aux ménages de disposer d’un reste à vivre suffisant.
La voie réglementaire est une autre réponse. Sans doute les associations ont-elles plaidé pour ce levier, puisque la Fondation Abbé Pierre demande l’introduction de critères de confort dans le décret sur le logement décent. Actuellement, il existe un flou sur la notion de logement décent, mais une fois qu’un logement pourra être déclaré officiellement inconfortable, sur la base de normes, la précarité énergétique pourra être combattue plus efficacement.
L’autre levier serait d’exiger la réalisation de travaux dans le parc ancien. La question est de savoir comment le faire tout en soutenant financièrement ces travaux, sachant que des propriétaires bailleurs n’en ont pas les moyens. L’étiquette énergie est une piste intéressante. On peut imaginer, par exemple, d’imposer une étiquette énergie minimale lors de toute transaction – vente ou location.
Mme la présidente Catherine Coutelle. S’il est impossible de louer ou de vendre tant que les travaux ne sont pas réalisés, n’y a-t-il pas un risque d’abandons de logements ?
M. Bruno Maresca. Certes, mais on ne peut pas s’abriter derrière cet argument.
Mme Isolde Devalière. En fait, il faudrait aider ceux qui n’en ont pas les moyens à mettre aux normes, et l’exiger de ceux qui peuvent le faire.
La simplification des aides est très importante. En effet, les procédures administratives et les critères d’attribution s’enchevêtrent, et il est compliqué de savoir quelles aides existent pour rénover son logement. En outre, les guichets, tels que les plateformes de rénovation, constituent un outil intéressant. Par ailleurs, l’achat d’équipements domestiques performants et économes pourrait être davantage soutenu. Il existe des aides de la CAF, très peu connues, qui permettent par exemple d’acheter un réfrigérateur classe A plutôt, ou d’aller en chercher un dans un dépôt. Le but est de diminuer la facture pour les ménages.
Enfin, il faut rendre le coût de la mobilité plus abordable. Une réflexion devrait être menée sur des règles d’urbanisme raisonné entre zones résidentielles et zones d’activité pour encourager la mobilité des plus modestes, notamment pour ceux à la recherche d’un emploi.
Mme Barbara Romagnan. Je retiens de nos auditions que l’une des priorités est de rénover le bâti, et d’abord celui des plus pauvres, et qu’en attendant, il faut une aide au paiement des factures de toutes les sources d’énergie, mais aussi fixer des normes. Autrement dit, il faudrait, dans un premier temps, encourager et aider, en distinguant ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas, et dans un second temps, prévoir un couperet – on peut imaginer un impôt foncier plus important ou un loyer moins élevé lorsque les gens continuent à louer des logements vétustes.
La Fondation Abbé Pierre et d’autres associations nous ont indiqué que les coupures d’électricité étaient nombreuses, alors que les distributeurs prétendent agir pour les éviter. En fait, certaines personnes ne regardent pas le courrier qu’elles reçoivent à cet effet, elles ne sont pas du tout dans l’optique d’une négociation. De la même manière, les femmes âgées en secteur rural ne demandent pas d’aide, elles ne pensent pas pouvoir en bénéficier et a fortiori elles n’envisagent pas de souscrire un prêt sur quinze ans.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Il semble que les artisans soient parfois réticents à rénover ces logements, car les travaux sont compliqués, peu valorisants, sans compter le problème de solvabilité.
Mme Barbara Romagnan. Si des normes étaient fixées, ils s’investiraient davantage.
M. Bruno Maresca. Tout à fait, ce levier est nécessaire.
Mme Isolde Devalière. Au surplus, il est demandé aux artisans d’être qualifiés par des formations RGE (reconnu garant de l’environnement), ce qui est une contrainte supplémentaire pour des chantiers pas très valorisants ni rémunérateurs.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup de votre contribution.
Présentation de la communication de Mme Barbara Romagnan sur la vulnérabilité des femmes à la problématique de la précarité énergétique
Compte rendu de l’audition du mercredi 17 septembre 2014
Mme la présidente Catherine Coutelle. Notre collègue Barbara Romagnan a travaillé sur le thème de la précarité énergétique et va nous présenter une communication, qui pourrait d’ailleurs être mise en ligne sur le site de la Délégation. C’est donc une communication pour une croissance verte et féminine !
Mme Barbara Romagnan. J’ai fait partie d’un groupe de travail sur la précarité énergétique au sein du groupe socialiste, et il me paraissait important de montrer que la transition énergétique présente également des enjeux en termes de répartition des richesses. Certes, la transition énergétique a un coût mais la précarité énergétique a aussi un coût, comme d’ailleurs le fait d’être en retard dans les engagements que nous avons pris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les auditions menées au sein de la Délégation sur la précarité énergétique ont montré le manque de données sur les femmes. Or, parmi les précaires, la part des familles monoparentales est importante et celles-ci sont majoritairement composées de femmes avec des enfants. Parmi les personnes seules en milieu rural, il y a aussi beaucoup de femmes, notamment au-delà de 80 ans.
À cet égard, si la circulaire du 23 août 2012 prévoyait la prise en compte systématique dans la préparation des textes législatifs de leur impact en termes d’égalité entre les femmes et les hommes, tel n’a pas été le cas pour le projet de loi relatif à la transition énergétique, dont l’étude d’impact ne comporte aucune disposition sur ce point.
La précarité énergétique a été officiellement définie dans la loi en 2010, à la suite du Grenelle de l’environnement. Elle désigne la situation d’une personne dont l’accès au confort énergétique est compromis par la faiblesse de ses revenus ou par un logement ne disposant pas des conditions thermiques nécessaires pour y vivre sereinement. Cette définition repose donc sur trois critères : la faiblesse des revenus, la mauvaise qualité thermique du logement et le coût de l’énergie. Certaines enquêtes, comme l’enquête Phébus, prennent également en compte le critère de la sensation de froid.
Ce qui nous laisse penser que les femmes sont plus vulnérables à la précarité énergétique, c’est qu’elles sont plus exposées au risque de pauvreté. Parmi les « précaires énergétiques », le pourcentage de femmes seules est important, qu’elles soient chefs de famille monoparentale ou qu’elles vivent seules en zone rurale, souvent âgées. Ces femmes isolées et âgées sont souvent locataires du parc privé, n’osent rien demander et sont éloignées des administrations qui pourraient leur proposer de l’aide.
Nos intuitions ont été corroborées par les chiffres communiqués par les associations auditionnées par la Délégation, qui ont l’expérience du terrain. Cependant, nous avons constaté que les données chiffrées étaient anciennes (2006) et peu nombreuses concernant cette question de la surreprésentation des femmes seules et des familles monoparentales au sein des « précaires énergétiques ».
Avec la présidente Catherine Coutelle, nous avons donc adressé un courrier à la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal, en vue de recueillir des chiffres plus précis et actualisés, d’autant que les associations craignent que la situation ne se soit aggravée avec l’augmentation des prix de l’énergie depuis quelques années.
De ces travaux, j’ai retenu trois pistes d’action :
– tout d’abord, accélérer la rénovation énergétique des logements, en se focalisant davantage sur les plus précaires ; le programme « Habiter mieux » est insuffisant face à cette problématique et par ailleurs, beaucoup de personnes n’osent pas solliciter de l’aide ;
– ensuite, s’agissant des dispositifs d’aide à la facture, l’article 60 du projet de loi relatif à la transition énergétique prévoit d’étendre le chèque énergie à l’ensemble des sources d’énergie, outre le gaz et l’électricité, mais il y a une limite : sans accroissement des financements, l’augmentation du nombre de bénéficiaires risque de réduire le montant de l’aide accordée, qui est relativement faible aujourd’hui – de l’ordre de 90 euros sur une facture annuelle moyenne de 1 600 euros ;
– enfin, nous pouvons agir au niveau des normes. Dans un premier temps, il s’agirait d’informer et d’accompagner des propriétaires, occupants ou non, qui ne sont pas nécessairement aisés, pour les aider à rénover leur logement, mais ensuite, pour ceux qui en ont les moyens, d’autres mesures pourraient être envisagées, y compris l’interdiction de louer un logement qui serait une « passoire énergétique », ou bien encore l’augmentation de la taxe foncière sur de tels logements. Tout cela se ferait naturellement par étapes.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette question illustre bien l’intérêt d’analyser l’ensemble des sujets sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Lors de la table ronde avec des représentant-e-s de La Croix Rouge, de la Fondation Abbé Pierre et du Secours catholique, nous avons ainsi souligné l’importance de collecter des données sexuées afin de mieux appréhender ce phénomène de précarité énergétique et, corrélativement, de renforcer l’efficacité de l’action publique dans ce domaine.
Les auditions de la Délégation ont également permis de faire apparaître la problématique particulière des femmes vivant seules en milieu rural. Selon une étude de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), à partir des résultats de l’enquête Logement réalisée par l’Insee en 2006, les ménages les plus exposés, au nombre de 800 000 environ, sont constitués des personnes du quartile inférieur de niveau de vie habitant seules une maison individuelle de plus de 100 m2. Leur taux d’effort énergétique moyen est de 16 % et pour 68 % d’entre elles, ce sont des personnes âgées de 60 ans et plus. Elles sont propriétaires pour l’essentiel et vivent le plus souvent dans des communes rurales.
Elles cumulent ainsi plusieurs difficultés. Or ces femmes n’ont pas accès aux aides de l’ANAH, alors qu’il s’agit d’un système très avantageux sur le plan financier. À cet égard, lorsque le plafond de ressources pris en compte pour déterminer l’éligibilité à ces aides a légèrement augmenté, on a pu observer une augmentation significative des prêts accordés. Ce sont donc souvent les personnes mieux informées et un peu moins défavorisées qui peuvent, en pratique, bénéficier de ce type d’aides.
Dès lors, quelles mesures envisager pour faciliter l’accès aux aides existantes des ménages modestes et des femmes seules, en termes d’accompagnement notamment, afin que leurs logements ne restent pas des passoires énergétiques ?
Par ailleurs, au-delà des ménages dont le taux d’effort énergétique dépasse 10 % de leurs revenus, il faut également prendre en compte les ménages, et en particulier les femmes, qui se situent en deçà de ce seuil, mais uniquement parce qu’elles restreignent leur consommation d’énergie. Or le froid est davantage ressenti par les personnes âgées et les personnes inactives, qui restent plus souvent à leur domicile.
On méconnaît donc l’ampleur de la précarité énergétique. En tout état de cause, nous avons intérêt à mieux faire connaître les dispositifs afin qu’ils soient davantage mobilisés.
Mme Edith Gueugneau. Comme l’a souligné la présidente, l’approche sexuée est fondamentale, et je salue à cet égard l’action du Gouvernement, et particulièrement celle de Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem, en vue de mieux intégrer cette approche dans tous les domaines.
Il est par ailleurs essentiel de prendre en compte la situation particulière des territoires ruraux, au regard notamment de la précarité énergétique.
Au-delà de l’ANAH, il faut souligner le rôle des collectivités territoriales en matière d’accompagnement. J’ai d’ailleurs initié ce type d’approche au niveau d’une communauté des communes. Si le schéma de cohérence territoriale (SCOT) en milieu rural peut réduire le nombre de constructions d’habitations, nous avons plutôt privilégié la réhabilitation de maisons anciennes, avec une approche énergétique prenant en compte le pouvoir d’achat des ménages. Les collectivités locales peuvent ainsi jouer un rôle en matière d’accompagnement, avec des résultats tout à fait positifs, même si les ménages n’ont que peu de moyens, et animer ce type de politiques, avec des permanences et un personnel dédié par exemple.
En tout état de cause, il s’agit là d’une question importante en termes d’aménagement des territoires, mais aussi au regard de la précarité des femmes et, particulièrement, de celles qui n’ont que de petites retraites.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans les centres communaux d’action sociale (CCAS), on sait bien que de nombreuses demandes d’aide portent sur des factures d’énergie.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que la précarité énergétique concerne également les dépenses liées aux transports, et cela pose donc le problème de la mobilité des personnes, en particulier en milieu rural.
S’agissant des travaux de rénovation des logements, certaines actions sont mises en œuvre pour diminuer le reste à charge des ménages, même s’il faut aussi responsabiliser les propriétaires. Cependant, les banques n’accorderont pas de crédit si les ménages ne sont pas solvables, ou attribueront des prêts à la consommation, mais avec des taux élevés et sur trente-six mois par exemple, et donc quasiment impossibles à rembourser.
Il faudrait que les ménages puissent accéder à des prêts pour des travaux de rénovation, pour un montant de 4 000 euros par exemple, dans les mêmes conditions que pour des crédits immobiliers sur dix à quinze ans. Dans la mesure où les banques restent frileuses, ne devrait-on pas étudier la possibilité de leur imposer un quota concernant l’accès au crédit des ménages précaires ?
Par ailleurs, un objectif de 500 000 logements rénovés par an a été fixé, mais il faudrait pouvoir déterminer une proportion concernant spécifiquement les logements insalubres occupés par des ménages précaires.
Mme Barbara Romagnan. J’envisageais précisément le dépôt d’un amendement prévoyant un objectif de rénovation thermique de 500 000 logements par an, dont 66 % occupés par des ménages modestes.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette proportion des deux tiers n’est-elle pas trop élevée ? Ne pourrait-on pas envisager plutôt la moitié, soit 250 000 logements insalubres ? Il conviendrait à cet égard de se rapprocher de l’ANAH pour avoir des précisions sur le nombre de logements insalubres et de rénovations nécessaires.
En tout état de cause, les banques devraient s’engager à accorder davantage de prêts aux ménages précaires, et ce d’autant plus que les collectivités locales ne sont pas nécessairement en mesure d’apporter leur caution pour des prêts. Au demeurant, compte tenu des orientations du projet de loi et des objectifs fixés en matière de rénovation de logements, cela va représenter un marché important pour le secteur bancaire. Dès lors, ne pourrions-nous pas envisager le dépôt d’un amendement afin de donner un signal dans ce domaine ?
Mme Edith Gueugneau. Concernant l’amendement évoqué par Barbara Romagnan, je suggère la prudence car on voit bien dans nos territoires que si l’on est trop rigoureux sur les normes, mais sans les moyens nécessaires, il y a des difficultés d’application, comme l’a illustré la mise en œuvre des prescriptions en matière d’accessibilité.
En l’occurrence, si l’on rend obligatoire la réalisation de travaux de rénovation thermique pour permettre la location d’appartements, il risque d’y avoir des difficultés de logement, à moins d’engager parallèlement des moyens significatifs en matière de construction de logements sociaux pour répondre aux besoins. Les organismes sociaux, tels que les offices publics d’aménagement et de construction (OPAC), ont un rôle à jouer. En d’autres termes, ce sera compliqué sur le terrain si l’on adopte trop de normes.
Mme Barbara Romagnan. Il me semble néanmoins important de définir un critère de décence. Il s’agit tout d’abord de faire la différence entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas procéder à de tels travaux, et de commencer par accompagner et aider les ménages concernés, y compris financièrement. Mais il faut aussi, sur le plan de la crédibilité, prévoir in fine une forme de sanction ou de coût supplémentaire pour inciter à agir, sinon cela n’avancera jamais.
Il en va de même pour la rénovation thermique. Dans le secteur de l’artisanat et du bâtiment, il peut y avoir des réticences pour obtenir un certain nombre certificats, qui permettent de réaliser des travaux dans des conditions écologiquement souhaitables. Mais s’il n’y a pas d’obligation, et même si c’est potentiellement un marché intéressant pour eux, pourquoi des professionnels suivraient-ils une formation, alors que d’autres ne le font pas ?
Mme Edith Gueugneau. Il faut que le dispositif soit mesuré.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Il s’agirait de viser les logements classés E, F ou G en termes de consommation énergétique.
Je rappelle par ailleurs qu’en matière de handicap, des calendriers d’accessibilité devront être élaborés d’ici le début d’année prochaine. Plus généralement, on constate que lorsque l’on fixe une échéance, même lointaine à dix ans, certains attendent le dernier moment pour prendre les mesures nécessaires, et cela est problématique.
Mme Maud Olivier. Il me semble nécessaire de s’attaquer à cette question des critères de « logement décent ». En effet, les difficultés de logement des personnes défavorisées ne doivent pas justifier la location d’appartements qui ne sont pas protégés sur le plan énergétique et peuvent également mettre en péril la santé des personnes, et notamment des enfants. Cela avait d’ailleurs été le cas concernant la peinture au plomb au regard des risques de saturnisme.
Mme Barbara Romagnan. Il s’agit de l’habitat indigne.
Mme Maud Olivier. Par ailleurs, je partage le sentiment que la question des transports doit être prise en compte dans l’analyse concernant la précarité énergétique, s’agissant en particulier des femmes qui cumulent plusieurs emplois. Ne pourrait-on pas envisager de les aider à acquérir un véhicule propre ou au moins à utiliser des modes de transport propres ? Il faut réfléchir à l’ensemble de ces problématiques.
Mme Barbara Romagnan. À cet égard, les transports ne sont pas pris en compte dans le taux d’effort énergétique (TEE), contrairement à l’enquête nationale sur le budget des ménages. Il faut prendre garde à ne pas comparer des situations et des chiffres qui ne sont parfois pas comparables.
Nous avons évoqué ces questions à travers un angle particulier, celui de la précarité énergétique, qui est un terme à peine utilisé dans le projet de loi relatif à la transition énergétique. Nous devrions communiquer davantage sur ce texte comme un outil de répartition des richesses. En tout état de cause, la précarité énergétique est un sujet majeur, en lien avec la précarité des femmes en général.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Les femmes ne sont d’ailleurs pas évoquées dans l’étude d’impact, alors que tous les textes doivent prendre en compte cette question, comme l’avait rappelé Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem.
À cet égard, je vous informe, mes cher-e-s collègues, qu’un colloque européen sur les études d’impact et l’égalité femmes-hommes aura lieu à l’Assemblée nationale, le mardi 30 septembre 2014, en présence notamment de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, et de la secrétaire d’État aux droits des femmes, Mme Pascale Boistard.
Mme Barbara Romagnan. Concernant le projet de loi relatif à la transition énergétique, il me semblerait souhaitable de compléter l’article premier relatif aux principes et aux objectifs, par des dispositions concernant la lutte contre la précarité énergétique.
D’autre part, il existe aujourd’hui un droit au raccordement pour le gaz et l’électricité, mais cela ne signifie pas qu’il y a effectivement un droit d’accès à l’énergie. Aussi faudrait-il prévoir la possibilité d’établir un minimum, par exemple en termes de chauffage ou de branchement d’au moins un appareil ménager.
Mme Maud Olivier. Mais n’est-ce pas déjà prévu dans le cadre du Fonds de solidarité logement (FSL) ? Dans l’Essonne, il existe un forfait minimum.
Mme Barbara Romagnan. Dans le FSL, il est prévu une obligation de raccordement mais pas de fourniture d’énergie.
À l’article 5 du projet de loi, il conviendrait de prévoir un minimum de critères en matière de rénovation énergétique, pour que ces travaux ne se limitent pas à un coup de peinture et qu’ils soient conformes aux dispositions prévues par le code de l’énergie.
Concernant les certificats d’économie d’énergie, il est prévu qu’une part soit réservée aux logements les plus précaires, mais dans les faits cette part est très faible – 3 % environ –et il me paraît souhaitable de la porter à un tiers. Les certificats d’énergie permettent le financement de la rénovation.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Lors de la vente ou de la location d’un logement, il y a des certificats qui témoignent de la qualité du logement.
Mme Barbara Romagnan. L’idée est qu’une part plus importante du gain réalisé par ces entreprises soit affectée à la rénovation des logements les plus précaires.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Je ne suis pas favorable à ce dispositif car il risque de conduire les entreprises à augmenter leurs prix par répercussion.
Mme Barbara Romagnan. Le médiateur de l’énergie doit pouvoir être saisi pour toutes les sources d’énergie et pas seulement pour celles qui fonctionnent en réseaux. Il faudrait que l’on ne puisse pas revenir sur les factures datant de plus d’un an, et je rappelle que cela représente plus d’un quart des contentieux.
À l’article 60 du projet de loi, concernant l’aide à la facture, il est prévu que toutes les sources d’énergie puissent en bénéficier. Il faudrait que cela permette également de financer l’achat d’équipements, par exemple un frigidaire qui consomme moins, et étudier comment mieux financer le chèque énergie pour ne pas manquer notre objectif, si un plus grand nombre de ménages en bénéficient.
Mme la présidente Catherine Coutelle. On dépense parfois beaucoup pour un effet limité. Comment rendre le dispositif plus efficace ? Notre collègue Barbara Romagnan a soulevé un sujet réel et méconnu, la précarité énergétique des femmes. On a tendance à demander beaucoup aux collectivités alors que la question est majeure. À Poitiers, nous avons rénové entièrement un bâtiment intergénérationnel et c’est un succès. En matière de travaux de rénovation, comme l’installation d’un double vitrage, je plaide pour la simplification des conditions posées pour bénéficier d’une aide fiscale. Souvent, les gens méconnaissent leurs droits.
Mme Maud Olivier. Mme Ségolène Royal a annoncé, me semble-t-il, que l’on passerait prochainement à un seul critère pour pouvoir bénéficier des réductions d’impôt à ce titre.
Audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales, sur les crédits pour 2015 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »
Compte rendu de l’audition du mardi 28 octobre 2014
Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous allons entendre notre collègue Christophe Sirugue, vice-président de la Délégation et rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires sociales sur les crédits pour 2015 de trois programmes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dont le programme 137 relatif à l’« Égalité entre les femmes et les hommes », qui a été débattu ce matin en commission élargie.
Ce programme se décline en cinq actions : l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale ; la promotion des droits, la prévention et la lutte contre les violences sexistes ; le soutien du programme « égalité entre les hommes et les femmes » ; les actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ; la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains.
M. Christophe Sirugue. Madame la présidente, cher-e-s collègues, je suis ravi de me retrouver une nouvelle fois devant la Délégation aux droits des femmes pour évoquer le programme 137, celui de la mission Solidarité qui est exclusivement consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes.
C’est l’un des points les plus positifs de la mission qui se trouve largement épargnée par les efforts budgétaires auxquels le Gouvernement est contraint. Il voit en effet le total de ses crédits augmenter de 0,56 % pour atteindre 25,17 millions d’euros, contre 25,02 millions d’euros de crédits ouverts en loi de finances initiale pour l’année 2014. Je me permets de mettre en perspective cette légère augmentation par rapport aux diminutions importantes concernant d’autres budgets.
Ces crédits d’intervention de l’État ont un effet levier permettant d’engager une dynamique conjointe avec d’autres financements européens, régionaux, départementaux et locaux.
Ce programme se décompose en cinq actions dont le périmètre reste inchangé par rapport à l’architecture de la loi de finances pour 2014, ce qui en facilite la lisibilité. Cette permanence du fléchage est la bienvenue, après plusieurs années de fortes modifications dans l’architecture de ce programme, qui m’avaient amené à vous faire part de difficultés de comparaison l’année dernière. Je ne peux que m’en réjouir.
Les objectifs et les indicateurs de performance sont également reconduits à l’identique. Je dirais même que cette stabilisation est de bon augure. Elle prouve peut-être qu’ils ont atteint une certaine efficacité.
Commençons malgré tout par le point le moins positif.
L’action n° 11 « Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale » est dotée de 1,94 million d’euros pour 2015, soit une diminution de 0,26 million d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.
Cette action se départage en deux sous-actions.
La sous-action 1, relative à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle et économique, pour un montant de 0,85 million d’euros, subventionne les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) qui apportent dans les départements, via les 57 bureaux d’accompagnement individualisés vers l’emploi (BAIE) et les 20 services emploi, une information, une orientation et un accompagnement aux femmes les plus éloignées de l’emploi pour leur permettre d’élaborer un projet professionnel, y compris la création d’entreprise.
La sous-action 2, concernant l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie politique et sociale, subventionne tout d’abord des actions de sensibilisation et de formation des acteurs, pour un montant de 0,51 million d’euros. Il s’agit d’actions menées par des associations nationales comme l’Association du festival international de films de femmes de Créteil (AFIF), qui assure la promotion des créations des femmes en matière cinématographique et audiovisuelle), le Conseil national des femmes françaises (CNFF) ou encore « Femmes mixité sport » dont l’action est axée sur la lutte contre les discriminations dans le sport, l’accompagnement de l’engagement des femmes en ce domaine via, notamment, un réseau de femmes dirigeantes et des encadrements techniques bénévoles et professionnels, l’opération « 24 heures du sport féminin » et la création d’un observatoire de la féminisation du sport.
Cette sous-action, pour un montant de 0,58 million d’euros, subventionne également des actions locales de sensibilisation et de formation des acteurs de l’égalité. Par exemple, sur certains territoires, les chargées de mission départementales aux droits des femmes mènent des actions en matière sportive, comme l’organisation d’une journée « femmes et sport » offrant aux jeunes filles une meilleure connaissance des métiers du sport et un accès plus important aux formations.
Sans vouloir minorer la baisse de ces crédits, qui est de 11,6 %, je tiens à donner deux précisions : d’une part, la loi du 4 août 2014 a fait un pas supplémentaire en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes puisqu’elle ramène l’échéance pour l’obligation de compter 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées de 2018 à 2017. Cette obligation devra en outre être atteinte en 2020 pour les entreprises de 250 à 499 salariés, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros.
D’autre part, si les crédits demandés en loi de finances initiale 2015 sont inférieurs aux crédits ouverts en 2014, ils sont en revanche identiques aux crédits demandés en loi de finances initiale 2014, à savoir : 1,94 million d’euros et non 2,2 millions d’euros – si l’on veut comparer ce qui est comparable.
L’action n° 12 « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes », d’un montant de 15 millions d’euros pour 2015, est destinée à des actions de prévention, d’accompagnement et de prise en charge des femmes victimes de violences, mais aussi à favoriser l’information et l’orientation des femmes en matière de santé génésique et d’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Les crédits ouverts en loi de finances initiale 2014 étaient de 14,58 millions d’euros, alors que les crédits demandés pour 2014 étaient de 13,89 millions d’euros. On remarque donc le même phénomène que celui que j’expliquais précédemment.
Là aussi, il faut nuancer la hausse des crédits de 2,83 % par rapport à l’année dernière, car elle s’explique notamment par le transfert des crédits antérieurement imputés sur le programme 177 sur l’hébergement des personnes vulnérables, pour financer le déploiement de l’accueil de jour des femmes prévu dans le cadre du quatrième plan interministériel de prévention de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016). Ce transfert a pour but de notifier les crédits plus rapidement aux associations porteuses du dispositif, et ainsi de sécuriser les structures en évitant des transferts en gestion. Par ailleurs, l’action n° 12 bénéficie d’un abondement supplémentaire pour le financement de la plate-forme téléphonique 39 19 « Violences femmes infos », dont les moyens ont été renforcés depuis le 1er janvier 2014.
Les subventions aux têtes de réseau sont reconduites à l’identique. Le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), le Collectif féministe contre le viol (CFCV), l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), le Mouvement français du planning familial (MFPF) et le Groupe de femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) sont dotés exactement des mêmes montants à l’euro près.
Les subventions locales sont également reconduites à l’identique, que ce soit pour les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ou les 180 lieux d’accueil, d’orientation et d’écoute des femmes victimes de violences (LAO).
En plus des LAO, de la hausse de la subvention à la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) pour l’amélioration du 3919 et de l’accueil de jour des femmes, les autres actions du quatrième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) suivent leur cours. Là encore, nous pouvons nous réjouir de la stabilité des financements, avec une reconduction des crédits, de 0,97 million d’euros pour les téléphones d’alerte pour les femmes en très grand danger (TGD), et de 0,43 million d’euros pour les actions locales de formation et de prévention pour la lutte contre la récidive.
Les crédits de l’action n° 13 « Soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes » s’élèvent pour 2015 à 1,45 million d’euros, un montant globalement stable – une très légère baisse de quelques milliers d’euros – par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2014. Ces crédits sont composés, comme en 2014 : d’une part, de 0,5 million d’euros destinés aux dépenses de fonctionnement des délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité – il s’agit des 70 agents implantés dans les préfectures de région ; d’autre part, de 0,95 million d’euros pour les actions d’information, de sensibilisation et de communication relatives aux violences faites aux femmes.
L’action n° 14 « Actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes » bénéficie de 4,38 millions d’euros de crédits en 2015, un niveau identique, à l’euro près, à l’année précédente. L’ensemble de ces crédits, s’ils sont identiques à ceux ouverts en 2014, sont inférieurs à ceux demandés en 2014, qui étaient de 4,52 millions d’euros. La demande de crédits a donc été revue à la baisse, probablement en fonction de ce qui avait été ouvert, après les réserves de précaution.
Pour la sous-action relative à l’accompagnement dans l’emploi 2,33 millions d’euros sont demandés en 2015, contre 1,85 million d’euros demandés en 2014.
Le programme national d’expérimentation sur l’égalité professionnelle sera doté de 1,45 million d’euros pour 2015, contre 2,08 millions demandés en 2014. Il y a donc un simple effet de vases communicants entre la première sous-action et la seconde.
Les crédits demandés pour 2015 au titre des études et évaluations, notamment en matière de violences faites aux femmes, s’élèvent à 0,6 million d’euros, comme en 2014. La Délégation aux droits des femmes, madame la présidente, peut se féliciter de la reconduction à l’identique des crédits alloués à l’enquête VIRAGE (Violences et rapports de genre) en 2014. Il s’agit de la poursuite d’un partenariat avec le laboratoire PRÉSAGE (programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre), l’Institut des politiques publiques ou l’Institut national des études démographiques (INED). Pour ce dernier, il s’agira d’une enquête étalée sur trois années, portant sur 35 000 personnes et destinée à alimenter l’Observatoire national des violences faites aux femmes, au sein de la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains). Je pense que c’est important. Nous nous étions en effet dit qu’il ne servait à rien de mettre en place des enquêtes si elles ne pouvaient pas être poursuivies, actualisées et donner lieu à un suivi pluriannuel.
Enfin, l’action n° 15 « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains » est dotée pour 2015 de 2,39 millions d’euros contre 2,41 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale pour 2014. Là encore, on constate des crédits très légèrement en baisse, mais qui reconduisent en fait à l’identique ce qui avait été demandé en 2014, soit 2,39 millions d’euros.
La ventilation de ces crédits destinés à soutenir les actions conduites par des associations au niveau national et local est elle-même identique à l’année dernière : au niveau national, le montant est de 0,37 million d’euros en 2015, comme demandé en 2014 pour le Mouvement du nid, l’Amicale du nid, ALC Nice, le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM) ; au niveau local, le montant est de 2,03 millions d’euros en 2015, comme demandé en 2014, pour la rencontre, l’accueil, l’accompagnement, l’insertion et la prévention.
Ces actions de prévention et de lutte contre la prostitution s’inscrivent dans le cadre du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains (2014-2016).
Ce projet de loi de finances initiale, fidèle aux engagements du Gouvernement, maintient donc son effort en faveur des droits des femmes et de l’égalité. Étant donné le contexte financier dans lequel il s’insère, nous pouvons décerner un satisfecit au programme 137.
Encore une fois, ce programme bénéfice d’un peu plus de crédits que l’année dernière, et le maintien de son architecture a grandement facilité son suivi. Vous savez comme moi que lorsque l’on veut cacher quelque chose, on modifie l’architecture budgétaire. Or ce ne fut pas le cas. Je n’ai donc pas eu besoin, comme l’année dernière, de chercher dans toutes les lignes budgétaires pour m’y retrouver. On ne peut que s’en réjouir.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le rapporteur, il est toujours agréable d’entendre ce genre de propos. Il est exact que, les années précédentes, nous avions rencontré quelque difficulté à comparer les budgets.
Nous pouvons également nous féliciter d’un certain nombre de mesures, et notamment de la reconduction des crédits de l’enquête VIRAGE – même si, ce matin, notre collègue Monique Orphé s’est interrogée à propos des départements d’outre-mer, qui n’entraient pas initialement dans le champ de l’enquête. J’ajoute que l’échantillon est composé à parité d’hommes et de femmes, âgés de 20 à 69 ans – 75 ans dans les études européennes. Nous nous sommes en effet aperçus que nous méconnaissions totalement les violences subies par les personnes âgées.
En 2000, l’enquête ENVEFF (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France), qui a servi de référence à l’enquête VIRAGE, avait été un vrai choc lorsque l’on a appris qu’en France, une femme sur trois mourait sous les coups de son conjoint. Malgré certaines différences selon les pays, le phénomène se présente de la même façon dans le reste de l’Europe. Jusqu’à présent, malheureusement, la situation reste préoccupante.
Quoi qu’il en soit, ce budget commence à traduire la loi que nous avons adoptée le 4 août 2014. Son intitulé n’est-il pas devenu, après débat, loi pour l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes ?
Mme Conchita Lacuey. Merci à notre brillant rapporteur. Après nos inquiétudes de l’année dernière, nous ne pouvons que nous réjouir de ce budget. Sa lecture est devenue beaucoup plus facile, et ses crédits progressent de 0,56 %, ce qui n’est pas si mal par les temps qui courent. J’aimerais malgré tout savoir si Mme Orphé a obtenu une réponse positive, et donc si l’enquête VIRAGE sera étendue aux départements d’outre-mer (DOM).
Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la ministre a répondu ce matin. Tout le monde souhaite que cette enquête concerne aussi les DOM. Mais les déplacements des enquêteurs seraient très onéreux.
Mme Conchita Lacuey. Il n’y a pas d’enquêteurs sur place ?
Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce sont des équipes de recherche parisiennes. Peut-être peut-on former des enquêteurs sur place ? Peut-être aussi peut-on trouver des financements complémentaires ? Ce genre d’enquêtes constitue un outil politique, dont les régions peuvent se servir au niveau local pour mener leurs actions.
Mme Maud Olivier. De mémoire, le conseil général de l’Essonne a versé 15 000 euros, à condition que les résultats de cette enquête lui soient présentés, afin de les utiliser pour mettre en place des actions spécifiques. Je suis donc d’accord avec Mme la présidente : il faut solliciter les collectivités territoriales – en tout cas les régions – pour qu’elles apportent un financement complémentaire.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Concernant cette enquête, j’avais écrit, en tant que présidente de la Délégation, à l’ensemble des ministères – justice, intérieur, affaires sociales, etc. – pour leur demander une participation financière, même modeste. Après tout, une telle enquête n’intéresse pas que les droits des femmes. Mais je n’avais pas reçu grande réponse …
Cela m’amène à observer – tout en étant très satisfaite, monsieur le rapporteur pour avis – que le montant de notre budget stricto sensu est très modeste et pourrait être comparé à celui de la retraite « chapeau » de certains dirigeants d’entreprise. Pourtant, le ministère des droits des femmes a un effet de levier considérable et notre action va bien au-delà des 25 millions d’euros du programme 137.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Je suis admirative et envieuse devant votre budget. Dès 2012, j’avais perçu la volonté du Gouvernement de faire une réalité de cette politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Les premières actions de Mme Najat Vallaud-Belkacem sont allées dans le bon sens, s’agissant notamment des sanctions infligées aux entreprises. Tant que l’on ne sanctionne pas, on peut toujours parler, mais on prêche dans le désert.
Aujourd’hui, dans le contexte que nous connaissons, il n’est pas facile de présenter un budget tout à fait honorable. Vous l’avez fait, et je tiens à saluer la performance. Cela prouve que la façon d’aborder la question de l’égalité a évolué.
Pour ma part, pendant un certain nombre d’années, j’avais essayé d’éviter au moins un recul. Je suis donc très heureuse de cette nouvelle impulsion et de cette volonté politique, qui va au-delà des bonnes intentions. Non seulement le budget est maintenu, mais il est un peu supérieur. Cela dit, j’observe que ce budget a été pensé et mis au point par l’ancienne ministre, que je tiens à saluer : il va tout à fait dans le sens que je souhaite, il est respectueux des femmes et correspond à une conception moderne de la société.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci de vos propos. Pour avoir participé à la Délégation lorsque vous en étiez la présidente, j’ai constaté que la situation politique vous était alors moins favorable. Nous nous battons toujours aujourd’hui, mais nous nous sentons soutenus. Vous aviez obtenu un certain succès avec la proposition de loi sur la représentation des femmes dans les conseils d’administration du CAC 40 mais au-delà, il était difficile de progresser.
5 300 accords et plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle ont été déposés cette année. Nous avons demandé la publicité des rapports de situation comparée, qui doivent se trouver sur le site du ministère. 700 entreprises ont été mises en demeure, et 20 ont été financièrement sanctionnées. L’idée n’est pas de sanctionner de nombreuses entreprises, mais de le faire savoir. Il aura fallu quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle pour se décider à appliquer des sanctions. Certains pensent que l’égalité se mettra en place naturellement, mais nous savons bien qu’au bout d’un moment, la loi doit intervenir et que lorsque celle-ci n’est pas suivie d’effet, il faut se résoudre à appliquer des sanctions.
Ensuite, les accords nationaux interprofessionnels (ANI) comportent des dispositions relatives à l’égalité hommes-femmes. Nous serons très attentifs à ce sujet. J’ai posé ce matin un certain nombre de questions sur la manière dont ils seront appliqués et suivis par les partenaires sociaux. En effet, c’est à eux de s’emparer du sujet lors des négociations salariales.
Enfin, d’un strict point de vue économique, une réelle égalité professionnelle entre les femmes et les hommes nous ferait gagner 0,5 point de croissance par an, ce qui n’est pas neutre. Je sais que le nouveau ministre de l’économie est assez sensible à la question. Par exemple, il a souligné récemment qu’au sein des professions réglementées – notamment chez les notaires ou les pharmaciens – les femmes avaient énormément de mal à s’installer.
Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est là que l’on sent qu’il existe aujourd’hui une volonté de mettre l’accent sur la politique en faveur des femmes. Bien sûr, dans ces professions-là, il n’est pas possible de légiférer. Mais le fait d’aborder le sujet prouve que l’on a une autre approche, plus moderne, de la société.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Je pense qu’il faut que l’on y travaille. Le ministre a répondu tout à l’heure qu’il ne s’agissait pas de déréglementer ces professions, mais de rendre leur accès beaucoup plus facile. Elles sont trop fermées, la transmission des entreprises se fait mal ou au sein d’un nombre trop limité de personnes. Il faudra faire en sorte que les professionnels de la pharmacie, dont les femmes, qui sont souvent préparatrices, puissent accéder au capital de l’officine. Il en est de même des études de notaires : les notaires sont en grande majorité des hommes, et les clercs de notaire sont en grande majorité des femmes qui ne deviendront jamais notaires. Et ce n’est pas par manque de compétences.
Souvenez-vous de la réforme aboutissant à la fusion des professions d’avocat et d’avoué. Les délégations de femmes travaillant dans les études d’avoués, que nous avions alors auditionnées, nous avaient dit que les avoués recevraient une bonne indemnité, mais que les personnels travaillant dans les études n’auraient que leurs yeux pour pleurer. Or la discrimination à l’encontre des femmes était déjà importante au sein de cette profession.
Mme Pascale Crozon. S’est-on préoccupé de la manière dont cette fusion s’était passée ? Nous avions reçu les personnels, qui avaient évoqué un certain nombre de leurs problèmes. Nous nous étions inquiétés de l’avenir de ces personnels et de leur statut.
Mme la présidente Catherine Coutelle. À mon sens, on n’a pas fait le bilan de ce changement de statut. Je ne sais pas si ces femmes sont concernées, mais il me semble que dans un accord interprofessionnel ou dans la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, il y a eu des avancées concernant la carrière des femmes dans des professions libérales, et notamment au regard des congés maternité.
Mme Pascale Crozon. Où en est le budget des délégations départementales et régionales aux droits des femmes ?
M. le rapporteur pour avis. Leurs crédits ont été reconduits à l’euro près.
Mme Pascale Crozon. Certaines sont malgré tout en souffrance.
Mme la présidente Catherine Coutelle. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a privé l’ensemble du service des droits des femmes de toute visibilité dans les départements et les régions. Malgré le rapport de notre Délégation, la situation ne s’est pas améliorée.
Puisqu’une réflexion est en cours sur la réorganisation territoriale, il faudrait faire en sorte que l’on n’oublie pas les déléguées départementales et régionales aux droits des femmes, et voir comment on pourrait leur rendre une certaine visibilité. Cherchez donc la déléguée sur l’organigramme du département ou de la région, et vous vous rendrez compte du problème !
Mme Maud Olivier. Je remercie Christophe Sirugue pour ce travail qui nous apporte une certaine satisfaction. L’augmentation de crédits de cette année fait en effet suite à celle de l’année dernière – qui était de 80 000 euros. Cela montre que l’égalité reste une priorité pour notre majorité.
Je souhaiterais maintenant revenir sur les crédits qui seront alloués à la lutte contre la traite et contre le système prostitutionnel.
L’année dernière, on avait annoncé que 20 millions d’euros seraient affectés à un fonds qui pourrait être dédié à l’accompagnement des personnes prostituées. L’information est parue dans la presse au moment où l’Assemblée a voté en première lecture la proposition de loi sur la lutte contre le système prostitutionnel. Ces 20 millions d’euros sont en suspens et certaines personnes attendent. On peut me répondre que la loi n’est pas votée et que les fonds seront débloqués le cas échéant. Mais j’aimerais savoir ce qu’il en est.
S’agissant de lutte contre la traite des êtres humains, il faut mettre l’accent sur les jeunes. La proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel prévoyait un certain nombre de mesures destinées à sensibiliser les publics à risque : actions de prévention auprès des collégiens et des lycéens ; accompagnement spécialisé des mineurs victimes de la traite dans le cadre de la protection de l’enfance ; définition d’une protection adaptée aux mineurs qui peuvent être à la fois auteurs de délits et victimes de la traite. Il serait important de connaître le calendrier de mise en œuvre de ces actions, et surtout les crédits qui leur seront affectés.
Vous avez peut-être entendu parler de ce gang qui est aujourd’hui sous les verrous : des enfants roms, qui étaient sous l’emprise de ce gang, devaient ramener 300 euros par jour en volant, en se prostituant, etc. Sinon, ils étaient maltraités. La prostitution des enfants existe donc. Les réseaux de traites ne se « contentent » pas d’asservir des femmes, ils s’en prennent de plus en plus souvent aux enfants.
Nous ne pouvons pas rester insensibles à cette situation et il serait intéressant qu’un budget soit dédié à la lutte contre la traite. Je sais que cela ne concerne pas uniquement les affaires sociales, mais aussi, notamment, le ministère de l’intérieur. Mais cela fait partie du Plan d’action national contre la traite des êtres humains, adopté sous l’impulsion de Mme Najat Vallaud-Belkacem.
M. Christophe Sirugue. Je ne vais pas vous donner de détails sur la mise en œuvre des actions, qui ne sont pas reprises dans le rapport. Je peux vous renvoyer à la ventilation des crédits de l’action n° 15 qui se fait entre quelques structures nationales, auxquelles sont affectés 0,37 million d’euros (Mouvement du nid, Amicale du nid, ALC Nice et le Comité contre l’esclavage moderne), et un peu plus de 2 millions d’euros qui sont exclusivement destinés à des actions locales de prévention, d’insertion, d’accueil et d’accompagnement. Peut-être serait-il intéressant de creuser la manière dont la seconde enveloppe est répartie au niveau local.
J’observe que plus les structures que l’on subventionne régulièrement sont nombreuses, moins on a de marge de manœuvre pour faire des politiques nouvelles. Lorsque l’affectation des crédits consomme l’intégralité de l’enveloppe, on manque de moyens pour lancer des opérations nouvelles, à moins d’ôter des crédits aux structures que l’on subventionnait auparavant.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le bleu budgétaire, il est écrit que le financement de ce plan » d’action national de lutte contre la traite sera également assuré par la mise en place d’un fonds de concours à partir des ressources propres de l’Agence de gestion de recouvrements des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dans la limite de 2,6 millions d’euros. L’idée est de prendre aux mafieux et aux réseaux de traite pour abonder ce fonds de concours. Mais ce fonds de concours existe-t-il déjà ? Et pourquoi le limiter à 2,6 millions ?
M. Christophe Sirugue. Très clairement, cela ne figure pas dans le budget dont je suis chargé de suivre l’exécution. S’agit-il de frais de justice, des sanctions de justice ? Où sera affectée cette recette potentielle de 2,6 millions d’euros ? Apparaît-elle dans le budget du ministère de l’intérieur ou dans celui du ministère de la justice ? Si elle existe, comment est-elle utilisée ?
Mme la présidente Catherine Coutelle. L’AGRASC a bien, quelque part, un budget. Mais dans la mesure où il s’agit d’une agence, la représentation nationale n’a pas à en connaître sans doute...
M. Christophe Sirugue. Sauf si l’État lui verse des crédits.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Où est cette agence, de combien est son budget et pourquoi limiter sa participation à 2,6 millions ?
Mme Maud Olivier. Lors de nos déplacements, nous avons rencontré un certain nombre de personnes qui nous avaient expliqué qu’il était assez « facile », pour l’AGRASC, de mettre en demeure quelqu’un qui ne pouvait pas justifier l’origine de ses revenus, et de lui prendre ce qu’on soupçonnait provenir de revenus occultes. La DRASC n’a même pas à faire le procès de la personne, elle peut se contenter de lui dire, par exemple, que ses revenus ne justifient pas l’achat de sa magnifique maison, et saisir cette maison. Selon moi, on pourrait aller bien au-delà des 2,6 millions d’euros – qui ne sont peut-être qu’une moyenne annuelle.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Si je comprends bien, sur les ressources de la DRASC, on prendrait 2,6 millions d’euros qui seraient fléchés sur un fonds de concours.
M. Christophe Sirgue. La somme est énorme par rapport au budget du programme 137 dont nous discutons.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce serait l’équivalent du budget d’intervention. Mais il faut bien voir qu’aujourd’hui, comme la loi a été très médiatisée, certaines personnes qui essaient de sortir de la prostitution s’adressent à nous. J’en ai moi-même reçu plusieurs à ma permanence. Nous sommes alors assez démunis quand nous n’avons pas d’association locale pour assurer leur accompagnement. Il est déjà difficile de faire le pas, et certaines prostituées sont en désespérance.
Je voudrais maintenant avoir une précision sur l’action n° 14. J’ai cru comprendre qu’il y avait des mouvements de crédits à l’intérieur de cette action, et une légère augmentation sur le programme national d’expérimentation. Dans ce cadre, neuf régions sont territoires d’excellence pour l’égalité femmes-hommes. Est-ce que cela signifie qu’en raison de son succès, cette expérimentation va être étendue ?
M. Christophe Sirugue. On constate une diminution du programme national d’expérimentation puisque 2,08 millions d’euros avaient été demandés en 2014, contre 1,45 million d’euros en 2015. Sans doute certains sortent-ils de l’expérimentation. Quoi qu’il en soit, l’enveloppe est moindre.
En revanche, la sous-action d’accompagnement dans l’emploi connaît une évolution inverse, puisqu’elle passe de 1,85 million d’euros à 2,33 millions d’euros. Je ne sais pas si c’est en raison d’une mesure qui mérite d’être accompagnée plus longuement et qui sort de l’expérimentation. Je n’ai pas de détails, mais on peut regarder ce qu’il en est.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le rapporteur pour avis, qui êtes également le vice-président de notre Délégation, je vous remercie pour votre fidélité et votre engagement.
Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, sur le projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447)
Compte rendu de l’audition du mercredi 17 décembre 2014
Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté très tôt notre invitation. Le projet de loi que vous présentez a pour ambition de débloquer l’économie et de favoriser la croissance, l’investissement et l’emploi. Pour cela, il faut agir sur tous les leviers, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes.
L’OCDE estime que l’annulation des écarts de taux d’emploi entre les hommes et les femmes pourrait permettre d’accroître le produit intérieur brut (PIB) potentiel de 9,4 points d’ici 2030, soit 0,5 point de croissance par an. L’égalité, au travers de l’augmentation du taux d’activité des femmes et de la réduction de l’écart de salaires, n’est pas seulement une exigence de justice mais aussi un levier de croissance plus forte et plus durable.
La délégation s’intéresse particulièrement à trois points du projet de loi : les professions réglementées dans lesquelles les femmes sont sous-représentées, le travail dominical et le travail en soirée.
Comment le projet de loi entend-il concourir à l’égalité des chances pour les femmes dans les professions réglementées ? L’étude d’impact comporte des données chiffrées sur ce point. Un notaire peut gagner entre 12 000 et 17 000 euros par mois tandis que les femmes salariées dans les études notariales, au demeurant plus nombreuses que les hommes, perçoivent en moyenne 4 000 euros par mois. Ces chiffres montrent que les femmes n’ont pas accès aux postes à responsabilité.
S’agissant du travail dominical et nocturne, je vous avoue qu’à titre personnel, mon modèle de société n’est pas une société de la consommation 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.
Je suis surprise, voire fâchée, que l’étude d’impact soit muette sur les conséquences en matière d’égalité entre hommes et femmes des dispositions sur le travail dominical, d’autant qu’elle est déjà légère sur d’autres aspects du texte.
56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes. Le travail dominical est plus répandu chez les jeunes femmes des quartiers populaires. Les femmes sont en outre majoritaires parmi les employés du commerce. Elles représentent 70 à 80 % des hôtes et hôtesses de caisse.
Quelles contreparties le projet de loi prévoit-il d’apporter au travail dominical et en soirée ? De quelle manière sera prise en compte la situation des mères de famille monoparentale ? Vous le savez, ce sont souvent les femmes qui font une double journée et pour lesquelles l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale est la plus difficile. Elles ont notamment besoin de garde d’enfants et de transports sécurisés pour le retour à domicile après le travail en soirée.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Je vais tâcher d’être le plus direct et le plus précis possible. La préoccupation de votre délégation rejoint l’une des ambitions de ce projet de loi, l’égalité. J’avais d’ailleurs souhaité le baptiser « projet de loi pour l’égalité des chances économiques ». Jusqu’à présent, les politiques publiques ont principalement tenté de corriger ex post les inégalités. Or, il n’est pas de meilleure façon de traiter les inégalités que de les prévenir en donnant, lorsque c’est possible, à chaque instant de la vie des chances égales à toutes et tous.
L’égalité entre hommes et femmes est une cause juste et efficace : juste car il est normal que les femmes et les hommes aient le même accès à des professions, à la mobilité, au logement et au salaire ; efficace car elle constitue l’un des leviers pour stimuler la croissance.
Je ne reviens pas sur l’action de la majorité en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, de l’égalité réelle. Najat Vallaud-Belkacem a défendu l’égalité réelle et l’approche globale qu’elle réclame en faisant nommer de hauts fonctionnaires à l’égalité dans tous les ministères, qui ont pour mission de diffuser cette préoccupation.
Le projet de loi comporte des dispositions qui participent indirectement à faire avancer le combat pour l’égalité. Il s’adresse – c’est même l’un des principes sur lesquels il est fondé – aux outsiders du système, aux publics les plus fragiles, à celles et ceux qui sont les moins protégés par une société souvent trop statutaire. Dans l’économie et la société françaises d’aujourd’hui, ce sont les moins bien nantis, les moins bien formés et les femmes. Le texte est fait pour ces publics. C’est la raison pour laquelle je revendique le qualificatif de loi de progrès et de liberté pour ce texte.
S’agissant du travail dominical, quels sont les principes sur lesquels repose l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche ?
Je tiens tout d’abord à vous rassurer : ce texte ne fait pas le choix d’une civilisation dans laquelle les individus seraient des créatures consommatrices ou travailleuses à longueur de jours et de nuits. Il offre de la flexibilité et la liberté de travailler et de consommer car telle est la réalité de notre société aujourd’hui : un tiers des Français travaillent de manière occasionnelle ou régulière le dimanche, avec des compensations qui, très souvent, ne sont pas justes, j’y reviendrai ; les Français consomment le dimanche, trop souvent sur des sites dématérialisés employant des salariés qui, pour la plupart, ne sont pas français, et contribuant à enrichir des sociétés qui ne paient pas d’impôts en France. On peut choisir de continuer à réfléchir comme si notre société ne participait pas à la mondialisation ou de regretter cette dernière. Mais, notre devoir est de considérer cette réalité et de chercher à s’y adapter au mieux sans pour autant changer notre modèle de civilisation.
Le projet de loi offre plus de liberté aux élus locaux et aux salariés ainsi que plus de protection à ces derniers. En aucun cas, il n’y a d’obligation ou de fatalité. Nous n’obligerons aucun maire à ouvrir douze dimanches par an ; nous n’obligerons aucun Français à se promener avec son caddie dans une grande surface. Je réfute la caricature.
Le texte prévoit sur ce sujet les mesures suivantes : il donne la possibilité au maire ou au président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’autoriser l’ouverture des commerces douze dimanches au lieu de cinq, cinq dimanches étant de droit pour les commerçants ; il définit un régime particulier pour les zones touristiques internationales et les grandes gares, qui relève de l’État et dans lesquelles le travail le dimanche et en soirée avec compensation sera permis ; il pose le principe de la compensation, ce qui constitue à mes yeux une avancée en faveur de la justice sociale, en particulier pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous l’avez rappelé, 56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes, de même que 74 % des salariés des grands magasins. Les inégalités en ce domaine sont croissantes. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), parmi les femmes de 15 à 29 ans, plus d’une sur cinq travaille de manière régulière le dimanche, alors qu’elles n’étaient que 17 % en 2009. Or, pour beaucoup de ces femmes et de ces hommes qui travaillent le dimanche dans les 600 zones touristiques, la loi ne prévoit aujourd’hui aucune compensation salariale.
Le texte précise en outre qu’il n’y aura pas de nouvelle ouverture sans la conclusion d’un accord de branche, d’entreprise ou de territoire, qui devra veiller aux conditions de volontariat et prévoir les compensations salariales. Pourquoi la loi ne fixe-t-elle pas les règles ? Parce que nous n’avons pas trouvé de solution adéquate et homogène.
Le « payé double », qui peut être une idée formidable, n’est pas adapté pour les petits commerces. Quant à l’instauration d’un seuil, dans les grands magasins – 75 % de femmes y travaillent le dimanche –, de nombreux « corners » emploient moins de vingt salariés qui n’auraient donc pas été concernés par le doublement de la rémunération. La manière la plus adaptée, la plus intelligente, de faire les choses est de laisser le soin aux accords de fixer les modalités de compensation.
J’insiste sur un point, la démarche retenue dans ce texte va au bout de la logique de confiance dans le dialogue social puisque, là où il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’ouverture.
Le projet de loi laisse un délai de trois ans pour conclure des accords de branche, de territoire ou d’entreprise dans les zones qui ne sont aujourd’hui pas couvertes par un tel accord. Ce nouveau dispositif est ambitieux, trop selon certains, mais François Rebsamen et moi-même l’assumons pleinement.
Vous avez raison, il importe de garantir la sécurité des salariés pour le travail en soirée. Le texte doit être suffisamment précis pour s’assurer que les accords prévoient les conditions de transport. Je crois savoir qu’aujourd’hui, des taxis sont prévus dans certains cas pour raccompagner les salariés travaillant le soir. Les compensations doivent être salariales mais aussi, pour certains publics – les personnes handicapées, les femmes –, inclure des moyens de transport individuel ou collectif permettant de regagner en sécurité le lieu d’habitation.
Le travail dominical est un sujet sensible, je le sais, je l’entends. Je suis pleinement disposé, sans que la loi ne verrouille tout, à préciser le contenu des accords afin de mieux prendre en compte les inégalités.
Ce projet de loi comporte également des dispositions fortes pour attaquer de front les inégalités entre les hommes et les femmes, vous l’avez évoqué. La plus manifeste, c’est l’inégalité d’accès à certaines professions, en particulier aux professions du droit. 85 % des notaires associés sont des hommes ; 84 % des notaires salariés sont des femmes qui gagnent en moyenne quatre fois moins que les premiers. Ces chiffres en sont l’illustration : lorsqu’une profession est réglementée, peut-être même surréglementée, dans ses conditions d’accès et d’installation, on aboutit à des situations d’injustice manifeste entre hommes et femmes. Le contre-exemple est la profession d’avocat dans laquelle 52 % sont des femmes avec une moyenne d’âge de 43 ans. Ce n’est donc pas le manque d’appétence pour la matière juridique qui explique la situation dans le notariat. C’est la relative fermeture de la profession qui nuit à certaines catégories, en particulier les femmes. Je crois profondément que la liberté d’installation régulée, qui est proposée par le texte, sans déstabiliser les professionnels en place ni les territoires, permettra d’ouvrir toutes ces professions : les notaires, les huissiers, les greffiers de tribunaux de commerce – pour lesquels nous proposons un système beaucoup plus méritocratique que le système « patriarcal » existant, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires. Il sera ainsi possible de mieux faire valoir son mérite personnel, ce qui ne manquera pas d’améliorer la part de l’emploi féminin.
D’autres dispositions fortes sont prévues pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes : aux termes de l’article 45 du projet de loi, le collège de la Commission des participations et des transferts doit être paritaire. Nous pourrions sans doute revoir dans ce sens la composition des collèges des autres régulateurs publics, ceux qui vont être installés ou dont les compétences sont élargies comme l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) mais aussi l’Autorité de la concurrence. Les modifications de compétence et de périmètre sont l’occasion de faire valoir une approche plus paritaire très concrète. Vous savez mieux que moi l’importance des mesures de cette nature qui infusent le principe d’égalité.
Au-delà de ces points spécifiques, certains dispositifs prévus pour faciliter l’accès au permis de conduire ou le développement du logement intermédiaire sont de nature à concourir à l’égalité entre les hommes et les femmes. On sait les inégalités dont sont victimes les femmes dans l’accès à la propriété et au logement. Au-delà de leur impact économique et de leur finalité première, ces mesures sont donc importantes pour l’égalité.
Je regrette avec vous, et vous prie de nous en excuser, l’absence d’étude d’impact sur l’égalité entre hommes et femmes. Cette étude existe et vous sera transmise.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Comme la presse s’en était fait l’écho, nous étions étonnés de ne pas la retrouver dans le projet de loi.
M. le ministre. Vous faites bien de pointer ce qui n’est qu’une erreur matérielle.
Je suis complètement ouvert à ce que le texte puisse être enrichi de dispositions justes et efficaces pour aller dans le sens des préoccupations que vous avez exprimées.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous pouvez compter sur la délégation pour déposer des amendements sur la composition paritaire des instances puisqu’elle s’en est fait une spécialité, non sans avoir dû batailler parfois.
Je me réjouis des mesures pour faciliter l’accès au permis de conduire mais je tiens à souligner l’obstacle que constitue le coût aujourd’hui prohibitif des permis de conduire pour nombre de Français alors qu’il est souvent indispensable pour travailler.
M. Christophe Sirugue. Nous avons travaillé sur la précarité professionnelle des femmes, et nous savons que, dans le commerce, les femmes cumulent souvent temps partiel et contrat précaire. Nous sommes particulièrement sensibles à ces questions. À cet égard, le travail du dimanche et le travail en soirée méritent d’être regardés de près.
Je m’interroge sur deux points. En premier lieu, la fusion des deux régimes précédents – les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE) et les zones touristiques – risque de faire perdre aux salariés des avantages qu’ils avaient obtenus dans ces zones – doublement de salaire, repos compensateur. Comment s’assurer que ces avantages ne disparaîtront pas avec les nouvelles zones ?
En deuxième lieu, la loi de modernisation de l’économie autorisait plus d’ouvertures des commerces de moins de 1 000 mètres carrés, notamment le dimanche matin. De nombreux salariés, des femmes principalement, travaillent le dimanche matin sans bénéficier d’un quelconque avantage par rapport à leurs collègues qui ne travaillent pas. Votre projet de loi peut-il être l’occasion de revenir sur cette anomalie ?
Il faut absolument éviter que le texte, dans le même temps, prive les salariées précaires de leurs avantages et empêche d’en octroyer d’autres à celles qui le mériteraient.
En outre, pour le travail de 21 heures à minuit, la terminologie n’est pas neutre : s’agit-il de travail en soirée ou de l’extension du travail de nuit ? Cela peut considérablement modifier le travail de nuit pour d’autres secteurs que le commerce. Il faut donc être très vigilant sur les termes utilisés.
Enfin, qui prend en charge les frais liés au retour au domicile en sécurité ?
Mme la présidente Catherine Coutelle. La question est d’importance : après 21 heures, s’agit-il de travail de nuit ? Des études montrent qu’un travail de nuit régulier engendre des problèmes de santé, notamment chez les femmes avec un risque accru de cancer du sein.
Mme Conchita Lacuey. Madame la présidente a posé des questions que je souhaitais aborder.
Il est nécessaire de prendre en compte la dimension sexuée dans le débat sur le travail du dimanche. Je me félicite que l’étude d’impact sur l’égalité entre hommes et femmes soit mise à notre disposition car les problèmes d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle sont importants.
Quelle liberté réelle aura une femme en situation de précarité de renoncer à travailler le dimanche ? L’exigence de volontariat sera-t-elle inscrite dans le projet de loi ?
Mme Sandrine Mazetier. Vous soulignez les contreparties qui seront mises en place et vous faites valoir que sans accord, il n’y aura pas d’ouverture.
Mais la constitutionnalité des dispositions sur les contreparties est sujette à caution. Le risque existe de voir ces dispositions censurées alors que celles sur la dérégulation du travail dominical ne le seraient pas. Ce serait vraiment la double peine. Quelles garanties avez-vous que les compensations verront effectivement le jour ?
Une disposition prévoit qu’en l’absence d’accord, le préfet est chargé d’autoriser les ouvertures. Cela ne me semble pas une garantie suffisante. Nous avons connu un préfet en Île-de-France qui a autorisé l’ouverture des magasins un jour d’élection régionale. Les préfets sont donc capables de faire des choses étonnantes et peu citoyennes.
Vous avez évoqué l’émergence des acteurs du commerce en ligne et fustigé le fait qu’ils échappent à l’impôt. Avez-vous la certitude que les propriétaires du Printemps Haussmann paient des impôts en France ?
Je suis sûre que vous êtes attaché à l’égalité entre tous les Français, vous en avez beaucoup parlé. Je m’étonne donc que les Parisiennes et les Parisiens soient traités de manière très inégalitaire puisque le texte ne prévoit pas de les consulter sur la création des zones touristiques internationales. Il n’y a pas de raison de faire des deux millions de Parisiens des sous-citoyens. Je l’avais dit à vos prédécesseurs à propos de la loi Mallié, je ne vois pas pourquoi je me priverai de vous le dire. Les habitants de tous les villages et villes de ce pays sont égaux et devraient être traités comme tels, vous en conviendrez.
Vous avez évoqué la confiance qu’il faut placer dans le dialogue social. Je suis donc surprise que les deux quartiers cités dans l’étude d’impact, susceptibles de pouvoir déroger aux règles du travail dominical et du travail de nuit, soient précisément ceux dans lesquels se déroulent d’importantes batailles syndicales. Ces périmètres internationaux de non-droit sont-ils susceptibles d’évoluer, y compris dans leurs règles d’élaboration ?
M. le ministre. Monsieur Sirugue, le travail en soirée n’est étendu que pour les zones touristiques internationales. C’est donc très spécifique. En outre, il ne s’agit pas de travail de nuit.
Les moyens de transport individuel ou collectif mis à disposition des salariés pour regagner en sécurité le lieu d’habitation sont à la charge de l’employeur. Il n’y a pas d’ambiguïté.
M. Christophe Sirugue. Le texte n’est pas aussi clair selon moi.
M. le ministre. L’article 81 indique : « l’accord collectif mentionné à l’alinéa précédent prévoit notamment qu’est mis à disposition du salarié un moyen de transport individuel ou collectif qui lui permet de regagner en sécurité son lieu d’habitation. » Je suis d’accord pour ajouter « à la charge de l’employeur » si vous le souhaitez.
On peut toujours relever les aspects négatifs mais on peut aussi reconnaître les avancées : dans les zones touristiques, il y aura un accord là où il n’y en avait pas.
Quant aux PUCE, le texte ne prévoit pas l’obligation de renégocier les accords existants. Ces accords ont vocation à demeurer. En revanche, le cas des zones dans lesquelles il n’y a pas d’accord mais dans lesquelles l’obligation légale s’applique, mérité d’être étudié, sans méconnaître le risque constitutionnel et le principe d’égalité. L’objectif que nous partageons tous est d’aboutir à un système mieux compensé et plus égalitaire. Le risque que nous courons à chaque instant est d’étouffer les plus petits à vouloir trop bien faire. Telle est la contrainte qui est la nôtre.
Si nous pouvions instaurer le « payé double » partout, ce serait formidable mais les petits commerces de centre-ville n’en ont pas les moyens. Il faut parvenir à une harmonisation progressive dans un système contraint. Il existe peut-être un angle mort. Nous devons en effet veiller à ne pas enlever des droits à ceux qui sont déjà couverts par des accords ou une contrainte légale. Je vous promets que nous allons nous y atteler ensemble.
Le principe du volontariat est bien inscrit dans le texte. Mais on se heurte toujours à la même difficulté : l’asymétrie de la relation entre employeur et salarié. Aucun texte ne peut prévoir un contrôle dans toutes ses composantes de la réalité du volontariat, je ne vais pas vous mentir. Toutefois, le principe est inscrit dans la loi et devra être décliné dans les accords.
Le principal problème pour les femmes aujourd’hui réside dans le temps partiel subi, en particulier fractionné, dans la grande distribution. J’ai reçu l’ensemble des responsables de la grande distribution qui n’ont pas encore signé leur accord de branche dans le cadre du pacte de responsabilité. Je leur ai demandé d’apporter des réponses concrètes sur ce point. Ils sont sensibles à cette question mais les mots sont une chose, les solutions concrètes, une autre.
Le volontariat pour le temps partiel et pour le travail dominical sont deux composantes d’une même réalité. Les publics les plus fragilisés sur le plan économique et social sont ceux pour lesquels la relation avec l’employeur est la moins équilibrée. Le texte impose le volontariat mais, notre principal souci étant l’égalité réelle, nous devrons être vigilants sur le respect de la volonté des salariés dans les accords.
Madame Mazetier, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à toutes vos questions qui relèveraient plutôt d’une délégation aux droits des Parisiens que de la délégation aux droits des femmes !
Le texte prévoit une consultation des collectivités et des organisations syndicales pour la définition des zones touristiques internationales. Il n’y a pas de zone de non-droit. Ce n’est pas l’ambition de ce texte qui, au contraire, propose une solution à certains espaces géographiques qui peinent à les trouver par eux-mêmes.
Quant au cas du Printemps Haussmann, n’ayant pas les éléments d’information pertinents, je me garderai de toute réponse. Je ferai part de votre question à MM. Christian Eckert et Michel Sapin.
Sans accord, il n’y a pas d’ouverture : le principe est clairement posé. Sans accord, le préfet n’a donc pas de rôle à jouer.
Enfin, s’agissant des inquiétudes sur la constitutionnalité, le Conseil d’État a indiqué que subordonner l’ouverture à un accord est peu fréquent. Je ne reviens pas sur le caractère baroque de l’exercice consistant à commenter les fuites du conseil juridique du gouvernement ; nous vivons dans cette réalité, il faut s’y adapter. Le Conseil d’État s’interroge sur la compatibilité avec le principe d’égalité de l’exigence de compensations. Il n’a pas pour autant souhaité modifier le texte. Nous proposons de laisser trois ans aux commerces pour conclure des accords. Si le Conseil d’État nous a alertés sur le risque constitutionnel, il n’a pas jugé ce risque de nature à justifier une révision du texte. Nous allons continuer à sécuriser au maximum le texte sur le plan juridique. Mais il nous semble que le texte propose la mesure la plus juste que nous puissions trouver en matière de compensation ; elle est plus juste que le seuil de vingt salariés qui favorise les inégalités entre les salariés.
Je le redis, dans toutes les zones, en l’absence d’accord, le préfet ne peut pas décider de l’ouverture des commerces. Le préfet peut autoriser ponctuellement une ouverture, comme aujourd’hui, en bordure de zone mais la définition des zones dépend des élus. Et pour les zones touristiques internationales, les élus seront consultés..
Mme Sylvie Tolmont. Je reviens sur le travail dominical et la question du volontariat. Quelles garanties pouvez-vous apporter sur le respect de l’accord des salariés ? L’inspection du travail sera-t-elle mobilisée le dimanche ?
Pour les zones touristiques internationales, le début de la période de nuit serait repoussé de 21 heures à minuit. Qu’adviendra-t-il pour les femmes enceintes, qui aujourd’hui peuvent refuser de travailler la nuit, en vertu de l’article L. 1225-9 du code du travail ? Accepteriez-vous un amendement prévoyant que pour les femmes enceintes, le travail de nuit commence à 21 heures sur tout le territoire afin de les dispenser de travail en soirée ?
Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans les zones touristiques internationales, est-ce bien la totalité des salariés qui seront couverts par un accord, y compris les sociétés de services – garde d’enfants, ménage, gardiennage ?
Mme Sophie Dessus. J’ai été saisie par les guides conférencières qui s’inquiètent de voir leur profession ouverte à des personnes qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle. Comment les rassurer ?
Mme Maud Olivier. S’agissant du travail dominical, pour les futurs recrutements, le choix n’existera pas vraiment : les candidats, s’ils veulent prétendre aux postes, devront accepter les horaires proposés.
Ma question porte sur les familles monoparentales dont les responsables sont à 85 % des femmes. Quid des modes de garde ? À défaut de service public de la petite enfance, peut-on envisager la création dans les zones concernées de crèches par les entreprises qui y sont installées ?
M. le ministre. S’agissant du travail en soirée, le III de l’article 81 dispose que « Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et 24 heures. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler durant cette plage horaire pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler durant cette plage horaire ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler durant cette plage horaire pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
Compte tenu des contraintes déjà prévues par le texte, la question qui est posée est donc de savoir si on souhaite inscrire dans la loi l’interdiction de proposer le travail en soirée à une femme enceinte.
Il me semble que la rédaction du texte répond à votre souci. La seule façon d’aller plus loin est d’interdire de le proposer à une femme enceinte. Je suis preneur d’amendements qui permettent de résoudre de la manière la plus efficace le problème que vous soulevez. Ma crainte est toujours de tomber dans l’excès inverse. On va créer une interdiction pour des femmes que l’on voudrait protéger.
Mme Sylvie Tolmont. Le travail de nuit est bien repoussé de 21 heures à minuit ?
M. le ministre. C’est exactement cela. Pour répondre à votre préoccupation légitime, compte tenu de l’encadrement législatif déjà prévu, comment peut-on procéder ? Dès lors que le travail de nuit est repoussé de 21 heures à 24 heures dans les zones touristiques internationales, les femmes enceintes ne sont plus couvertes par le droit commun du travail de nuit. Voulez-vous introduire une exception qui consisterait à leur interdire le travail en soirée sachant que les dispositions du texte permettent déjà de les protéger si elles ne veulent pas travailler dans cette plage horaire ? Je suis très ouvert à des amendements allant dans le sens d’une plus grande justice.
Mme la présidente Catherine Coutelle. La question peut se résumer ainsi : doit-on laisser la possibilité aux femmes enceintes de travailler en soirée ? Nous devons approfondir notre réflexion.
M. le ministre. Madame Dessus, les dispositions relatives aux guides conférenciers qui figuraient dans un avant-projet ont disparu du texte qui vous est soumis. Vous pouvez donc rassurer vos interlocutrices.
Enfin, le projet de loi permet une harmonisation des conditions de compensation. Les contreparties pourront prendre la forme de rémunération, de repos compensateur mais aussi d’organisation mutualisée ou de facilitation des modes de garde des enfants le dimanche et en soirée. La définition de ces éléments est renvoyée aux accords alors qu’aujourd’hui rien n’est prévu.
Il faut là aussi voir si vous souhaitez être plus précis et favoriser les modes de garde collectifs. Nous avons essayé de traiter ce sujet dans le texte mais nous pouvons peut-être aller plus loin en étant vigilants pour les plus petites structures. Il me semble que les accords de territoire et d’entreprise trouvent là toute leur pertinence.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le ministre, je vous remercie pour la précision de vos réponses. Nous travaillerons avec vos services sur d’éventuels amendements.
M. le ministre. Je me tiens à votre disposition pour enrichir le texte sur les sujets qui vous intéressent.
II. EXAMEN DU RAPPORT D’ACTIVITÉ PAR LA DÉLÉGATION
La délégation a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du mercredi 1er avril 2015, sous la présidence de la présidente Catherine Coutelle.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chères collègues, la loi du 12 juillet 1999 qui a institué les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a prévu qu’elles établissent, « chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétences ». En vous présentant ce rapport d’activité de la délégation pour la période de janvier à décembre 2014, j’ai le sentiment que la délégation a plus qu’honoré cette mission essentielle, comme le prouve par exemple le graphique en page 9.
La première partie de ce rapport est consacrée aux activités législatives de la délégation, à commencer par les textes dont elle s’est saisie.
Nous avons d’abord beaucoup travaillé sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Promulguée le 4 août 2014, cette loi est très souvent citée et utilisée. Je pense notamment au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont une délibération récente sur la place des femmes dans les médias audiovisuels met l’accent, en particulier, sur l’image des femmes à l’antenne et la place qui leur est accordée dans le secteur audiovisuel.
Nous avons aussi travaillé sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, dont la rapporteure était Mme Ségolène Neuville. Nous nous sommes également saisis de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, et avons adopté le rapport présenté par Mme Marie-Noëlle Battistel en mai 2014.
Dans la foulée, nous avons travaillé sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et adopté le rapport présenté par M. Jacques Moignard. Il est vrai que les femmes vivent plus longtemps que les hommes et que les proches aidants sont majoritairement des femmes.
Puis nous nous sommes saisis du projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Dans le cadre de ces travaux, dont Mme Maud Olivier a été désignée rapporteure, nous avons effectué des déplacements à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), et nous avons proposé des dispositions visant à améliorer le parcours des demandeuses d’asile, de plus en plus nombreuses.
Enfin, nous avons commencé à travailler sur le projet de loi relatif à la santé, qui est actuellement en discussion au Parlement.
Tout cela représente un réel investissement de la part de la délégation, et je tiens à remercier les rapporteur-e-s qui ont accepté d’approfondir tous ces sujets.
Comme les autres années, nous avons entendu M. Christophe Sirugue, vice-président de la délégation, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2015 sur les crédits du programme 137 relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Barbara Romagnan nous a par ailleurs présenté une communication très intéressante sur les femmes et la précarité énergétique.
Nous avons également entendu le ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, M. Emmanuel Macron, sur son projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, pour en analyser l’impact sur les femmes, s’agissant notamment du travail dominical et en soirée. Nous avons ainsi pu améliorer le texte grâce à des amendements sur le retour à domicile et la garde d’enfants. Ce projet de loi sera étudié par les sénateurs à partir de mardi prochain.
La deuxième partie du rapport d’activité concerne les travaux d’information et d’évaluation de la délégation.
À notre initiative, nous avons travaillé sur les femmes et le système fiscal, et adressé un questionnaire au ministère des finances et des comptes publics. Nous nous sommes penchés sur les modalités d’imposition des couples, plus particulièrement sur le quotient conjugal. Nous pensons que l’individualisation de l’impôt pourrait constituer une piste intéressante dans un double objectif de justice sociale et d’émancipation des femmes.
La délégation a par ailleurs entendu, conjointement avec la commission de la Défense nationale et des forces armées, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur la situation des femmes dans les armées. Cette audition est intervenue dans le contexte particulier de la parution d’un livre dénonçant les violences sexuelles subies par les femmes dans les armées, intitulé La guerre invisible. Je tiens à rendre hommage au ministre pour la mise en place d’un plan d’action contre les harcèlements, violences et discriminations, avec notamment l’installation de la cellule « Thémis » chargée de se saisir des cas référencés « Evengrave » (événements graves).
Nous avons également entendu Mme Corinne Erhel et Mme Laure de La Raudière, rapporteures de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique française, au sujet de l’impact des évolutions du numérique sur les femmes.
Par ailleurs, un colloque européen a été organisé à l’Assemblée nationale sur le bilan des études d’impact des projets de loi au regard de l’égalité femmes-hommes. Cet événement a mis en lumière la nécessité d’améliorer les études d’impact des projets de loi au regard de l’égalité entre les femmes et les hommes, car il faut savoir que les textes de loi sont évalués, non pas au sein du ministère dont ils relèvent, mais par le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), qui peut y consacrer à peine une journée, voire quelques heures pour chacun d’entre eux. Aussi faudrait-il que les autres ministères s’impliquent plus, ou donner au service des droits des femmes les moyens de réaliser de réelles études d’impact.
La troisième partie du rapport est consacrée aux activités européennes et internationales de la délégation.
Nous avons organisé un colloque sur le thème « Les viols en situation de conflits : soutien au projet de loi libyen protégeant les victimes de violences sexuelles ». Les débats ont été animés par Mme Annick Cojean, grand reporter au journal Le Monde et auteure d’articles sur la Syrie et sur le viol comme arme de guerre. Nous avons pu écouter au cours de ces débats le ministre de la justice libyen, mais aussi des femmes libyennes victimes de viols. Quelques jours après ce colloque, la Libye a adopté des mesures essentielles pour reconnaître et accompagner les victimes de violences sexuelles commises pendant la révolution. Le drame est que ces femmes subissent une triple peine : elles sont violées, mais aussi rejetées de leur famille et de leur communauté.
J’ai par ailleurs effectué des déplacements à Bruxelles, au Parlement européen, et à New York, pour la cinquante-huitième session de la Commission de la condition des femmes des Nations unies (CSW), en mars 2014. Nous avons également participé à des évènements internationaux organisés en France, comme le Sommet mondial des femmes qui a eu lieu à Paris en juin 2014.
Enfin, plusieurs délégations et personnalités étrangères ont été accueillies. J’ai ainsi pu m’entretenir, dans le cadre du programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA) du ministère des affaires étrangères, avec plusieurs personnalités, notamment Mme Deniz Birinzi, secrétaire générale adjointe du parti social-démocrate chypriote-turc, alors candidate aux élections européennes, et qui travaille à la réunification de l’île de Chypre.
Comme vous le voyez, chères collègues, nous jouons notre rôle, en nous saisissant de textes, en les amendant, et en évaluant la politique gouvernementale.
Mme Édith Gueugneau. Je salue tout ce travail. Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est appuyée sur notre travail pour améliorer le texte sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes concernant les violences faites aux femmes, ce qui est l’exemple même d’une concertation réussie entre l’exécutif et le législatif. C’est donc une vraie satisfaction de constater que notre délégation est utile.
Mme Sandrine Mazetier. Un travail important a en effet été entrepris par la délégation.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous travaillons avec la présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Chantal Jouanno, comme nous l’avions fait avec Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Mme Jouanno est sur la même position que nous.
Nous travaillons également avec la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Conseil économique, social et environnemental (CESE), dont les études nous sont fort utiles, par exemple sur la santé des femmes.
Surtout, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) nous aide énormément : ses préconisations nous sont extrêmement utiles pour améliorer les textes de loi, comme ce fut le cas sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), l’égalité professionnelle ou encore la réforme de l’asile, et le HCEfh a également publié récemment un rapport sur la parité.
Mme Maud Olivier. Je me suis rendue au Canada et à Athènes, où j’ai participé à des colloques qui m’ont permis de défendre notre texte contre le système prostitutionnel. Ainsi, les travaux de notre délégation ont un impact à l’étranger, comme en témoigne l’« appel du 13 novembre », lancé par trois parlementaires de notre délégation et quatre parlementaires du Canada, de l’Irlande, du Portugal et du Royaume-Uni. En décembre, le Canada a adopté une loi pour l’abolition du système prostitutionnel. À Athènes, l’ambassade de France était coorganisatrice du colloque, comme à Rabat d’ailleurs, preuve que les ambassades sont porteuses de nos projets en termes d’égalité femmes-hommes.
Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est Maud Olivier qui a rédigé l’appel, que je vous invite à signer, comme l’ont déjà fait 260 parlementaires internationaux, dans le prolongement du premier Congrès organisé par la Coalition pour l’abolition de la prostitution (CAP international), le Mouvement du Nid et la Fondation Scelles, Congrès qui s’est réuni dans l’enceinte de l’Assemblée nationale en novembre.
Nous avons bon espoir que la proposition de loi contre le système prostitutionnel reviendra en examen à l’Assemblée avant fin juin, afin qu’elle puisse être adoptée en dernière lecture le plus rapidement possible.
Mme Édith Gueugneau représente notre délégation au Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF). Dans ce cadre, elle se rendra à Berlin les 16 et 17 avril pour une rencontre parlementaire sur les droits des femmes.
Mme Édith Gueugneau. Je vous ferai un compte rendu de ces deux journées de discussions.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Je note que nous n’avons pas de relais à l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), où l’Assemblée nationale a pourtant une représentante, Mme Chantal Guittet, qui a remplacé Mme Pascale Boistard. J’ai proposé à Mme Guittet de m’entretenir avec elle sur les sujets qui intéressent la délégation. Mme Marie-Jo Zimmermann devrait, elle aussi, se rendre à Berlin.
Je vous propose à présent, mes chères collègues, d’adopter ce rapport d’activité de la délégation aux droits des femmes pour l’année 2014.
La délégation adopte le rapport d’activité de la délégation pour l’année 2014.
§ Annexe 1
Dispositions prévues par la loi concernant les délégations parlementaires aux droits des femmes 113
§ Annexe 2
Liste chronologique des 37 réunions de la délégation en 2014 et des personnes auditionnées 1 115
§ Annexe 3
Liste des 64 recommandations adoptées par la délégation en 2014 119
§ Annexe 4
Communication de Mme Barbara Romagnan sur la vulnérabilité des femmes à la problématique de la précarité énergétique (septembre 2014) 129
ANNEXE 1 : DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA LOI CONCERNANT LES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES AUX DROITS DES FEMMES
Sont reproduites ci-après les dispositions de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, issu de la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et modifié par l’article 2 de loi n° 2009-689 du 15 juin 2009.
I. – Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.
II. – Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.
La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci.
La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.
III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des commissions chargées des affaires européennes, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ont pour mission d'informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.
En outre, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :
– le bureau de l'une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;
– une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.
Enfin, les délégations peuvent être saisies par les commissions chargées des affaires européennes sur les textes soumis aux assemblées en application de l’article 88-4 de la Constitution.
Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
IV. – Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu'aux commissions chargées des affaires européennes. Ces rapports sont rendus publics.
Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.
V. – Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.
La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.
VI. – Les délégations établissent leur règlement intérieur.
ANNEXE 2 : LISTE CHRONOLOGIQUE DES 37 RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION EN 2014 ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES
En outre, Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la délégation sur la proposition de loi (n° 1856) relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (APIE), a auditionné, le 29 avril 2014 :
– Mme Ernestine Ronai, coordinatrice nationale sur les violences faites aux femmes, de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et de la traite des êtres humains (MIPROF), coprésidente de la commission « Violences de genre » ;
– Mme Elisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF ;
– M. Jean Patric, cinéaste.
Par ailleurs, Mme Maud Olivier, rapporteure de la délégation sur le projet de loi (n° 2182) relatif à la réforme de l’asile, a auditionné :
– au titre du collectif Action et droits des femmes exilées et migrantes (ADFEM) : Mme Violaine Husson, représentante de la CIMADE, chargée des questions relatives aux femmes et aux violences, et Mme Lola Chevallier, coordinatrice de la commission Femmes de la Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés (FASTI) ;
– M. Soulé Ngaidé, chef de service de l'intervention juridique au centre de rétention administrative de Marseille pour le Forum COSI, membre de l'association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI).
Enfin, dans le cadre d’un déplacement à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), à Fontenay-sous-Bois, et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), à Montreuil, le 13 novembre 2014, ont été entendu-e-s par Mme Maud Olivier et votre présidente :
– à l’OFPRA : M. Pascal Brice, directeur général, Mme Isabelle Ayrault, cheffe de la division Protection, Mme Coralie Capdebosq, cheffe de section au sein de la division Afrique, cheffe de file du groupe de travail sur la traite des êtres humains, Mme Valérie Vivien, cheffe de section au sein de la division Europe, cheffe de file du groupe de travail sur l'orientation sexuelle, Mme Marie Despretz, cheffe de section au sein de la division Europe, cheffe de file du groupe de travail sur les violences faites aux femmes, et Mme Marie Ripert, officière de protection au sein de la division Afrique, membre du groupe de travail sur les violences faites aux femmes ;
– à la CNDA : Mme Martine Denis-Linton, présidente, M. Frédéric Beaufaÿs, vice-président, et Mme Florence Malvasio, présidente de chambre, responsable du centre de recherche et de documentation de la CNDA.
ANNEXE 3 : LISTE DES 64 RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION EN 2014
Projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale : les 11 recommandations adoptées en janvier 2014 (Mme Ségolène Neuville, rapporteure)
Favoriser l’accès des femmes à la formation professionnelle continue
1. Donner les mêmes droits aux salarié-e-s à temps partiel concernant l’alimentation du compte personnel de formation, soit 20 heures par an, sans préjudice des abondements complémentaires (suppression du principe du prorata temporis à l’article 1er du projet de loi).
2. Veiller à assurer un traitement égal des salarié-e-s, en particulier lors de l’entretien relatif à leurs perspectives d’évolution professionnelle :
– en précisant que l’entretien doit se dérouler sans reproduire des stéréotypes de genre et conformément au principe d’égal accès des femmes et des hommes à la formation, en intégrant aussi les besoins et désirs exprimés par le salarié ;
– en développant la formation de l’encadrement et des responsables des ressources humaines aux questions d’égalité femmes-hommes et à la prévention des stéréotypes de genre.
3. Recenser et diffuser les bonnes pratiques des branches et des entreprises pour remédier aux disparités femmes-hommes en matière de formation, dans le cadre du bilan annuel de la négociation collective et du Conseil national de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles (CNEFOP), par exemple :
– la mise en place d’un indicateur de suivi de la proportion de femmes et d’hommes accédant à une formation qualifiante ;
– l’organisation des actions de formation au regard des contraintes de réorganisation personnelle, en privilégiant un déroulement sur le lieu habituel de travail ou à proximité ;
– l’indemnisation des frais supplémentaires occasionnés par la garde des enfants, lorsque la durée des sessions de formation excède les horaires habituels de travail.
4. Adapter les formations pour mieux prendre en compte les contraintes des femmes et assurer une large information sur la réforme :
– en précisant la notion de « frais annexes », s’agissant de la prise en charge des frais de formation pour les salarié-e-s et les demandeur-e-s d’emploi (question des frais de garde) ;
– en développant les possibilités de formations à distance ainsi que les offres de formations globales intégrant l’accompagnement de la personne (exemple du Poitou-Charentes) ;
– en veillant à l’information des femmes, notamment sur le compte personnel de formation (CPF) et le conseil en évolution professionnelle, dans le cadre des centres d’information sur les droits des femmes (CIDFF).
Promouvoir la mixité des filières de formation et des métiers
5. Accroître la part de filles en contrat d’apprentissage et développer la mixité des formations suivies :
– en fixant un objectif chiffré concernant la proportion de filles parmi les apprentis (par exemple un objectif intermédiaire de 40 % d’apprenties en 2017), avec un suivi annuel portant également sur la proportion de filles par filière ;
– en veillant à l’intégration de cette question dans les conventions État –régions ;
– en développant des actions de tutorat renforcé pour aider les filles à trouver et poursuivre des stages d’apprentissage, et en élaborant rapidement un catalogue des bonnes pratiques.
6. Intégrer clairement l’objectif de développement de la mixité professionnelle et de lutte contre les stéréotypes de genre, dans les missions du conseil en évolution professionnelle et du service public d’orientation.
7. Prévoir la formation de l’ensemble des professionnels chargés de l’orientation, de l’emploi et de la formation sur les questions d’égalité professionnelle et de segmentation sexuée du marché du travail (prévention des stéréotypes)
8. Améliorer le pilotage des politiques en matière de formation professionnelle pour mieux prendre en compte la dimension du genre :
– en développant les statistiques sexuées concernant le nombre et le type de formations suivies par les femmes, ainsi que les dépenses afférentes, en vue d’une meilleure répartition des fonds de la formation professionnelle vers les femmes les moins qualifiées et/ou à temps partiel ;
– en complétant à cette fin les documents budgétaires (annexes au projet de loi de finances) ainsi que les conventions triennales conclues entre l’État et les organismes paritaires collecteurs agréées (OPCA) ;
– en prévoyant la publication d’un rapport annuel par le conseil national (CNEFOP) afin notamment de diffuser les bonnes pratiques des branches et des régions.
9. Intégrer explicitement la prévention des stéréotypes de genre parmi les missions des instances nationale et régionales compétentes en matière d’emploi, d’orientation et de formation et dans les documents régionaux de programmation –Conseil national (CNEFOP) et comités régionaux de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles (CREFOP), et contrats de plan régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP).
Développer la parité
10. Veiller à l’égale représentation des femmes et des hommes au sein du Conseil national (CNEFOP) et des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) ainsi que dans les comités paritaires national et régionaux pour la formation professionnelle et l’emploi.
11. Veiller à l’égale représentation des femmes et des hommes au sein des organisations syndicales (instances de direction et délégations) et prévoir une formation des représentants syndicaux à l’égalité, en particulier sur les stéréotypes de genre.
*
Rapport d’information sur les femmes et le système fiscal :
les 4 recommandations adoptées en avril 2014
(Mme Catherine Coutelle, rapporteure)
1. Supprimer à terme le quotient conjugal (imposition conjointe obligatoire des couples mariés ou pacsés) afin de promouvoir l’égalité femmes-hommes et une plus grande progressivité de l’impôt.
2. Dans un premier temps :
– ouvrir aux couples mariés ou pacsés qui le souhaitent la possibilité d’opter pour l’imposition séparée ;
– plafonner l’avantage fiscal lié au quotient conjugal pour les plus hauts revenus dans une optique de redistribution plus juste.
3. Renforcer les dispositifs de soutien aux salarié-e-s modestes (diminution des cotisations salariales, refonte de la prime pour l’emploi (PPE) et du revenu de solidarité active (RSA) activité, augmentation de ce dernier, lissage des effets de seuil à l’entrée du barème de l’impôt sur le revenu).
4. Améliorer l’évaluation et le pilotage des politiques budgétaires et fiscales (développer la prise en compte de l’égalité dans les études d’impact et documents budgétaires, ainsi que les études et simulations afin de mieux étayer la décision publique).
Proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (APIE) : les 18 recommandations adoptées en mai 2014
(Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure)
Prendre en compte en compte certaines situations familiales et veiller à l’équilibre des droits et des devoirs
1. Engager un programme pluriannuel d’études et prévoir le dépôt d’un rapport au Parlement d’ici 2015 sur la période « post séparation » et les conséquences des ruptures conjugales, en particulier sur : le paiement des pensions alimentaires ; l’exercice du droit de visite et d’hébergement ; le respect des temps de résidence chez chacun des parents ; les motifs de rupture du lien père-enfant ; le nombre et les raisons de la non représentation des enfants ; le coût et la prise en charge des dépenses liées à l’enfant dans les couples séparés.
2. À l’article 4, pour les actes usuels, assouplir la rédaction proposée qui prévoit l’accord des deux parents.
3. Veiller à ce que les prestations sociales et avantages fiscaux puissent rester attribués au parent ayant la charge matérielle principale de l’enfant, en clarifiant en ce sens l’article 7 de la proposition de loi.
4. Supprimer l’article 5 de la proposition de loi relatif au dispositif d’amende civile.
5. Prévoir que l’infraction au titre de la non-représentation de l’enfant ne peut être constituée lorsque le parent déposant plainte n’a pas respecté ses obligations en matière d’exercice du droit de visite ou du devoir d’accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, en modifiant en ce sens l’article 8 de la proposition de loi.
6. Préciser dans le code civil que l’exercice de l’autorité parentale a pour objet de garantir les droits et l’intérêt de l’enfant, en complétant en ce sens l’article 372 du code civil (article 3 de la proposition de loi).
7. Sanctionner le parent qui n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus.
8. Prévoir expressément dans le code civil la possibilité de suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille (non-paiement caractérisé de la pension alimentaire), de non exercice du droit de visite ou de non accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, de façon renouvelée, et tant que le parent n’aurait pas recommencé à assumer ses obligations familiales pendant au moins six mois.
Endiguer les violences économiques et les risques de précarité
9. Renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires en rappelant que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension alimentaire.
10. Augmenter la pension alimentaire pour le parent qui ne remplit pas son droit de visite ou n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus.
11. Prévoir l’indexation de la pension alimentaire sur les salaires et non sur les prix.
12. Introduire des dispositions concernant le paiement de la pension alimentaire par virement.
Protéger les femmes et les enfants victimes de violences
13. Compléter le chapitre III en spécifiant que la médiation familiale est exclue en cas de violences ou lorsqu’elle a pour conséquence d’allonger inconsidérément les délais de la procédure en cours.
14. Prévoir dans la formation dispensée aux médiateurs familiaux un enseignement sur la détection des violences intrafamiliales et des phénomènes d’emprise.
15. Prévoir aux articles 4, 7 et 8 relatifs à l’exercice de l’autorité parentale, au domicile de l’enfant et au droit de visite, une exemption d’application pour les situations de violences intrafamiliales.
16. Élargir les critères d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale aux situations de violences conjugales.
17. Encadrer le droit de visite et d’hébergement ou temps d’accueil en lieu de rencontre médiatisé ou avec un accompagnant lorsque l’un des parents porte plainte pour violence sur enfant ou en cas de signalement.
18. Valoriser et développer les espaces de rencontre médiatisés pour que le maintien des relations parents-enfants se fasse sans danger dans les cas de violence.
*
Projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement :
les 15 recommandations adoptées en juillet 2014
(M. Jacques Moignard, rapporteur)
Renforcer la prévention et mieux prendre la question du vieillissement dans les politiques publiques
1. Instaurer un bilan médical obligatoire des séniors à l’âge de la retraite, en prêtant une attention particulière à la santé des femmes.
2. Prendre en charge un dépistage de l’ostéoporose chez les femmes ménopausées en proposant systématiquement une ostéodensimétrie.
3. Développer le développement de l’habitat alternatif et innovant pour les personnes de plus de 60 ans.
4. Recenser et diffuser les bonnes pratiques en matière de soutien à la « grand-parentalité active » et inviter les partenaires sociaux à prendre en compte cette question dans la négociation collective concernant l’articulation travail-vie personnelle et l’emploi des seniors (branches et entreprises).
Améliorer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, soutenir et valoriser les aidant-e-s
5. Demander une enquête nationale sur la nature des plans d’aide selon le sexe de la personne âgée et de son conjoint et développer les actions de sensibilisation et de formation en direction des équipes médico-sociales pour contribuer à faire évoluer les représentations.
6. Généraliser rapidement l’expérimentation prévue dans le projet de loi d’un numéro de téléphone national adossé au portail Internet de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour les aidants et pour une information et un accès simple aux aides existantes.
7. Prévoir des possibilités d’adaptation dans l’organisation de la vie professionnelle des aidants familiaux.
– par l’aménagement des textes relatifs à la fonction publique ;
– en veillant à la poursuite des négociations avec les partenaires sociaux sur les congés familiaux prévues dans l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la qualité de vie au travail de 2013 en vue d’une réforme du congé de soutien familial.
8. Proposer une consultation annuelle pour les aidants familiaux, dédiée à leur état de santé, dans un objectif de prévention et de prise en charge des effets possibles l’accompagnement d’une personne dépendante sur la santé des aidants.
9. Lancer une grande campagne radio-télévisée pour lutter contre les stéréotypes, et développer des actions de sensibilisation en direction des jeunes dès le collège, concernant les métiers de l’autonomie.
10. Développer les passerelles entre les différents métiers exercés au domicile en fonction des publics (personnes âgées, en situation de handicap, petite enfance, etc.) mais aussi avec les métiers exercés en structures, améliorer le dispositif de diplômes et certifications pour en accroître la lisibilité et favoriser la reconnaissance des compétences et la construction de parcours professionnels, et développer l’accompagnement en matière de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Mieux prendre en compte la dimension sexuée dans la gouvernance et le pilotage des politiques
11. Concernant les missions du Haut Conseil de l’âge, pour mieux prendre en compte la dimension sexuée :
– préciser dans la loi qu’elles incluent le suivi de l’impact sexué des différentes mesures, en appuyant ses travaux sur les analyses et les statistiques sexuées ;
– veiller à ce que cette instance dispose des moyens suffisants pour produire des travaux approfondis et participer activement aux politiques publiques.
12. Prévoir la représentation du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) au sein du Haut Conseil de l’âge, en modifiant en ce sens l’article 46 du projet de loi.
13. Veiller à la parité au sein des conférences de financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, dont l’article 3 du projet de loi prévoit la création.
14. Améliorer les connaissances concernant les violences faites aux personnes âgées, et notamment aux femmes :
– en posant le principe de la réalisation d’études régulières sur ce type de violences et de maltraitances dans le rapport annexé au projet de loi, qui définit les objectifs de la politique d’adaptation de la société au vieillissement ;
– en développant la coopération, en tant que de besoin, entre le Haut Conseil de l’âge et la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF).
15. Développer la collecte de données sexuées et renforcer l’information du Parlement :
– en complétant dans ce sens certains articles du projet de loi concernant le recueil de données et la remontée d’informations statistiques dans le champ des politiques de l’autonomie ;
– en introduisant des indicateurs sexués dans le programme de qualité et d’efficience (PQE) « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA », pour permettre un meilleur suivi dans le cadre de l’examen annuel des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
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Projet de loi relatif à la réforme de l’asile :
les 16 recommandations adoptées en novembre 2014
(Mme Maud Olivier, rapporteure)
1. Élaborer des principes directeurs concernant la prise en compte du genre en matière d'asile, après concertation, pour préciser les pratiques.
Conditions d’octroi de l’asile
2. Poser explicitement dans la loi le principe selon lequel les aspects liés au genre doivent être dûment pris en considération aux fins de l'appartenance à un certain groupe social ou de l'identification d'une caractéristique d'un tel groupe, conformément à l'article 10 de la directive « qualification ».
3. Veiller à ce que les autorités appliquent une interprétation sensible au genre des motifs de persécution définis par la Convention de Genève, conformément aux instruments pertinents applicables tels que la Convention d’Istanbul et les principes directeurs du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
4. Prévoir que la qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté « ou de l'égalité entre les femmes et les hommes », à l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
5. Produire et publier régulièrement des statistiques et analyses sexuées concernant le traitement des demandes d'asile et l'accueil des personnes concernées, en particulier par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), les préfectures, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
6. Développer les actions de formation sur l'égalité femmes-hommes et les problématiques de genre pour l'ensemble des acteurs concernés (outre l'OFPRA, la CNDA, l'OFII, préfectures, centres d’accueil de demandeurs d’asile – CADA, plateformes d'accueil, etc.).
7. Améliorer les modalités d'élaboration de la liste des pays d'origine sûrs pour prendre en compte la condition des femmes dans certains pays :
– en modifiant la composition du conseil d'administration de l’OFPRA pour prévoir la représentation des ministères chargés des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et en veillant à la composition paritaire du conseil d'administration ;
– en prévoyant le droit de vote pour les personnalités qualifiées au conseil d'administration, la consultation d'associations préalablement à l'inscription ou le retrait sur la liste des pays d'origine sûrs, et la possibilité pour ces associations et organisations non gouvernementales (ONG) de saisir le conseil d'administration de l'office ;
– en assortissant la notion de pays « sûr » d'indicateurs ou de critères relatifs aux questions des droits des femmes, de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre.
8. Préciser dans la loi que la procédure accélérée ne peut être mise en œuvre pour les demandes de réexamens présentées par des victimes de la traite.
9. Expliciter la notion de personnes vulnérables, a minima en précisant dans la loi qu'elles comprennent notamment les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains et les personnes qui ont subi des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation sexuelle féminine.
10. Prendre en compte les besoins spécifiques des demandeuses d'asile lors des entretiens à l'OFPRA et des audiences à la CNDA :
– veiller à la possibilité pour les demandeuses qui le souhaitent d'être assisté-e par le ou la représentant-e d'une association œuvrant spécifiquement à la défense des droits des migrantes, des victimes de persécutions de genre ou à raison de l'orientation sexuelle ;
– étudier les conditions de mise en place de services de garde d'enfants à l'OFPRA et à la CNDA, et de prise en charge des frais de transport des demandeurs, voire de leur conseil ;
– inscrire dans le code de l’entrée le principe selon lequel les procédures d'examen tiennent compte des spécificités de genre, afin d'assurer une égalité réelle entre les demandeuses et les demandeurs d'asile (principe figurant dans le considérant 32 de la directive « procédures »).
11. Pour les victimes de proxénétisme et de la traite des êtres humains, prévoir que le huis clos est prononcé de droit si la personne requérante le demande.
12. Améliorer l'information des demandeuses d'asile, au moins en complétant le guide du demandeur d'asile et le diffusant plus largement, voire en publiant une brochure spécifique à l'attention des femmes, avec notamment des informations sur leurs droits ainsi que sur la protection et la prévention des violences.
Conditions d’accueil des demandeur-se-s d’asile
13. Mieux prendre en compte les besoins particuliers des femmes et des personnes vulnérables en matière d’hébergement :
– en développant le recueil de données et d'analyses genrées sur le nombre et le profil des femmes ainsi que sur les violences, dans les CADA, plateformes et hébergements d'urgence ;
– en veillant à la consultation des acteurs et des experts sur les modalités d'évaluation des besoins particuliers pour les personnes vulnérables ;
– en précisant dans la loi que lorsque les demandeurs sont accueillis dans des centres d'hébergement, les autorités tiennent compte des aspects liés au genre, à l'âge et à la situation des personnes vulnérables, et que les mesures appropriées sont prises pour prévenir la violence et les actes d'agression fondées sur le genre, y compris les violences et le harcèlement sexuels à l'intérieur des centres ;
– en précisant dans la loi que lorsque des demandeurs de sexe féminin sont placés en rétention ou hébergés en CADA, les autorités veillent à ce qu'ils soient hébergés séparément des demandeurs de sexe masculin, à moins que ces derniers ne soient des membres de leur famille et que toutes les personnes concernées y consentent.
14. Améliorer les droits des demandeur-se-s d’asile et de leurs enfants :
– en rappelant dans la loi les obligations en matière de scolarisation des enfants des demandeurs d'asile et des demandeurs mineurs, ainsi que les dispositions prévues par le code de l'éducation concernant l'accueil en maternelle ;
– en assouplissant les dispositions actuelles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui empêchent les demandeur-se-s d'asile d’accéder au marché du travail et a minima en inscrivant dans la loi la possibilité de travailler légalement au-delà d'un délai de neuf mois.
15. Préciser que les dispositions relatives à la délivrance du titre de séjour (carte de séjour temporaire ou carte de résident), prévues par l'article 18 du projet de loi, s'appliquent au conjoint lorsque le mariage est antérieur à la date d'obtention de la protection ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux, « sauf en cas de dépôt de plainte pour violences conjugales ».
16. Assurer la protection des mineures menacées de mutilations sexuelles féminines :
– en maintenant les dispositions du projet de loi prévoyant la présentation d'un certificat médical, qui devrait être présenté tous les deux ans, pour s'assurer de l'effectivité de la protection ;
– en étudiant la possibilité de confier cet examen à des professionnels habilités, par exemple dans le cadre des unités médico-judiciaires (UMJ), avec une prise en charge financière ;
– en développant les actions de formation, de sensibilisation et d'information concernant les mutilations sexuelles féminines, notamment en milieu scolaire et auprès des parents des mineures protégées.
ANNEXE 4 : COMMUNICATION DE MME BARBARA ROMAGNAN SUR LES FEMMES ET LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE (SEPTEMBRE 2014)
La communication ci-après sur la vulnérabilité des femmes à la problématique de la précarité énergétique a été présentée à la délégation par Mme Barbara Romagnan, lors de sa réunion du mercredi 17 septembre 2014, et mise en ligne sur le portail de la délégation.
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Alors que la circulaire du 23 août 2012 rendait obligatoire une étude d'impact portant sur les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes pour tous les textes législatifs et réglementaires du Gouvernement, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, déposé le 30 juillet 2014 à l’Assemblée nationale, n’en fait aucune mention.
La systématicité de ce genre d’études d’impact est ainsi prévue, parce que l'on sait que les lois a priori sexuellement neutres ne le sont pas, mais que ces textes constatent, reflètent, voire risquent d’amplifier des inégalités existantes entre les femmes et les hommes, en défaveur des femmes. Ce qui est vrai pour beaucoup de sujets, se révèle également l’être sur le sujet de la précarité énergétique et s’applique également au projet de loi relatif à la transition énergétique qui sera débattu dans l’hémicycle dans les semaines à venir.
L’absence de données officielles, sexuées et actualisées sur le sujet de la précarité énergétique nous rappelle en effet les difficultés que rencontre la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes pour évaluer correctement l’impact des inégalités femmes-hommes sur les textes législatifs dont elle peut se saisir. La Délégation a donc organisé deux tables-rondes (34) d’acteurs de la lutte contre la précarité énergétique (associations et experts), sous l’impulsion de Mme Barbara Romagnan, députée du Doubs, en parallèle de l’organisation des travaux parlementaires relatifs à ce projet de loi.
Il en ressort donc que, si la problématique ne se résume pas à son analyse sexuée, les femmes se révèlent être un public particulièrement vulnérable à la précarité énergétique. L’étude de ce sujet semble donc particulièrement pertinente pour mieux envisager la problématique, son urgence, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour y répondre.
1. Qu’est-ce que la précarité énergétique?
La précarité énergétique a été officiellement définie en 2010 dans la loi suite au Grenelle de l’environnement. Elle caractérise donc la situation d’ « une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat (35)».
La définition retenue en 2010 reposait sur une analyse concrète, caractérisant la précarité énergétique comme la « combinaison » de trois facteurs socio-économiques principaux : la faiblesse des revenus, la mauvaise qualité thermique du logement occupé et le coût de l’énergie (36).
À ce jour, deux critères principaux sont retenus pour analyser statistiquement la situation des ménages précaires énergétiques :
– le taux d’effort énergétique (TEE), soit le poids de la dépense d’énergie (comprenant selon l’INSEE le chauffage, l’éclairage, les coûts liés à l’énergie nécessaire pour chauffer l’eau, ainsi que la consommation des appareils électroménagers) dans le revenu disponible ; il est par ailleurs fondé sur des seuils obsolètes datant de 1988 et peine à prendre correctement en compte les revenus disponibles ;
– l’inconfort thermique, autrement dit, la sensation de froid ressentie dans le logement pendant 48 heures.
On estime que près de 3,8 millions de ménages, soit près de 8 millions de Français, consacrent plus de 10 % de leurs ressources à payer leurs factures d’énergie selon l’enquête nationale Logement (ENL) de 2006, alors que le taux d’effort moyen pour l’ensemble de la population est voisin de 5,5 %. Ce seuil du taux d’effort énergétique est communément retenu pour définir la situation d’un ménage précaire énergétique. Parmi ces ménages, 87 % sont logés dans le parc privé, 62 % sont propriétaires occupants. 70 % d’entre eux appartiennent au premier quartile de niveau de vie. Quant à la sensation de froid, en 2006, 3,5 millions de ménages subissaient un inconfort thermique dans leur logement selon la même enquête.
L’exploitation qualitative des enquêtes de 2006, ainsi que les retours de terrain des acteurs associatifs ou institutionnels, permettaient alors de cerner plus précisément les précaires énergétiques. Il s’agissait de personnes vivant seules en communes rurales, ou de familles monoparentales, au sein même du quartile inférieur de niveau de vie et qui présentaient les taux d’effort énergétique les plus élevés (37). Si l’on ajoute à ces données, celles de l’INSEE sur la facture énergétique des ménages, il apparaît ainsi que le taux d’effort énergétique des ménages en zone rurale est deux fois plus important (7,3 % en 2006) que celui de ménages de l’agglomération parisienne (3,1 %) ou des grandes villes (5 % de leur budget) (38). Dans les bourgs de moins de 20 000 habitants ou communes rurales, les restrictions budgétaires dues aux dépenses énergétiques concernent jusqu’à 37 % des ménages (39), notamment dues au chauffage de maisons individuelles et logements non collectifs, mais également aux besoins de déplacements plus importants.
Outre le lieu d’habitation, l’âge est également un facteur déterminant selon les mêmes données INSEE (40). Un ménage dont la personne de référence est âgée de plus de 70 ans consacrera 3,5 points de plus de son budget à l’énergie qu’un ménage de moins de 30 ans.
Les personnes sont bien évidemment d’autant plus vulnérables que leurs conditions générales de vie et leurs ressources financières sont faibles. Les conséquences de la précarité énergétique sont alors sanitaires, mais également sociales, provoquant une désocialisation, des difficultés scolaires pour les enfants, un isolement social et économique des ménages accentuant leur isolement géographique préexistant.
Cependant, l’ancienneté de ces données, qu’il s’agisse de l’enquête ENL ou de celle Budget de famille, alliée à l’augmentation du coût de l’énergie et du nombre de chômeurs et précaires, font aujourd’hui craindre à de nombreux acteurs de terrain l’aggravation de la situation des précaires énergétiques en France depuis 2006. Cette aggravation semble constatée dans leurs permanences ainsi que par un panel d’organismes. L’absence d’actualisation de ces deux enquêtes reste donc préjudiciable à l’analyse de la problématique de la précarité énergétique.
2. Les femmes, public le plus vulnérable à la précarité énergétique
Si la problématique n’est donc pas uniquement féminine, les caractéristiques socioéconomiques définissant les publics les plus sujets à la précarité énergétique se rapprochent pour beaucoup de ceux caractérisant un public féminin. Le traitement des données pourrait donc révéler que les femmes sont davantage touchées par la précarité énergétique que ne le sont les hommes. Cette tendance serait liée aux caractéristiques mêmes du problème (familles monoparentales, habitations isolées, en communes rurales), ainsi qu’à une plus grande vulnérabilité économique et sociale des femmes en France.
Les seules données disponibles de l’Enquête Logement 2006 indiquent que parmi les 25 % les plus pauvres de France, soit le premier quartile, les femmes seules sont deux fois plus nombreuses que les hommes seuls à déclarer avoir eu froid au cours de l’hiver précédant l’enquête ENL 2006 (41). 30 % des familles monoparentales subissent un inconfort thermique dans leur logement, contre 15 % pour l’ensemble des ménages français. Selon la même enquête, les femmes seules dépensaient 6,8 % de leur revenu pour l’énergie dans le logement, et 6,1 % s’agissant des familles monoparentales, alors même que le taux d’effort énergétique (TEE) moyen pour l’ensemble des français s’élevait à 4,9 %.
Le traitement des données de 2006 (42), fait apparaître ces chiffres :
– 14,1 % des ménages français pouvaient être considérés en précarité énergétique selon l’indicateur ;
– 20,9 % en précarité énergétique parmi les ménages constitués d’une femme ayant des enfants à charge ;
– 26,3 % en précarité énergétique parmi les ménages constitués d’une femme seule.
Nous pouvons donc distinguer deux cas majeurs de précarité énergétique et susceptibles d’impacter majoritairement des femmes : les familles monoparentales et les personnes isolées, souvent âgées et vivant seules.
a. Les femmes, un public déjà vulnérable
Si les femmes sont susceptibles d’être les plus touchées par la précarité énergétique, c’est tout d’abord lié à une situation de précarité cumulative. On estimait en effet en France en 2010, que 4,7 millions de femmes, contre 3,9 millions d’hommes, avaient un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, soit 964 euros mensuels pour une personne seule10.
Il s’agit dès lors de distinguer deux catégories qui semblent pertinentes afin de relier précarité, précarité énergétiques et femmes : d’une part, les familles monoparentales et, d’autre part les femmes âgées vivant seules.
Dans près de neuf cas sur dix, les familles monoparentales11 sont constituées d’une femme seule avec enfant(s) en bas âge. Or, de nombreux facteurs de précarité se retrouvent ciblés sur ces mêmes familles monoparentales. En 2010, 33 % des familles monoparentales avaient un revenu inférieur au seuil de pauvreté. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) affirmait, selon des données datées de 2011-2012, que 31 % des personnes vivant au sein d’une famille monoparentale étaient pauvres au sens monétaire, soit une proportion 2,3 fois plus élevée que dans l’ensemble de la population. Avoir un emploi ne suffit pas : les femmes seules avec enfants subissaient en 2009 un taux de pauvreté en emploi de 15,5 %, contre 6,7 % pour l’ensemble de la population en emploi (43).
Le CESE affirmait ainsi en septembre 2013 que « Les mères isolées représentent la quasi totalité des 190 000 allocataires du RSA socle majoré (ex API) et si près d’un logement social sur quatre est occupé par une famille monoparentale, le nombre de pièces est plus souvent insuffisant que pour les autres ménages et l’inconfort thermique beaucoup plus fréquent ».
Un second facteur est susceptible de relier précarité énergétique et femmes : l’âge. À partir de 80 ans, les femmes constituent en effet 73 % des personnes habitant seules dans leur logement (44). Ces mêmes femmes « âgées » sont alors plus vulnérables économiquement que des hommes âgés vivant seuls. Au 31 décembre 2008, les femmes percevaient en moyenne (tous régimes confondus) une pension de droit direct presque deux fois plus faible que les hommes (45) (879 euros contre 1 657 euros mensuels) en raison de parcours professionnels moins favorables, d’interruptions de carrière et des écarts salariaux constatés.
De ces constats découlent un certain nombre de conséquences socio-économiques affectant, voir amplifiant, le phénomène de précarité touchant les femmes. La précarité énergétique, prise comme phénomène systémique, elle-même liée à un ensemble de facteurs tels que le revenu, le logement, et d’autres, semblerait donc découler de cette situation de vulnérabilité préexistante et toucher particulièrement ces femmes.
b. Des mères de familles seules et précaires énergétiques en logement social
L’indicateur du taux d’effort énergétique, référence de l’enquête Logement de 2006, restant controversé et ne permettant pas une analyse fine des revenus des ménages, nous avons pu fonder nos travaux sur une seconde enquête. Mme Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), auditionnée par la Délégation aux droits des femmes le 16 septembre 2014, a donc choisi d’exploiter l’enquête Phebus de 2013, basée sur l’indicateur de la sensation de froid, indicateur déjà présent dans l’enquête logement 2006.
Une catégorie se trouve ainsi confirmée par l’exploitation de ces données, celle des familles monoparentales. 60 % des femmes seules avec enfant déclarant un inconfort thermique sont des femmes actives, ce qui est un taux supérieur à la moyenne nationale (49 %). Elles occupent des postes faiblement qualifiés, majoritairement des employés de bureau, agents de service, ou personnel administratif (cat C ou D) soit 62 %, contre 51 % France. 11 % d’entre elles sont au chômage, contre 6 % en France (source : CSTB)
Elles seraient majoritairement locataires, et plus étonnant, majoritairement dans le parc social HLM (58 % des familles monoparentales). Mais leur précarité énergétique ne semble pas s’arrêter aux portes de leur logement. « Sept ménages sur dix déclarent privilégier l’économie d’électricité (et de chauffage) au confort considéré comme un luxe. Un quart d’entre elles ne chauffe pas certaines pièces de leur logement. On note des pratiques de restriction également sur leurs déplacements puisqu’elles sont 67 % à déclarer limiter ses déplacements pour des raisons de coûts (contre 43 % national), ce qui se traduit par une limitation de la distance parcourue pour une femme sur deux, alors même que l’on peut penser la nécessité de se déplacer avec des enfants (soins, loisirs …) », selon Mme Devalière (CSTB).
c. Des femmes âgées et isolées, locataires du parc privé
L’exploitation de cette enquête Phébus a également permis de montrer que parmi les 5,6 millions de ménages qui déclarent avoir eu froid en 2013, 38 % sont des femmes isolées, avec ou sans enfant. Ces femmes sont plutôt moins actives que la moyenne française et peuvent être également retraitées isolées (source : Isolde Devalière, CSTB).
Parmi ces femmes isolées, une femme sur sept est locataire, en majorité du parc privé. Elles sont 62 % des locataires à dépendre d’un bailleur privé (particulier ou bailleur privé autre), contre 38 % des femmes isolées avec enfant(s).
Plus d’un tiers sont préretraitées et retraitées (36 % contre 29 % au national). Pour un autre tiers, il s’agit de femmes actives (35 %, contre 49 % au niveau national) et on observe une part non négligeable de femmes inactives (10 % d’entre elles sont au chômage).
d. Quelques constats empiriques sur le terrain
L’audition du Secours Catholique par la Délégation aux droits des femmes, le 10 septembre 2014, a permis de comparer ces déductions aux réalités concrètes constatées dans les permanences de l’association. En 2012, 1 431 000 personnes ont été accueillies représentant 590 000 situations, toutes spécifiques. Les familles monoparentales en représentaient 31 %, alors qu’elles ne représentent que 8 % au niveau de la population française. 59 % des personnes ou familles rencontrées ont des impayés (dont la valeur médiane est de 797 €) et parmi celles-ci, 39 % ont des impayés d’énergie. Les aides publiques ne suffisent plus ; en 10 ans, le montant des aides financières du Secours Catholique pour payer des factures d'énergie avait doublé et en 2013 il a encore augmenté de 23 %. Entre 2009 et 2013, ce montant a augmenté de 52 % mais de 138 % pour les familles monoparentales (46).
Un constat empirique corroboré par la Croix-Rouge française en la personne de Mme Crétin, directrice de l’action sociale. Elle distingue en effet deux catégories de femmes particulièrement vulnérables : les retraitées encore en couple, aux ressources faibles, mais également des femmes âgées, voire très âgées, en perte d’autonomie.
La Fondation Abbé Pierre précise quant à elle, que, quels que soient les critères retenus, les données actualisées ne pourraient qu’être plus alarmantes au vu de l’augmentation constante des coûts de l’énergie depuis 2006
L’aggravation des situations de précarité, notamment pour les familles monoparentales a été constatée par l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), constat développé lors de la présentation au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 19 septembre 2012, du Baromètre de l’action sociale locale 2012. Les deux tiers des CCAS voyaient alors les demandes d’aide qui leur étaient adressées augmenter, des demandes portant en premier lieu sur le paiement des factures. Les factures énergétiques sont alors citées par 97 % des centres communaux d’action sociale (CCAS) concernés comme étant le premier déclencheur de nouvelles demandes d’aides.
3. L’insuffisance des réponses existantes et les perspectives pour le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
a. L’insuffisance des réponses existantes en matière d’aide aux factures énergétiques
Une panoplie d’aides existantes, tant en matière d’aides aux factures énergétiques (tarifs sociaux, fonds FSL), que dans le traitement des causes de la précarité à la source par l’isolation des logements (Programme « Habiter Mieux » de l’ANAH) s’adresse à ces ménages.
D’un côté, les tarifs sociaux sont largement insuffisants, et ce malgré leur nouvelle automaticité permise par la loi Brottes, un constat partagé par le Médiateur de l’énergie dans son rapport d’activité de 2012. Ces tarifs excluent les ménages se chauffant à d’autres types d’énergies que l’électricité et le gaz naturel, soient a minima les 23 % de foyers français se chauffant au fioul domestique par exemple. De plus, la moyenne de réduction de facture apportée serait trop faible, de l’ordre de 90 € par an pour l’électricité, pour une facture moyenne annuelle d’énergie domestique de 1 600 € par foyer (47).
Le rapport du CESE sur Femmes et précarité (2013) précisait : « Selon le rapport précité de l’ONPES, si l’instauration de tarifs sociaux pour l’électricité depuis 2004 et depuis 2008 pour le gaz, constitue un réel progrès, ces dispositifs n’atteignent que partiellement leurs cibles. Le tarif social pour l’électricité ne concerne que 650 000 foyers sur les 1,5 million de bénéficiaires potentiels, tandis que le tarif de première nécessité pour le gaz n’est facturé qu’à 300 000 foyers sur les 800 000 bénéficiaires potentiels, ce qui pose la question, comme pour d’autres prestations, du non recours grandissant à certains droits ».
D’un autre côté, de telles aides ne prennent pas en compte les privations, les ménages vulnérables renonçant à se chauffer pour ne pas avoir à subir d’impayés de factures, ni les quelques 1,35 millions d’ayant-droits qui ne bénéficieront pas de l’automaticité des tarifs sociaux et ne demandent aucune aide (48). Ce sont donc également ces ménages qui passent au travers des systèmes de détection, ne recourent pas à leurs droits, subissent le plein fouet la précarité énergétique et dont le nombre reste difficilement évaluable.
Enfin, malgré les aides de l’ANAH et leur augmentation notable, l’aide à la rénovation ne cible pas suffisamment les ménages les plus vulnérables pour traiter durablement l’urgence de la précarité énergétique. Selon le même rapport du Médiateur de l’énergie, « Le soutien à la rénovation de l’habitat n’est guère adapté aux ménages les plus fragiles qui n’ont pas les ressources financières pour apporter les financements complémentaires nécessaires à l’engagement des travaux (49) ».
b. Un manque de données actualisées et sexuées sur la précarité énergétique
À ce jour, nous faisons face à un manque cruel de données officielles disponibles, et actualisées, permettant d’établir clairement ce lien. L’ancienneté globale des données disponibles (2006) est aujourd’hui trop importante et dénoncée par l’ensemble des acteurs de la lutte contre la précarité énergétique.
Pourtant, dans un contexte de rationalisation de l’attribution des prestations sociales, un enjeu majeur sera constitué par le ciblage et l’identification des bénéficiaires des aides. Cet objectif vaut également pour la lutte contre la précarité énergétique et l’efficacité des politiques de rénovation massive des logements pour atteindre les 500 000 par an qui constituent l’objectif du Président de la République.
L’urgence de la mise à disposition de données récentes et sexuées se fait donc sentir, permettant notamment aux projets de lois de respecter la circulaire précitée en matière d’études préliminaires en évaluant les impacts des dispositions qu’elles contiennent sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
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Conclusions
Au-delà du sujet des données disponibles, et si l’étude d’impact de la loi n’en fait pas mention, la future loi de transition énergétique ne semble donc pas pouvoir être qualifiée de neutre sur la situation des femmes en France.
Plus vulnérables, elles constituent un public particulièrement affecté par ce phénomène. Afin d’y remédier, les acteurs auditionnés semblaient donc s’orienter vers des mesures permettant à la fois de traiter les causes (vulnérabilité économique) et les conséquences (mauvaise isolation des logements) de la précarité énergétique.
Les auditions de la Délégation aux droits des femmes, ainsi que celles que j’ai organisées en amont du projet de loi, permettent de relayer ici leurs préconisations, qui passaient notamment par une modification des conditions de location de ce qu’ils nomment les « passoires énergétiques » via l’insertion dans le décret-décence de critères de performance thermique des logements. Une vigilance certaine sur le montant, ainsi que le financement et les critères d’attribution du futur « chèque énergie » évoqué dans le projet de loi semblait également indiquée, ainsi qu’un travail pour améliorer les conditions d’accès, et d’accompagnement, des ménages précaires aux travaux de rénovation thermique de leur logement.
1 () Loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
2 () Proposition de loi n° 1261 présentée par M. Laurent Fabius, Mme Martine Lignières-Cassou et les membres du groupe socialiste et apparentés, déposée le 14 décembre 1998.
3 () Article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, tel qu’issu de la loi du 12 juillet 1999 précitée.
4 () Suite à la nomination de Mme Ségolène Neuville (SRC) comme secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, et à la démission de Mme Martine Lignères-Cassou, M. Serge Letchimy (SRC), M. Jean-Louis Borloo (UDI) et Mme Valérie Lacroute (UMP).
5 () Dans le cadre du présent rapport, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale sera mentionnée sous l’appellation « la délégation » ou « la Délégation aux droits des femmes ».
6 () Rapport d’information n°1655 fait au nom de la délégation par la présidente Catherine Coutelle et Mmes Brigitte Bourguignon, Edith Gueugneau, Monique Orphé et Barbara Romagnan (publié en janvier 2014).
7 () Décret n° 2015-86 du 30 janvier 2015 portant modification des conditions d’ouverture du droit aux prestations en espèces des assurances maladie, maternité et invalidité et au congé de paternité et d’accueil de l’enfant.
8 () La recommandation n° 21 du rapport précité de la Délégation aux droits des femmes (janvier 2014) avait pour objet d’ « ouvrir davantage l’accès aux indemnités journalières, permettant de compenser la perte de salaire en cas d’arrêt de travail, aux personnes travaillant à temps très partiel et n’y ayant pas accès ; une première étape pourrait consister à abaisser le palier de 200 heures à 150 heures pour valider un trimestre ouvrant ces droits ».
9 () Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.
10 () Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
11 () Voir la liste des recommandations sur cette proposition de loi figurant dans l’annexe n° 3 du présent rapport.
12 () La recommandation n° 13 du rapport précité de Mme Marie-Noëlle Battistel, au nom de la Délégation aux droits des femmes, avait ainsi pour objet de compléter le chapitre III de la proposition de loi « en spécifiant que la médiation familiale est exclue en cas de violences ».
13 () Contribution de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité du CESE (Mme Geneviève Bel, présidente) au rapport de M. Yves Verollet et Mme Monique Weber, rapporteur-e-s du CESE, La dépendance des personnes âgées (juin 2011).
14 () Adapter la société au vieillissement : la nécessaire prise en compte de la situation des femmes, rapport d’information n° 2111 fait, au nom de la Délégation aux droits des femmes, par M. Jacques Moignard, rapporteur, juillet 2014.
15 () Directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.
16 () L’accès à l’emploi des femmes… Une question de politiques, rapport d’une mission sur l’emploi des femmes réalisée à la demande du ministère des Droits des femmes entre mars et octobre 2013 et pilotée par Mme Séverine Lemière, économiste, IUT Paris Descartes.
17 () « Supprimer le quotient conjugal pour favoriser l’égalité femmes-hommes », article publié en janvier 2014 sur le site internet de l’Assemblée des femmes.
18 () Voir la bibliographie sur les femmes et la fiscalité présenté en annexe du rapport adopté par la Délégation aux droits des femmes, le 10 avril 2014.
19 () Études économiques de l’OCDE : France, Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), mars 2013.
20 () Rapport d’information n° 1809, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, par Mme Catherine Coutelle, présidente : rapport d’activité de juillet 2012 à décembre 2013 (19 février 2014).
21 () La guerre invisible, Leila Milano et Julia Pascual, éditions Les Arènes et Causette, février 2014.
22 () Rapport de la mission d’enquête sur les cas de harcèlement, agressions et violences sexuels dans les armées par Mme Brigitte Debernardy, contrôleuse générale des armées, et le général Didier Bolelli, inspecteur général des armées (15 avril 2014).
23 () Ce rapport est accessible à l’adresse suivante : http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/lutte-contre-le-harcelement-dans-les-armees-le-rapport-d-enquete.
24 () Rapport d’information (n° 1936), déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission des affaires économiques, sur le développement de l’économie numérique françaises et présenté par Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière (14 mai 2013).
25 () Les actes du colloque sont disponibles à l’adresse suivante : http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2015/01/Actes-Colloque-Europeen_sept-2014.pdf.
26 () L’Assemblée nationale et l’Assemblée de la Polynésie française ont conclu en décembre 2012 une convention visant en particulier à réaliser des actions de coopération directe en vue de moderniser l’organisation du travail parlementaire de l’Assemblée de la Polynésie française et de perfectionner le fonctionnement de ses services.
27 () Voir le compte rendu de l’audition du 4 mars 2015, commune avec la Commission des affaires étrangères et ouverte à la presse, sur le site internet de la Délégation aux droits des femmes.
28 () La violence à l’égard des femmes : une enquête à l’échelle de l’UE. Les résultats en bref, FRA, 2014 (http://fra.europa.eu/fr/publication/2014/violence‐femmes‐enquete‐ue‐resultats‐en‐bref ), et Violence against women: an EU-wide survey. Main results, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), 2014 (http://fra.europa.eu/en/publication/2014/vaw‐survey‐main‐results).
29 () Compte rendu de la réunion de la délégation du 7 novembre 2012.
30 () Prostitution : l’exigence de responsabilité. Pour en finir avec le plus vieux métier du monde, rapport d’information n° 3334 déposé en conclusion des travaux de la mission d’information composée de Mme Danielle Bousquet, M. Guy Geoffroy, M. Philippe Goujon, M. Alain Vidalies et Mme Marie-Jo Zimmermann pour la Commission des lois, et de M. Elie Aboud et Mme Marie-Françoise Clergeau pour la Commission des affaires sociales (7 avril 2011).
31 () Mme Ivana Bacik, sénatrice irlandaise, membre du Comité Justice, défense et égalité, M. José Mendes Bota, député portugais, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, rapporteur général sur les violences faites aux femmes, Mme Maria Mourani, députée fédérale d’Ahuntsic, Québec – Canada, M. Gavin Shuker, Member of Parliament, président du groupe du groupe de travail transpartisan sur la prostitution au Royaume-Uni, etc.
32 () Selon le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Action extérieure de l’État », annexe au projet de loi de finances pour 2015 (octobre 2014).
33 () Captured queen : men’s violence against women in “ equal ” Sweden. A prevalence study, Eva Lundgren, Gun Heimer, Jenny Westerstrand, Anne-Marie Kalliokoski, Uppsala university, 2001.
34 () Le 10 septembre 2014, la Délégation aux droits des femmes a entendu M. Bertrand Lapostolet, responsable des programmes de la Fondation Abbé Pierre, Mme Isabelle Crétin, directrice de l’action sociale de la Croix Rouge et M. François Boulot, chargé de mission au Secours Catholique sur la précarité énergétique. Le 16 septembre 2014, la Délégation a auditionné M. Bruno Maresca, responsable du département de l’évaluation des politiques publiques du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), et Mme Isole Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CTSB). Les comptes rendus de ces auditions sont disponibles sur le site internet de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale.
35 () Définition retenue par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 d’engagement national pour l’environnement.
36 () Plan Bâtiment Grenelle, groupe de travail sur la précarité énergétique, résumé de la démarche et propositions principales, janvier 2010.
37 () ANAH, Analyse de la précarité énergétique à partir des résultats de l’Enquête Logement 2006 de l’Insee, octobre 2009 : « Les ménages les plus exposés, au nombre de l’ordre de 800 000, sont constitués des personnes du quartile inférieur de niveau de vie habitant seules une maison individuelle de plus de 100 m2 ; leur taux d’effort énergétique moyen est de 16 % ; pour 68 % d’entre elles, ce sont des personnes âgées de 60 ans et davantage ; elles sont propriétaires pour l’essentiel, et vivent le plus souvent dans des communes rurales. »
38 () Source : enquête Budget de famille, INSEE, 2006.
39 () Source : Observatoire du consommateur d’énergie CRÉDOC-GDF SUEZ 2012.
40 () Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Les dépenses d’énergie des ménages depuis 20 ans, INSEE Première n°1315, octobre 2010.
41 () Source : enquête ENL 2006 (Traitement INSEE / CSTB, 2011, pour IP 1351).
42 () Source : enquête ENL 2006 (Traitement INSEE / CSTB, 2011, pour IP 1351).
43 () Source : rapport de l’ONPES 2011-2012.
44 () INSEE, recensement 2011.
45 () Source : DREES, « Les retraites perçues fin 2008 », Études et résultats, n° 758, avril 2011.
46 () Selon M. François Boulot, chargé de mission au Secours catholique sur la précarité énergétique, par la Délégation aux droits des femmes, le 10 septembre 2014.
47 () Rapport d’audit de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sur les tarifs sociaux de l’énergie, juillet 2013.
48 () Idem.
49 () Médiateur de l’énergie, rapport d’activité 2012, page 19.